II-6/ Connaître son ennemi

Comprends-tu ?

Bien évidemment qu'il comprenait. Il avait enfin compris, compris que son destin était lié d'une manière ou d'une autre à la jeune femme aux cheveux rouge. Mais comment la traiter en égal ? Il n'avait jamais appris à le faire et que penseraient les hommes de l'armée de son père s'il accordait autant de respect à une femme. Jusqu'à présent, il l'avait entraîné en secret, à l'abri des regards indiscrets des soldats. Mais il savait qu'elle avait encore un long chemin à parcourir avant de devenir une guerrière valeureuse.

Mohikitu prit la parole :

Seiji, fils de Daisuke. Sans pour autant détenir de pouvoir, tu as l'art de la guerre qui coule dans tes veines. Des soldats tel que toi sont rares et tes qualités et tes aptitudes sont un atout pour une armée comme celle de ton père. Pourtant, ton destin n'est peut-être pas celui que tu crois. Certes pour le moment tu en est le commandant, mais les possibilités de l'avenir sont multiples et variées. Je n'ai aucune certitude que tu sois destiné à prendre la suite de ton père. Mais ça, seul l'avenir te le dira. Reste ouvert à toute éventualité qui se présentera à toi.

Urepikari reprit alors, se tournant vers Maimiti :

Ma belle princesse. Comme tu te doutes, notre temps parmi les hommes est enfin fini. Notre condition divine nous rappelle à la réalité et nous devons te laisser face à tout ce dont tu dois affronter.

La princesse regarda les deux divinités qui lui avaient servi de parents. Elle n'avait pas les mots pour leur témoigner sa reconnaissance et son amour. Mais elle n'avait pas besoin de parler car sans s'en rendre compte elle activa le même don que sa mère et elle communiquait par télépathie avec les deux dieux.

Maimiti, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour te préparer au mieux. Comme te l'a dit Mohikitu auparavant, toi seule décidera de ce qui te semble juste de faire. Nous serons toujours là mais nous n'interviendrons plus sauf en cas d'échec où nous prendrons la décision d'anéantir le monde dans son ensemble afin de restaurer l'équilibre tant attendu. Nous sommes heureux d'avoir pu t'élever et nous pourrons relater tes exploits à tes parents qui nous attendent dans l'autre monde. D'ailleurs de nombreuses âmes réclament notre retour pour enfin goûter au repos éternel. Que toutes tes actions soient guidées par l'amour Maimiti !! L'amour protège et fait accomplir de grandes choses.

Et alors que la princesse serrait dans ses bras ces deux êtres qu'elle aimait, ils disparurent dans un halo de lumière blanche. Maimiti laissa tomber ses bras le long de son corps et s'écroula de fatigue devant les yeux incrédules de Seiji.

Il décida de prendre la princesse dans ses bras et de l'emmener dans la demeure de son père. Il la regarda comme si c'était la première fois qu'il la voyait et il sentit en son cœur quelque chose de nouveau. Pourquoi son organe vital s'était il mis à battre plus vite alors qu'il la serrait contre lui ?

Seiji arriva chez son père et fit préparer des appartements pour Maimiti. Il la déposa délicatement sur le lit et donna l'ordre qu'on aille récupérer toutes ses affaires dans la dépendance qu'elle occupait jusqu'à présent.

Seiji ? Qu'est-ce que cela signifie ?

Nous aurions dû traiter cette femme comme l'exigeait son rang père ! 

Qui selon toi est ?

Celui d'une future reine, mais surtout une princesse guerrière !! A compter de demain elle sera entraînée par nos meilleurs maîtres d'armes.

Mais tu es le meilleur ici mon fils .

Non. Un bon maître d'armes n'est pas celui qui rabaisse. Il est celui qui élève à un niveau supérieur.

Certes. Et que comptes-tu faire ?

Je veux partir sur son île ! Voir de mes yeux ce qu'il en est vraiment.

Partir pour son royaume ? Seiji ne crains tu pas d'éveiller les soupçons ?

N'ayez crainte père. Un aller-retour. Juste le temps d'un aller-retour. Je veux rencontrer nos adversaires. Je veux connaître l'étendue de leurs forces. Connais ton ennemi et tu le vaincras.

Effectivement mon fils. Je comprends mieux. Tu ne remets pas en cause le contrat ?

Bien sûr que non. Vous veillerez sur elle père ? Aucun homme ne devra l'approcher !!

Aucun ? Même si c'est elle qui le souhaite ?

Elle ne laissera aucun homme l'approcher mais sait-on jamais qu'un seul essaye quoique ce soit il devra être décapité.

Et pour quel motif ? Souhaiterais tu te la garder vierge pour toi tout seul ?

Père !! Je n'ai aucune intention de ce genre !! C'est mal me connaître !!

Seiji !! Tu es un homme maintenant ! Les femmes et le plaisir charnel font partie de la vie !!

Mais cela détourne la raison des hommes !

Alors ta mère m'a complètement détourné de mon destin !!!

