Chapitre 45 🌊
« Des éclairs violents en rythme avec ce tonnerre assourdissant déchirant la nuit, et un manque d'espoir le lendemain. Qui dit mieux ? »
🌊 Iliana 🌊
Un nouvel éclair. Mon dieu, je vais faire un arrêt cardiaque. Il est 3h du matin, et au prochain coup de tonnerre, l'heure de ma mort sonnera. Je suis cachée sous ma couette, comme une enfant de 4 ans. C'est d'ailleurs ce que je suis, à cet instant.
D'innombrables fantômes de mon passé fragilisé s'imposaient à mon esprit. A l'âge de l'innocence, je revois la petite blonde que j'étais, cheveux détachés et emmêlés, serrant contre elle une peluche qui ne comblerait jamais le vide qu'elle ressentait. Qui ne la sauverait jamais de la peur qu'elle éprouvait. Seul lui le pouvait.
Je sors rapidement de mon lit, pour descendre au salon. Je me sers un verre de lait, et scrute le ciel par les baies vitrées avec toute l'attention nécessaire. Il y a tellement de fenêtre que je suis certaine qu'une branche pourrait les briser et tous nous embrocher juste parce qu'elle serait entraînée par la force de vent.
Oui, je vais loin, et alors ?
Assise sur le canapé, je regarde le ciel, puis la météo, successivement. Nous sommes le 9 décembre, j'ai cours dans quelques heures, et ça fait une semaine qu'il pleut, sans aucune pause à l'horizon. C'est quoi le but ? Il va y avoir un ouragan ? Un tsunami ? Non mais expliquez-moi parce que je ne comprends pas là. C'est décembre là, Noël, la neige, tout ça normalement. Enfin, la neige, vous comprenez l'idée quoi.
Bordel Iliana, tu as 17 ans et tu n'arrives pas à dormir à cause de trois pauvres éclairs qui se courent après ? T'as quand même vraiment un problème...
Un nouvel éclair coloré transperce le ciel. Je m'enfonce d'avantage dans les coussins du canapé, en regroupant mes genoux contre moi.
- Iliana ?
Je sursaute, avant de plaquer ma main contre mon cur.
- Tu m'as fait peur ! Chuchoté-je.
- Désolé. Tu ne dors pas à l'heure qu'il est ?
Je hausse les épaules avant de déclarer doucement.
- Je n'y arrive pas, avoué-je à mon père.
- C'est à cause de la météo ?
Je hausse les sourcils. Comment il peut...
- Tu t'en souviens ?
- Tu restes ma petite fille Iliana, je me souviens de tout te concernant.
- C'était il y a tellement longtemps...
- Pourtant, tu as toujours peur. Constate-t-il.
Je lève les yeux vers lui. C'est tellement la honte...
- Un peu, par fois.
Tout le temps, énormément.
- Tu n'as jamais aimé les choses que tu ne pouvais pas contrôler, rit-il doucement.
- C'est clair que ce n'est pas près de changer.
- Je me le suis demandé, la dernière fois, explique-t-il en posant sa main sur la mienne. Si ma fille avait encore peur de l'orage.
- J'ai terminé la nuit avec Austin, la dernière fois qu'il y a eu ce temps-là.
- Pendant toutes ces années, ça n'a jamais changé ? Demande-t-il avec douceur.
Je secoue la tête.
- Sur certains points, j'ai grandi rapidement. Mais sur ça, je reste un bébé.
- Bébé n'est peut-être pas le mot adapté ma chérie.
- J'ai 17 ans, et l'orage me terrifie. C'est exactement le mot adapté.
- Je me souviens encore de la première nuit où tu as eu peur. Tu avais 2 ans à peine, et c'est ton frère qui est venu me chercher et...
- Et depuis, c'était soit papa soit rien du tout. Continué-je sa phrase.
Il caresse doucement ma joue.
- C'est pour cette raison, pas vrai ? Demande-t-il, en connaissant déjà la réponse.
- Je n'ai jamais réussi à trouver une autre solution. Jamais.
- Je sais.
