J'envoie mon sac avec violence sur mon épaule et la dépasse pour aller rejoindre ma classe en courant presque. Aller, plus qu'une heure. Rien qu'une heure...
🌊🌊🌊
« Tu t'es pris la pluie ? »
Très drôle.
« On sait plus faire attention sur quoi on s'appuie ? »
Morte de rire.
« Tu t'es pris une vague ou quoi ? »
Humour noir.
Voilà à quoi j'ai eu le droit. Pendant tout le reste de la journée. Sans exception. Mais peu importe. J'ai fait semblant, comme d'habitude. Ça ne m'atteint pas. C'est faux, mais peu importe. On s'en fiche.
— Coupe tes tomates sans réfléchir, murmuré-je en coupant rapidement.
Le couteau claque dangereusement sur la plaque, de plus en plus proche de mes doigts. Je pourrais presque sentir la lame les frôler à plusieurs reprises. Cette notion du « risque » me fait du bien. C'est bon, je suis folle pour vous ? Vous avez raison. C'est l'adrénaline qui me manque parce que je n'ai pas surfé depuis plus de 10 jours. C'est beaucoup trop long.
— Iliana ? T'es là ?
— Cuisine, indiqué-je.
Austin arrive doucement en posant son sac dans l'entrée.
— J'ai eu ma mère, elle ne rentre pas avant demain soir. Ils sont chez mes grands parents pour la soirée.
— Oh, d'accord.
Qu'est-ce que je peux répondre de plus sans rire ?
— Ça va toi ? demande-t-il en sortant le lait du frigo.
— Ouais. Nickel.
À part que j'ai passé une journée merdique et que ma cheville me donne envie de me couper la jambe tellement elle est douloureuse. D'autres questions ?
— Tu fais à manger ?
— Non, c'est un petit match tomate VS couteau en céramique ça se voit pas ? ironisé-je avec le sourire.
Il me sourit aussi.
— Non, je dis ça parce que c'est bizarre c'est tout. Tu nous fais quoi ?
— Un salade césar, répliqué-je en remuant le poulet dans la poêle.
Son silence veut tout dire, je me retourne et l'interroge du regard.
— Non, rien. C'est juste que, je ne sais pas, j'aurais plutôt que tu nous ferais des macaronis au fromage ou quoi. Plutôt qu'un truc aussi diététique,rit-il.
Sauf que moi ça ne me donne pas du tout envie de rire. Je me tourne, lui faisant dos. Je reste de marbre face à sa réplique qui rejoint directement celle l'autre...
— Tu n'as pas besoin d'aide ?
— Non, c'est bon. Merci.
— Ok. Je vais me doucher alors.
— Ça marche.
— Merci honey, dit-il avec un clin d'œil ridicule.
Je termine de préparer ma salade. Dans un silence mortuaire.
« Ecoute-moi bien honey. Toi et moi on ne va pas bien s'entendre si tu commences comme ça. Ne complique pas la tâche et contente toi de te taire, d'accord ? » Avait-elle dit.
Un frisson intense me parcourt la nuque. Je vais directement refermer la baie vitrée, comme si c'était la raison. Je sais très bien que non.
Lorsque j'arrive derrière le canapé, je ne peux que m'assoir sur le dossier. Incapable de faire un pas de plus. Mon atèle avait déjà trois crans en moins tellement ma cheville était enflée. J'avais beau me dire que c'était normal, ça m'inquiétais de plus belle.
La douleur était constante. Elle m'arrachait autant de grimaces que de respirations. Elle était toujours là, me stressant d'autant plus. Je n'avais plus assez de doigts à saigner ou d'ongle à ronger. C'était horrible.
J'avais marché toute la journée, alors qu'un jour avant je passais de bras en bras tel un petit bébé innocent. Les escaliers, la chaussée, les couloirs... Le gymnase en sport et le matériel à porter d'un bout à l'autre du terrain. Le kiné qui m'avait achevée. Mon retour à pied par la plage en imaginant naïvement que le sable allait me guérir, comme par miracle. Ça n'avait fait qu'aggraver mon cas. J'avais mal. Terriblement mal.
— Qu'est-ce que tu as ? demande Austin depuis l'escalier.
— Rien, ça va, murmuré-je d'une voix tremblante.
— Non, ça ne va pas. Je le vois bien.
J'éclate en sanglot à ses mots, sans comprendre pourquoi.
— Non, ça ne va pas. Ça ne va pas du tout, pleuré-je dans mes mains.
— Wow... calme-toi, me chuchote-t-il totalement dépassé par la situation.
Ses bras m'entourent doucement alors qu'il pose sa main sur ma tête. Je pleure contre lui, la joue sur son torse. Il me berce délicatement en me caressant.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? Dis-moi. C'est ta cheville ?
— C'est rien, c'est normal, haleté-je.
— Attends, ce n'est pas normal du tout Iliana. Je t'ai jamais vue pleurer pour quoi que ce soit alors que franchement, t'en as plein des raisons. Alors si tu pleures maintenant à cause de ta cheville, c'est que tu souffres le martyr.
