Chapitre 17 🌊

« J'étais tout simplement perdue.
Incapable de penser, seulement d'imaginer et de recommencer. »
🌊 Iliana 🌊

Je me suis levée d'un bond lorsqu'Evan est tombé au sol. Mon souffle s'est stoppé, mon cœur s'est mis à accélérer. Je suis passée sous la barrière malgré les cris d'interdictions des professeurs pour rejoindre mon copain, et ses plaintes. Il ne s'est pas relevé. Evan se relève toujours d'habitude.

— Iliana ! m'arrête Mike, dont le visage pâle me fait l'effet d'une gifle.

— Laisse-moi passer !

— S'il te plaît, attends là, dit-il en m'attrapant.

Je me fiche de ce que tu dis, tu comprends ? Tout ce que j'entends, ce sont les battements fous de mon cœur, et sa douleur à lui, que traduit sa voix dure et étouffée. Je me décale pour lui échapper avant de me frayer un chemin jusqu'au centre du cercle qui s'est dessiné. Des joueurs, et des professeurs. J'arrive jusqu'à eux.

— Mais t'es complètement malade ! hurlé-je contre Aiden en lui fonçant dessus.

— Iliana...

— Ta gueule ! l'agressé-je avec violence.

C'est pire que de la colère qui parcourt mes veines en ce moment. Je pourrais le tuer dans la seconde en l'étranglant si je n'avais pas plus important à faire.

— Evan... murmuré-je en l'approchant.

Mon regard se perd lorsque je le découvre. Si bien que je ne peux retenir mon cri. Je plaque néanmoins ma main sur ma bouche pour étouffer tous les bruits qui suivent. Mes yeux se figent, mon cœur aussi.

Il est assis, à même le sol. La mine décomposée, le regard inquiet. Il se tient l'épaule, ou plutôt ce qu'il en reste. C'est un professeur qui lui tient le bras, ce dernier pendant sur le côté. Je peux voir parfaitement son regard perdu, tout comme son os qui semble vouloir lui transpercer la peau. Je suis figée, debout, mes yeux ne pouvant se détacher de lui, et de son bras qui me dégoûte. Sa clavicule et...

— Iliana... grogne-t-il. Vas-t'en.

Je secoue la tête. Je ne veux pas. De toute manière, je suis incapable de bouger.

— J'appelle les pompiers, l'épaule est démise.

Ils appellent les pompiers. Ils appellent les pompiers pour elle.

— Ça va aller Evan, surtout, tu restes conscient, d'accord ? Tu continues de parler. Lui explique calmement la prof de français.

Elle est par terre. Alors que moi, je suis debout. Je dois aller avec elle.

Je m'agenouille à côte de son corps inerte et prends sa main en silence.

— Ne reste pas là Iliana, me murmure-t-il.

— Tu as mal, murmuré-je à mon tour.

— Regarde-moi. Pas mon bras, grogne-t-il de nouveau.

Je n'arrive pas à regarder autre chose.

Il serre ma main, sous l'influence de la douleur. Au loin, des sirènes arrivent.

— On a téléphoné à tes parents Evan. Ils sont en route.

— On va téléphoner à quelqu'un, d'accord ?

— Iliana, m'appelle-t-il entre deux grimaces.

— On n'avait dit aucun contact les gars putain ! s'écrie le coach.

— C'est moi qui ai fait contact, répond Evan. Même si on s'est rentrés dedans, je crois que j'en suis à l'origine.

Ce n'est pas sa faute, supplié-je d'une voix blanche.

— Regarde-moi. Dans les yeux Iliana.

Sa voix me fait peur. Oui, je suis terrorisée. Sa timbre est brisé, et pourtant, il continue de me parler alors que sa tête n'exprime que le besoin, presque vital, de s'évanouir.

— Reculez s'il vous plaît.

— Laissez-nous faire notre travail maintenant.

— Iliana, s'il te plaît ! me brusque Evan en se crispant de douleur.