Je m'écarte un peu, pour voir son visage à travers la faible lumière du lampadaire.
- Comment ?
- Tu sais, ta mère et moi étions peut-être divorcés, mais on avait toujours une fille en commun. On se parlait beaucoup à l'époque, et même il y a quelques temps encore. Parce qu'on avait eu une fille ensemble, et qu'on avait choisi de garder le dialogue, pour elle.
- Je... je n'étais pas au courant. Vous vous parliez vraiment encore ?
- On fait tout pour ses enfants.
- Et maman te l'a dit. Elle t'a dit, « ta fille de 17 ans est une froussarde, qui a encore peur de l'orage à son âge » ?
- Pas exactement comme ça et...
- Elle a ajouté un truc du genre, « elle doit tenir ça de toi », non ?
Il roule des yeux, en passant son bras autour de mes épaules.
- Tu sais, on n'était pas autant dans les clichés que ça.
- Vous êtes des clichés la grande majorité du temps ! Me défendis-je.
- Non, on ne s'est jamais disputés au téléphone, ou raccrochés au nez. Pourtant, après ce qu'elle m'a dit, j'aurais eu plusieurs occasions. Mais jamais.
- Comment elle te l'avait dit ?
- Elle m'avait accusé en réalité. Tu sais, ta mère avait toujours été très protectrice. Aussi bien avec toi, qu'avec ton frère. Une fois que Will est... parti, elle est devenue plus que protectrice avec toi. Elle t'a maternée, plus qu'il ne l'aurait fallu. Mais qui aurait pu lui reprocher quoi que ce soit ? Une maman qui protège sa petite fille parce qu'elle ne veut pas le perdre, c'est normal.
- Vous m'avez toujours dit que Will était mort d'une maladie. Et que rien de tout ça n'était de votre faute.
- C'est le cas. Jamais on n'aurait pu savoir avant ce qu'il lui arrivait, sauf par chance, peut-être. C'était une maladie héréditaire. Mais on ne l'a su qu'après.
- De qui elle venait ?
- De ton grand-père maternel. Le père de ta mère, qui en était décédé lui aussi. C'est pour ça que ta mère ne parlait plus à la sienne, mais ça, tu le sais déjà.
- Elle me l'avait dit. C'est pour ça, que je ne connais pas ma grand-mère.
- Ta grand-mère savait parfaitement que la maladie de son mari pouvait être héréditaire, mais ça, elle s'est bien gardée de nous le dire. Ta mère n'avait absolument aucune chance de l'avoir, par contre ton frère et toi...
- C'était quoi, comme maladie ? Demandé-je sans vraiment savoir si j'avais envie d'une réponse.
- Une infection au rein, provoqué par je ne sais quelle cochonnerie dans l'organisme et qui pouvait s'étendre à une vitesse incroyable jusqu'à l'arrêt du fonctionnement des organes.
- Sympa dit donc.
- Une vraie merde, ouais, ajoute mon père en croisant les bras.
- Et ce... truc, on est sûr que je ne l'ai pas ?
- Certain. Tu imagines bien que quand on a appris pour ton frère, on a fait tous les tests possibles et imaginables.
- Je ne l'aurais jamais ?
- Non, aucune chance. On a fait tout ce qu'il fallait pour.
- Je ne m'en souviens absolument pas.
- Tu étais vraiment toute petite, c'est pour ça ma puce, ajoute-t-il. Tout ça pour dire qu'en tant que parents, on a forcément pensé à un moment que c'était de notre faute. On a perdu notre fils, c'était assez compliqué à accepter comme nouvelle. On a vu des erreurs partout dans notre manière d'éduquer et de protéger nos enfants. Alors ta mère t'a surprotégée. Surtout par peur.
- C'est... ça a dû être horrible pour vous deux.
Cette sensation était étrange. Je n'arrivais pas à ressentir une réelle peine pour mon frère. Je ne l'avais jamais vraiment connu. Peut-on ressentir de la peine pour une personne qui nous est inconnue ?