— J'ai mal, avoué-je.
— D'accord. Pour commencer, calme-toi un peu. Regarde, respire doucement. C'est bien. Est-ce que tu veux aller à l'hôpital ?
— Non, non, surtout pas s'il te plaît !
— Ok, ok. Qu'est-ce que je peux faire, dis-moi.
— Rien, ça va passer, murmuré-je dans un soupir inaudible.
— Tu vas t'assoir, plus bouger et mettre de la glace d'accord ? dit-il en me soulevant déjà pour me poser sur le canapé, où je me laisse tomber comme une véritable poupée de chiffon.
— Qu'est-ce que tu fais ? demandé-je en le voyant fouiller mon sac.
— Je prends ton dossier médical. Je vais à la pharmacie chercher des antalgiques plus forts, tu ne peux pas rester comme ça, poursuit-il. Tu prends ça, dit-il en me donnant le téléphone dans la main. Si jamais vraiment t'en peux plus, que tu vas t'évanouir tellement tu as mal ou un truc dans le genre, tu m'appelles. J'appellerai les pompiers, d'accord ? Je fais le plus vite possible.
L'instant d'après, il a déjà disparu. Je reste assise, muette dans le noir avec pour seule compagnie le bruit furieux du vent qui cogne contre la vitre. Ma poche de glace contre mon pied, ne sert à rien mais ce n'est pas grave. J'ai envie de hurler de douleur, en serrant le coussin contre ma poitrine pour mieux y enfouir mon visage et masquer ma douleur lancinante.
Il est revenu vingt minutes après, environ. Je n'ai pas bougé d'un centimètre. Il m'a regardée un moment avant d'oser faire quelque chose. Il a doucement posé sa main sur mon front. Je ne sais pas pourquoi, mais ce geste m'a chauffé les joues. Il s'est assis à côté, après avoir retrouvé le sourire.
— On m'a dit de vérifier si tu n'avais pas de fièvre. C'est apparemment le symptôme le plus important, celui qu'on doit prendre en compte. La pharmacienne m'a dit qu'on aurait mieux faire d'aller à l'hosto mais que si tu voulais vraiment attendre, on pouvait tant que tu ne dépassais pas les 39°. Tu n'as pas l'air d'avoir de la fièvre pour l'instant...
Il m'a tendu un verre d'eau avec le cachet dilué dedans. Un goût immonde...
— Ça assomme pas mal apparemment, a-t-il ajouté en riant à ma grimace.
— Merci.
On a mangé en silence, l'un en face de l'autre. Il m'a raconté sa journée, que j'ai écoutée d'une oreille seulement. Je somnolais à moitié dans mon assiette. Il ne m'a pas menti, les cachets m'assomment dès les premières minutes.
On s'est tranquillement installés devant la télé, à regarder un nouvel épisode d'une série qui passait justement par là. Je me suis endormie sur Austin, la tête sur son épaule. Et c'est bel et bien mon père qui m'a réveillée une heure après avec un « les voilà mes deux enfants préférés ». Hum. Pas la peine de faire semblant papa. Je sais ce que tu penses vraiment, et je l'accepte totalement. Il était vraiment tôt lorsque je suis montée me coucher.
Enfin, le soleil se couchait doucement à ce moment là. Je me suis assise machinalement sur le rebord de la fenêtre avec une fine couverture en laine. J'ai regardé le soleil disparaître derrière la mer avec nostalgie. J'adorais voir le soleil se coucher, comme beaucoup de monde vous allez me dire. C'est vrai.
Mais ce que je préférais par-dessus tout, et je n'ai encore jamais trouvé quelqu'un qui voit les choses comme moi. Ce que je préfère, c'est le voir se lever. Voir les couleurs chaleureuses dominer progressivement le ciel sombre pour venir éclairer et illuminer notre journée. Oui, éternelle positiviste que j'étais, je préférais les lever de soleil.
N'y avez-vous jamais songé ?
Sunset ou Sunrise ?
Le lever de soleil est certes moins poétique, mais il a plus de sens pour moi. Cette naissance était toujours de magnifique augure. Elle prédit la réalisation des plus chères espérances, des plus beaux souvenirs. Il annonce la joie, la curiosité et les sourires de la future journée. Voir les évènements toujours heureux.
C'était ma philosophie depuis toujours. Après tout, le sable reste toujours blanc. Que dire de plus ?
Même si je savais que la journée de demain allait être tout aussi dure que celle d'aujourd'hui, je n'arrivais pas à me prendre la tête.
A imaginer ma vie qu'avec des « If Only » ? Si seulement ma mère était toujours là. Si seulement mes mensonges se transformaient en vérités lorsqu'ils passaient mes lèvres. Si seulement j'avais pris les escaliers en bois plutôt que ceux en pierre. Si seulement la vie était parfaite et que le sable restait réellement toujours blanc.
Dans ces cas là, la vie ne serait pas aussi palpitante et amusante.
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Hey ! Voilà la deuxième partie, comme promise !
A samedi 👋🏻
Des bisous, Lina 😘
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