Son visage devient plus flou. Plus vaste.
Ses joues sont bleues. Bleues gelées et sans vie.
Il crie lorsqu'on lui palpe l'épaule.
Mon cri reste suspendu à mes lèvres.
Un médecin s'avance vers lui, des mains gantées s'approchant de sa peau.

Ils s'agenouillent tous à côté d'elle alors que je reste de marbre. Ils l'ont sortie de l'eau. Ils l'ont déposée sur le sable blanc. Elle n'a pas bougé, elle n'a pas encore ouvert les yeux. Ils ont fait preuve de tellement de délicatesse avec elle... Maintenant, ils la violentent. Ils lui font du mal, je le sais. Bordel, il faut qu'ils arrêtent ou ils vont finir par la tuer ou lui briser tous les os à s'acharner sur sa poitrine comme ça !

 Arrêtez, vous lui faites mal, sangloté-je.

 Ils sont en train de lui sauver la vie, ne t'inquiète pas.

Elle est ballotée dans tous les sens. Un homme l'essuie avec une serviette, alors qu'il y a toujours cette autre personne, qui s'appuie de tout son poids sur elle et qui colle ses lèvres aux siennes, avec une violence que je ne peux supporter.

 Maman...

Les sirènes dansent au dessus de ma tête. Ils ont coupé le bruit.

 Mer de merde, putain !

Le sable autour de moi forme un creux, preuve que je suis là depuis un moment. Je suis dégoûtée par ce que je vois. Ils la traitent comme une vulgaire poupée de chiffon. Ils lui font mal en s'appuyant sur elle comme ça. Bordel, laissez-la !

 Si elle est bien sèche on passe à la défibrillation.

 Elle est en dessous des trente degrés corporels, on ne dépasse pas les trois tentatives.

Un médecin lui maintient la tête de ses deux mains pendant qu'un autre enfonce un long tube par sa bouche. Je le vois forcer sur elle, encore...

 Aspire le maximum d'eau sinon on ne va jamais y arriver.

 La sonde bloque, j'ai peur de perforer le poumon.

Mes pleurs redoublent. Ils ne peuvent pas...

— Je la choque. Attention.

Son corps se tord sous les deux palettes. Sa poitrine se soulève avant qu'elle ne retombe violement, sa tête sur le côté. On lui ausculte les yeux, blancs. Une femme déballe une seringue d'un sachet, en regardant l'homme qui presse ses doigts contre sa peau si douce. Maman... Qu'est-ce que vous êtes en train de lui faire subir ?! Je tremble de tout mon corps, arrachant toute la peau des lèvres pour maintenir mes cris enfouis. Le sable est rouge sous mes mains. Le contour de mes doigts est ensanglanté, lacéré, brouillé, arraché.

 Il faut la choquer à nouveau. Plus fort cette fois.

Le bruit de ces machines est horrible. Tout comme l'effet inutile qu'elles ont sur elle. Ma bouche est inondée de mon propre sang, que je suis obligée d'avaler.

 Je crois qu'elle fibrille.

La femme qui tenait sa seringue sort d'un paquet une aiguille immense, et avec une force choquante, elle l'insère dans la peau parfaite de ma mère. Un autre homme tape sa poitrine. Il la frappe de ses deux mains jointes.

 Il faut l'intuber, intubez-la, vite ! Elle a besoin d'oxygène. Elle est en privée depuis au moins  quatre minutes !

 Il lui reste une chance de survivre. Ça va aller, murmure un autre.

Mes oreilles bourdonnent, et mon regard s'obscurcit. Je m'enfonce dans le sol imparfait, dans le sable rougi. Je n'arrive plus à respirer, l'air est bloqué. Je panique, presque aveugle. Je n'entends plus rien, mon seul repère, sont mes mains plongées dans le sable et qui l'agrippent fermement.

 Putain, je n'arrive pas à placer la sonde, même en forçant elle bloque !

L'air ne veut plus s'infiltrer dans mes poumons. Je suis bloquée ! Mes mains rejoignent mes oreilles pour faire taire ce flot continu de barbaries.