- Il n'y a pas un jour, sans que je pense à la vie qu'aurait pu avoir mon petit garçon. Je pense tout le temps à la vie que tu aurais eu, si tu avais eu un frère et celle que j'aurais eu, peut-être avec ta mère.
- Mais dans ces cas-là, tu n'aurais jamais connu Carolina, jamais eu Célia ni vu Austin.
- C'est sûr. De toute façon, ça ne sert à rien d'imaginer comme ça aurait pu se passer. Ça s'est produit, c'est tout. Et on continue d'avancer quand même.
Ça sonne comme un discours dans ma tête. Dit-il seulement ça pour son histoire, ou pour me rappeler l'issue potentielle de la situation de ma mère ?
- On fait ce qu'on peut, pour accepter, rectifié-je.
- C'est vrai.
Je me laisse aller contre lui, ma tête sur son épaule. Moi aussi, je me souviens encore de ce jour où j'ai eu peur. Je me souviens très vaguement de mon frère, et de ses pleurs. Puis je me souviens des suivants, les nuits agitées que j'ai vécues surtout après le départ de mon père. En temps normal, je suis certaine que cette peur se serait estompée toute seule. Mais aujourd'hui, c'est simplement une plaie parfois ouverte, et encore douloureuse. Mon seul moyen de me calmer était mon père. Du jour au lendemain, on m'a arrachée ce réconfort. La conséquence est donc la suivante : une peur gravée en moi, qui je l'espère, s'effacera avec le temps.
- Tu veux que je dorme avec toi ? Me demande-t-il doucement.
Comme avant. Lorsqu'il était encore là, pour moi. Ma mère n'a jamais réussi à remplacer sa présence, et Raphaël non plus. Malgré tout, je secoue la tête.
- Pas la peine, j'ai mon frère pour ça.
- Tu vas aller réveiller Austin ?
- Non, je vais simplement me glisser dans son lit. Il ne s'apercevra de rien tu peux me croire.
- D'accord. Cède-t-il en m'embrassant sur le front. Mais va te coucher maintenant, il est très tard. Tu as cours demain.
- Malheureusement, soupiré-je ironiquement.
Je lui dis bonne nuit à mon tour, et passe récupérer un pull dans ma chambre. J'entre dans celle de mon frère, et chuchote doucement.
- Austin ?
Il émet un grognement charmant avant de se replonger dans la couette.
- Austin ? Il pleut dehors. Continué-je à voix basse.
- Hum... Et alors... Répond une petite voix toute endormie.
- Il y a de l'orage et je...
- Viens, me coupe-t-il en se tournant sur un côté du lit pour me laisser de la place.
Je me glisse jusqu'à lui, et il m'encercle en m'emprisonnant de ses bras.
- Mais heu... t'as pas chaud ? Demandé-je en constatant que sa peau est brûlante.
- C'est toi, t'es congelée. Un vrai surgelé.
- Merci, je prends en note le compliment.
- Aller, dors.
- Mais je...
- Chut.
Je me tais, d'un air boudeur. On est dans son lit, c'est lui qui commande. C'est notre règle.
- Tu crois qu'il va y avoir un ouragan ? Demandé-je quand même doucement.
- Mais non, arrête de penser à ça. Y'aura rien du tout.
- T'es sûr ?
- Certain.
Je plisse les yeux pour regarder à travers ses volets le ciel. Je ne vois évidemment rien du tout, mais l'effort y est.
- Dors Iliana. Me gronde mon frère en passant sa main, sans aucune délicatesse, sur mon visage pour à la base, fermer mes paupières.
- Mais aïe.
- Mais chut. Dors maintenant tu vas être crevée sinon demain et tu vas être chiante.
- C'est faux je...
- Chut, m'arrête-t-il de nouveau.
Je me retourne vers lui, le menton appuyé contre lui.
Oui, je suis enfouie dans ses bras.
- T'as pris ton doudou petit bébé ? Se moque-t-il en ouvrant un œil.
- Ouais. Ce n'est pas vraiment un doudou, tu le sais, me justifié-je. Je n'aime pas avoir les bras qui se referment sur du vide. C'est tout. C'est carrément plus rassurant d'avoir un truc serré contre soi. Un oreiller ou même un vêtement.
- Et toi t'as choisi un chien, en peluche.
- Ouais, parce qu'il est gros. Et c'est mon père qui me l'avait offert. Mon doudou c'était une peluche de ma mère, elle est chez Raph.
- Donc cette nuit je serai le « truc rassurant à serrer contre moi ». Ça te va ?
- Parfait.
- Aller, dors maintenant, insiste-t-il en me caressant les cheveux.
Quelques minutes plus tard, je quitte les bras d'Austin, pour rejoindre ceux de Morphée. Tout aussi accueillants et sécurisés pour moi.
🌊🌊🌊
- Maman ?
Ma mère est assise au bord de la grande falaise. Toujours ce même endroit. Je ne le reconnais pourtant pas à chaque fois. Je plisse les yeux, constamment éblouie par cette luminosité mortelle. Je la reconnais entre mille. Elle est assise, les jambes dans le vide, comme à chaque fois. Ses longs cheveux blonds sont détachés et emportés par le vent, et elle porte une longue robe aussi blanche que la neige. Elle est de dos, mais une femme est à côté d'elle.
- Maman ? L'appelé-je à nouveau.
La femme à côté d'elle porte seulement un haut bleu pâle, sur un pantalon noir. Elle discute tranquillement avec ma mère, et lui tend les mains pour la relever. Ma mère se met debout, à côté d'elle et s'approche dangereusement du bord.
Je sors les mains de mon sweat coloré, pour m'avancer vers elles.
- Hé ! Qu'est-ce que vous faites ?!
Je vois ma mère se pencher en avant, et regarder le vide et le bas de cette falaise infinie. A côté d'elle, cette femme en bleu ciel qui lui tient le bras.
- Non, maman, tu... Commencé-je en voyant son pied s'avancer.
- Il est temps, maintenant. M'interrompt cette autre femme, qui lâche ma mère.
Je ferme les yeux avant de la voir basculer vers le vide. Je ne peux m'empêcher de courir vers elle. Bloquée à mi-chemin par cette même femme, c'est trop ta...
- Iliana...
On me secoue doucement l'épaule. J'ouvre les yeux assez rapidement, et mets quelques secondes avant de retrouver mes esprits.
Austin. Chambre d'Austin. Lit d'Austin. Orage.
- Ton beau-père a appelé trois fois, ton téléphone faisait que vibrer, je pense que c'est important, dit-il doucement en me tendant mon écran.
- Merci, murmuré-je en me frottant les yeux.
Il est 8h. On commence à 11h aujourd'hui. Mon frère a toujours été un lève-tôt, d'aussi loin que je le connaisse en tout cas.
J'enfile rapidement un legging et un sweat, parce que je suis rongée par le froid. Je déverrouille mon portable et commence à parcourir mes appels. Effectivement, Raphaël m'a appelée beaucoup de fois. Trop de fois. Je fronce les sourcils, et tombe sur un message qu'il m'a laissé il y a 15 minutes, lors de son dernier appel.
« Ma puce c'est moi, je ne sais pas si tu dors ou pas, ni à quelle heure tu commences les cours... Il faudrait que tu viennes à l'hôpital le plus rapidement possible, dès que tu as ce message. C'est assez urgent. Rappelle-moi vite. »
Mon sang se glace dans mes veines. Mon cerveau passe en mode off, et je réagis mécaniquement. J'enfile une paire de chaussure à toute vitesse, et sors de la maison en faisant les lacets.
Il ne peut pas s'agir de ma mère. Ma mère va bien. Mes rêves n'ont jamais eu de sens, ce n'est pas maintenant que ça va commencer !
La voiture à cette heure-là, serait la pire idée. Je commence à courir, connaissant parfaitement les rues, et les raccourcis. J'arrive à l'hôpital en moins de 15 minutes, essoufflée et épuisée. Mais peu importe.
C'est ma mère. J'en ai la certitude maintenant.