 Qu'est-ce que vous faites ?! Pas devant la gamine enfin ! Vous êtes complètement fous ! s'écrie une voix ferme qui se rapproche en courant.

Un médecin, qui m'attrape à présent par les bras. Il me soulève du sol, avec force. Il me maltraite alors que je suis comme inconsciente.

— Pourquoi ne l'avez-vous pas écartée bande d'idiots ?! Elle est en état de choc !

— On ne peut pas tout faire, on est en train de perdre sa mère ! hurle un autre.

Ce ne sont que des mots, parmi tant d'autres.

 NON ! crié-je à mon tour. Ne la touchez pas, lâchez-moi ! Laissez-la tranquille !

 Calme-toi ! m'ordonne-t-on d'une voix autoritaire.

Ses bras me serrent et me ceinturent. Ils me font mal. Ils me marquent. Ils me coupent la respiration. Je me débats alors qu'on me serre encore plus fort encore.

 NONNNN ! MAMAN !

Ils vont lui faire du mal, je dois la protéger ! Lâche-moi connard !

 Arrête de bouger !

Je crie pour qu'on me lâche, alors qu'une autre personne me maintient assise. Je n'ai plus accès à l'air, comment est-ce possible ?! Je n'ai repris que trois respirations depuis qu'ils m'ont arrachée à ma mère !

 Respire, respire ! Allez, respire s'il te plaît ma jolie, respire, m'oblige-t-on en me tapotant fermement les joues ou en me pinçant les bras. 

Je prends des quantités insuffisantes d'air. Je suis en apnée, alors que le monde tourne autour de moi, pigmenté de points colorés et de larmes brulantes.

 C'est quoi ton nom ? Comme t'appelles-tu ?

Deux yeux gris viennent s'accrocher aux miens. Comme un instinct animal, je me débats parce que je me sens enfermée, écrasée, submergée. Je n'arrive pas à lutter, je n'y arrive plus. Je suis bloquée, contre le sol dur. 

 Iliana... Je m'appelle Iliana... murmuré-je à bout de force.

— ILIANA !!!

La gifle qu'on vient de m'administrer me brûle la joue. Si fort qu'elle me fait pleurer, ou alors peut-être que mes larmes étaient déjà là avant ?

— Qu'est-ce qu'elle a putain ?! panique Mahé à côté de moi.

Mes yeux restent fixés sur le sol. Qu'est-ce que je fais ici ? Le sol me paraît tellement dur...

— Iliana ! Iliana tu m'entends ?! Réponds-moi !

— Mais qu'est-ce qu'il se passe ici bordel ? s'écrie Lindsay en s'approchant en courant.

J'ai envie de courir vers la mer, de m'y enfoncer, de disparaître avec les vagues.

— Elle fait un transfert Austin... murmure faiblement Evan.

Le mot résonne sous ma peau à chaque battement de cœur. Transfert, transfert...

Il est assis sur un brancard, et tente de se relever.

— Vous devez rester allongé, le repousse un homme d'âge mûr.

— Mademoiselle, est-ce que vous m'entendez ? demande une jeune femme, très jeune femme, en s'agenouillant devant moi.

Elle prend mes mains dans les siennes, gantées. Des mains gantées me palp...

J'éclate en sanglot sous la douleur naissante sur ma peau. Le médecin la frotte intensément en chauffant la partie douloureuse, celle qu'elle vient de pincer.

— A-t-elle des antécédents psychiatriques ?

— Quoi ? Non, non pas du tout ! panique Austin.

— Est-ce  son premier transfert ?

— Je ne crois pas. Elle n'en a jamais fait devant moi, et elle est-ce qu'elle...

J'étais tout simplement perdue.
Incapable de penser, seulement d'imaginer et de recommencer.

— Calmez-vous, vous n'avez rien à craindre. Elle est parfaitement réactive. Un peu désorientée mais consciente. Laissez-lui simplement le temps de reprendre ses esprits.

— Vous ne pouvez rien faire ? s'inquiète maintenant Lindsay.

— Il n'y a rien à faire de particulier. Si ce n'est l'emmener dans un endroit plus calme et la rassurer, lui parler. Allez la faire boire et lui mettre une veste, ça sera déjà bien.

— Ok, répond simplement Austin.

— Elle est suivie ?

— Oui, par une psychologue.

— Vous feriez bien de l'appeler, surtout si cette demoiselle est sous traitement, son médecin doit impérativement être au courant.

La jeune femme retire ses doigts de mon poignet en me caressant la joue.

— Ne vous inquiétez pas. C'est très impressionnant, mais ça va aller maintenant.

Mes amis hochent la tête, en même temps. Qu'est-ce qu'ils font tous là ?

— Allez, viens avec moi Iliana, me chuchote Austin en passant son bras derrière mon dos pour me relever.

Je me laisse manipuler, en douceur cette fois. Il me pose sur mes pieds, et...

— On y va maintenant. Les parents sont déjà sur place.

— Comment elle va ? Comment va ma petite amie ? demande sa voix étouffée.

— Evan... murmuré-je.

Le camion s'éloigne, ma mère à l'intérieur. Ils ne m'ont pas laissée aller av...

— Non, je dois lui dire au revoir, je dois lui dire que je l'aime si jamais il lui arrive quelque chose, et que...

— Chuttt... me calme doucement Austin. Tu n'as pas besoin de lui dire au revoir vu que tu vas bientôt le revoir et il sait que tu l'aimes fort, ne t'inquiète pas.

— Tu crois ?

— Bien sûr Iliana. Ne t'en fais pas pour lui, il va bien.

Les élèves curieux nous laissent passer en me dévisageant. Qu'est-ce qu'ils ont à me regarder comme ça ? Austin m'entraîne dans les vestiaires, nos amis nous suivant à la trace.

🌊🌊🌊

— Iliana ?

— Hum.

— Debout ma chérie. Allez.

— Humm.

— C'est l'heure.

J'ouvre les yeux doucement, et m'étire dans mon lit, la tête emplie de coton.

— Papa ? Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je en me frottant les yeux.

— Tu dois te lever.

 —Je commence plus tard aujourd'hui.

— Je sais mais...

— Et il est déjà très tard, paniqué-je en envoyant ma couette sur le côté.

— Iliana, tu ne vas pas en cours aujourd'hui.

Je me stoppe, en fixant mon père droit dans les yeux.

— Ah bon ?

— Non. Tu as rendez-vous avec le docteur Sullivan dans moins d'une heure.

— Quoi ?

— Austin viendra te chercher dès qu'il aura terminé les cours. On part dans cinq minutes.

Et il me plante, là. Comme ça, en tête à tête avec cette annonce.

De toute façon, je ne peux rien répondre. Je suis juste épuisée, vidée. Je n'ai pas beaucoup dormi et ça se sent. Ils m'ont laissée me reposer pour aller voir ma psy. Austin en a parlé, évidement. Ce transfert, le plus long de ma vie, éprouvant et...

Je chasse ces idées d'un coup de tête et m'habille simplement. Il est hors de question que je fasse le moindre effort. Ils ne méritaient pas mes mots, mes mensonges, mes peurs. Personne.

Ils ne peuvent pas comprendre. Je n'ai pas encore franchi sa porte, cette prison aux barreaux dorés, que j'en connais déjà la suite. Je sais comment ça se finira.

Et une chose est sûre...
Je n'allais pas du tout apprécier.
🌊

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Hey ! Salut à tous !
Voilà enfin les réponses tant attendues !

J'espère que ce chapitre était à la hauteur de vos attentes 🙃

Le prochain sera du point du vue d'Austin 🃏 et autant vous dire qu'il va être intense !

Qu'avez-vous pensé de ce transfert, plutôt intense lui aussi ?
Sur ce qu'il s'est passé avec sa mère ? Le fameux « accident » ?

Comment pensez-vous qu'Iliana va réagir, une fois les idées claires et Aiden en face d'elle ?

A mercredi pour le prochain chapitre 😏

Des bisous, Lina 😘

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