Je passe devant l'accueil sans même y jeter un œil, et monte directement. Je me fiche complètement d'avoir le droit, ou non de monter, de passer ou de voir le bout du couloir. J'y vais, c'est tout.
Je parcours les couloirs rapidement, craignant déjà le pire.
Je m'arrête quelques secondes, en haut des marches de l'escalier de service pour refouler ce début de transfert. Pas. Maintenant.
Un rapide message à mon frère pour lui dire de ne pas s'inquiéter, ce qu'il fait, évidement. Un simple « partie pour l'hôpital en urgence, reviens vite... ».
- Mademoiselle ? Vous cherchez quelque chose ? M'interroge-t-on rapidement.
Je secoue la tête, et me mets à courir en l'évitant. Sa porte. Pourquoi sa porte est-elle ouverte ?!
- Non... Murmuré-je simplement.
Mon cœur s'affole dans ma poitrine, alors que je dépasse des infirmières en bleu pâle totalement perdues et désorientées par ma présence dans le secteur.
Un chariot est devant sa porte. Qu'est-ce qu'un chariot fait là ?!
La porte grande ouverte, je la franchis sans toquer, sans attendre l'autorisation, sans RIEN. Et c'est exactement ce que je craignais.
Une infirmière en bleu clair, assez jeune, les mains posées sur le respirateur de ma mère. Posées sur le tube qui maintient ma maman en vie.
Je vois rouge, et me mets à lui hurler dessus :
- Ne la touchez pas, je vous interdis de le faire !!
Elle veut la débrancher, je le vois bien. Je prends la paire de ciseaux posée sur la table, et la brandis devant moi, dans sa direction.
La jeune infirmière fait un bon en arrière en me voyant, tendant ses mains devant moi d'un air innocent.
Je vous l'ai dit... Dans des moments comme ceux-là, je n'arrive plus à penser...
🌊🌊🌊
- Mademoiselle ? M'appelle l'infirmière à voix basse.
J'ai l'impression que je suis là depuis une éternité. Dans cette même position, avec ces ciseaux à la main. Des éclats de voix arrivent dans mon dos, et une main se pose sur mon bras.
- Qu'est-ce que tu fais Iliana ? Me demande calmement mon beau-père.
- Ils veulent la débrancher. Répliqué-je d'une voix ferme sans lâcher des yeux le danger, toujours présent dans la pièce.
- Lâche-ça ma puce. S'il te plaît.
- Elle, elle a essayé de la débrancher. Elle veut la débrancher.
- Quoi ? Se défend-elle immédiatement. Mais pas du tout je...
- C'est moi qui le veux ma puce.
Mon visage se tourne vers lui. Je cligne plusieurs fois des paupières.
- Tu veux quoi ? Répété-je incrédule.
- Il faut qu'on parle Iliana, commence-t-il d'une voix délicate en reprenant l'objet tranchant qui était serré dans ma main. Le médecin veut te voir, et me voir aussi, pour parler peu de... L'état de ta mère.
- Il n'y a rien à dire.
Ma voix est tellement froide, mon cur, tellement indifférent.
- Ils ont trouvé un document ma puce, signé par ta mère. Elle atteste qu'en cas de...
- Tais-toi. Tu dis n'importe quoi.
- Bonj... Oh... qu'est-ce qu'il se passe ici ? Demande le médecin qui s'occupe de ma mère, ainsi que sa collègue. Ils sont là depuis le début, depuis son arrivée.
- Votre infirmière a essayé de débrancher ma mère, expliqué-je le regard bas.
- Pas du tout Monsieur T... Commence-t-elle.
- Débrancher ? Comment ça débrancher ? S'étonne justement la spécialiste.
- Pas du tout, j'étais simplement en train de lui laver le visage, se justifie la jeune infirmière d'une voix pas du tout assurée, presque larmoyante. Et comme à chaque fois, j'ai simplement repositionné le respirateur correctement, en aucun cas je ne l'ai retiré ou même arrêté, je le jure ! Je ne faisais que ce qu'on m'avait demandé et je m'excuse si je vous ai fait peur mademoiselle mais ce n'était pas du tout dans mes intentions. Je ne fais que mon travail et cet acte ne me concerne pas...
- Veillez m'excuser, continue Raphaël. C'est ma fille qui a eu peur et qui a cr...
- Pas du tout, je l'ai vue de mes propres yeux et elle...
- Arrête, me gronde-t-il en haussant la voix. Tais-toi maintenant.
Je baisse les yeux vers mes Converses. Les joues rouges, et la rage parcourant mes veines.
- Ce n'est qu'un malentendu, continue l'infirmière.
- Pouvons-nous aller dans mon bureau ? Nous invite son médecin.
- Bien sûr.
La main de mon beau-père se place sur mon dos, alors qu'il me pousse doucement vers la sortie. Je les suis sans rien dire, et m'assois en silence.
- C'est bien vous que j'ai eu au téléphone tout à l'heure ? Interroge l'homme.
- Exactement.
- On devait de toute façon faire un bilan avec vous, continue la femme en s'avançant vers nous. Pouvons-nous parler librement devant la jeune fille ? Demande-t-elle en posant son regard bienveillant sur moi.
- Si elle veut rester, oui, confirme Raphaël.
Si je veux rester ? Evidemment que je veux rester ! Si je pars, qui défendra ma mère ?!
- Comme je vous l'ai dit, nous avons trouvé les documents et autorisations que nous cherchions depuis quelques mois.
Elle dépose une pochette devant nous, et une feuille sous le nez de mon beau-père.
- Pouvez-vous confirmer qu'il s'agit de la signature de votre femme ?
Il plisse les yeux, et hoche la tête. Je l'arrête immédiatement.
- Non, jamais ma mère n'aurait signé de tels papiers.
- C'est pourtant le cas, mademoiselle. Souffle doucement le médecin.
- Non, jamais elle n'aurait fait ça. Elle ne veut pas mourir.
Ils se regardent tous les trois, en silence.
- C'est une décision que vous devez prendre, vous et vous seul. Prenez autant de temps qu'il vous faudra, mais en prenant compte de nos indications.
- Il n'y a aucune décision à prendre ! M'écrié-je. Elle n'est pas morte que je sache ?! Son cur bat encore, elle respire ?! Alors il est hors de question qu'on la tue simplement parce que vous n'avez plus d'espoir !
Je me mords la lève avec violence, pour faire taire mes futurs sanglots. La jeune spécialiste tire une chaise et s'installe à mes côtés.
- Ecoute-moi. Je sais que c'est compliqué à admettre. Mais ta maman... n'est plus réellement là. On ne sait pas si elle survivrait sans toute l'aide qu'on lui apporte. Elle respire, c'est vrai, mais uniquement grâce à des machines. Sans ça, elle en serait incapable.
- Vous n'en êtes même pas sûr... Murmuré-je.
- Non, c'est vrai. Le coma est un des plus grands mystères de la médecine. Mais ce que je sais, en revanche, c'est que des patients avec ce genre d'accident, et qui passent autant de temps absents, arrivent rarement à remonter la pente.
- Vous n'avez pas le droit de perdre espoir. C'est dans votre travail de faire ça.
- On ne sait pas si elle va se réveiller un jour Iliana. Et c'est vrai, mon travail est d'assister les patients, mais aussi la famille. Ta mère a signé des papiers dans lesquels elle refuse des soins trop lourds ainsi qu'un maintient en vie à partir du moment où son état n'évoluera plus. Je sais que c'est difficile pour toi, et que tu veux y croire plus que tout. Mais les chances qu'elle se réveille sont minces. Et son état sera peut-être... extrêmement préoccupant.
- Les lésions causées au cerveau sont malheureusement irréversibles, poursuit l'autre médecin. On ne sait pas si elle n'aura rien que la force de parler. Ou bien même de marcher, manger ou ouvrir les yeux. Elle est extrêmement faible et...
Je me lève d'un coup, faisant sursauter Raphaël.
- Elle va se réveiller. Je la connais. Vous ne savez rien d'elle.
- Il faudra tôt ou tard prendre une décision Monsieur. C'est à vous de la prendre. L'avis de votre fille, d'un point de vue juridique n'a aucun poids, vu qu'elle n'est pas encore majeure.
- Quoi ?! Mais... mais c'est ma mère ! M'indigné-je les larmes aux yeux.
- Un mois. Déclare mon beau-père en créant un silence lourd de sens.
- Comment ? Tente doucement de comprendre la jeune femme.
- On lui laisse un mois. Après quoi, s'il n'y a aucune évolution et que vous décrétez qu'il n'y a plus rien à faire, je ferais le nécessaire pour la laisser partir.
- C'est une sage décision, le rassure-t-on.
- Non... Non, moi vivante, je ne laisserai personne tuer ma maman... Déclaré-je d'une voix fébrile.
Elle était mon repère, ma lumière. Elle m'avait façonnée et portée. Sans elle je serais perdue, avançant d'un pas hésitant et fébrile dans l'obscurité. Je refuse catégoriquement de la laisser rejoindre les étoiles.
Je recule de quelques pas, butant dans la chaise. Le bruit horriblement grinçant qu'elle effectue résonne dans la pièce silencieuse. Une larme roule sur ma joue, alors que je sors en trombe de ce bureau. La porte claque derrière moi, alors que je cherche les toilettes les plus proches. Une furieuse envie de vomir me prenant la gorge. Je m'y enferme, et tombe à genoux sur le sol, mes jambes ne me portant plus. Ma bouche est pâteuse, un goût amer la parcourant. Je sens que je vais vomir... Je plaque mes paumes sur mes paupières closent, et appuie fermement dessus. C'est un cauchemar. Et je vais me réveiller. C'est un cauchemar, pas seulement des éclairs violents en rythme avec ce tonnerre assourdissant en pleine nuit, et un manque d'espoir le lendemain. Qui dit mieux ? C'est un cauchemar, je le sais.
Je sens mon estomac se soulever, mais pas assez pour vomir. De toute façon, je suis à jeun. Je n'ai rien mangé avant de partir. Le sol est tellement froid sous mes doigts. L'odeur de javel me brûle la gorge, en plus d'avoir la nausée.
Il ne peut pas faire ça. Il ne peut pas abandonner sa femme comme ça. Il a promis de la soutenir, dans la santé comme dans la maladie. Il n'a pas le droit de lui faire ça. De l'abandonner elle, et de me faire ça, à moi.
Des bruits de pas résonnent dans les toilettes. Ils se posent devant la porte de ma cachette.
- Iliana ? M'appelle calmement une voix connue.
- Laissez-moi tranquille, murmuré-je la tête enfouie dans mes bras.
- J'entre, d'accord ?
- Non, laissez-moi seule s'il vous plaît...
Les clefs tournent quand même, et déverrouillent sans peine la porte. Le père d'Aiden s'avance jusqu'à moi, et s'abaisse à ma hauteur. Je bloque mes pleurs.
- On va parler tous les deux, tu veux bien ?
J'ai accepté. J'ai confiance en lui, étrangement. Une qualité qu'il a apparemment transmise à son fils. Mes larmes ont dévalé mes joues. Ses mots me touchent en plein cœur, sans pour autant me faire du bien.
🌊
________________________
Hey ! Voici un nouveau chapitre !
Qu'en avez-vous pensé ?
Il se passe beaucoup de chose dans ce lonnnngg chapitre 😉
Comment avez-vous trouvé le moment Iliana/Austin ?
Ainsi que celui avec son père ?
Sans oublier la deuxième partie de ce chaptire...
Iliana perd vraiment la tête des qu'il s'agit de sa maman 😔
D'après vous, comment va évoluer cette situation ?
Le chapitre suivant sera du point de vue d'Aiden, introduit par la présence de son père auprès de notre petite surfeuse...
Des choses à me dire en particulier ?
Je tiens à vous prévenir, les chaotires qui arrivent seront mouvementés...
Le compte à rebours a commencé
😈
À mercredi, gros bisous, Lina 😘
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