Mère ... mère est une de ces rares femmes qui ont cette capacité à ne pas pervertir le destin des hommes.

Hélas non mon fils ! Toutes les femmes ont ce pouvoir !! Seuls quelques hommes le reconnaissent et l'admettent !! Telle est la différence !!

Vous direz aux maîtres d'armes qu'ils ne doivent pas la ménager. Qu'ils la traitent comme un soldat normal.

Bien évidemment mon fils. Le prochain bateau est demain matin aux aurores. Pars-tu comme Seiji fils de Daisuke ou comme un simple marchand ?

Je ne suis plus Seiji à compter de ce soir, mais appelez-moi Kyofu.

Hmm. Kyofu, messager du Seigneur Daisuke ! Pars et reviens en vie mon fils !

Il salua son père et prépara ses affaires non sans aller jeter un coup d'œil à Maimiti toujours endormie. Il savait qu'il faisait le bon choix et il devait mettre de la distance entre eux. Trop de sensations nouvelles l'assaillaient et il n'était pas certains de les maîtriser en la côtoyant tous les jours. Il serait absent deux mois tout au plus. Cela lui permettrait de faire le point sur ce qu'il ressentait et surtout digérer toutes les informations qu'il avait dû intégrer en un an.

Le lendemain aux premières lueurs du jour, Maimiti se réveilla. Elle ne reconnut pas l'environnement dans lequel elle était. Elle portait la même tenue que la veille mais elle n'était pas chez elle. Pourtant toutes ses affaires étaient dans la pièce.

Elle se leva et regarda par la fenêtre de la pièce où elle se trouvait : elle reconnut la cour de la demeure du Seigneur Daisuke. Que faisait elle là ? Elle ne connaissait pas les lieux et elle ne pouvait décemment pas se promener à sa guise dans la demeure du Seigneur mais Seiji allait l'attendre pour l'entraînement. Que faire ? Elle décida d'ouvrir ses affaires et de repriser sa tenue de combat que Seiji avait réduite en charpie. Elle n'était plus en colère après lui, étrangement elle ne lui en voulait pas. C'était de bonne guerre après tout. Il ne cherchait qu'à l'endurcir face à l'énorme tâche qui l'attendait. Mais c'est vrai qu'elle avait perdu son sang-froid, elle ne s'attendait pas à découvrir l'étendue de ce pouvoir en elle. Elle en avait eu peur, très peur de ce qu'elle pouvait devenir si elle ne se maîtrisait pas. 

Au bout d'une heure, elle entendit du bruit, signe que la demeure s'éveillait et l'on frappa à sa porte. Elle autorisa la personne à rentrer et fut surprise de trouver en face d'elle, le seigneur Daisuke en personne. 

Mon Seigneur. 

Bonjour princesse Maimiti, je vois que vous êtes réveillée et en forme malgré la dure journée que vous avez subie hier. 

Pouvez-vous me dire pourquoi suis-je dans votre demeure et que vous m'appelez par mon titre ? 

Pour répondre à ta deuxième question, il me semble juste de te traiter en tant que telle puisque tu es une princesse, même une future reine. Ensuite concernant ta première question, Seiji m'a demandé de veiller sur toi le temps de son absence. 

Seiji est parti ? mais mon entraînement ? 

Oh ne t'inquiètes pas, tu suivras l'entraînement de mes meilleurs soldats avec mes meilleurs maîtres d'armes. Par contre, (en jetant un coup d'oeil sur la tenue qu'elle reprisait), ma chère une tenue mettant moins en valeur vos charmes sera plus appropriée. Mon fils craint pour vous et m'a fait promettre qu'aucun homme ne vous approcherez. 

Pour qui se prend-il ? Je sais me défendre et ne laisserai aucun homme m'approcher !! 

Mon fils a dit que vous répondrez cela. Mais je suis d'accord avec lui, j'ai promis à votre grand-père, votre mère et son époux que je veillerai sur vous. Effectivement, je vous ai peu vu durant ces 17 ans, mais à présent que vous dieux protecteurs ne sont plus sur terre, je prends leur relais. 

Je vous remercie Seigneur Daisuke de ce que vous avez fait pour moi. J'ignore comment vous remercier de tout cela. 

En devenant une puissante guerrière ma chère. Allons déjeuner. Mon épouse doit s'impatienter et le maître d'armes vous attend également. 

Maimiti accompagna alors le Seigneur, déjeuna en sa compagnie et celle de son épouse, puis elle rencontra l'homme qui serait son maître d'armes personnel. Il avait jugé plus approprié de l'entraîner seule pour le moment, à l'écart des autres soldats afin d'éviter toutes railleries et autres perturbations sexistes. Il était moins arrogant que Seiji, mais il était tout aussi dur et intransigeant. Il ne la traitait pas différemment que si elle avait été un soldat comme un autre Elle appréciait le respect qu'il avait pour elle, mais elle appréciait encore plus qu'il la prenne au sérieux. Elle avait beaucoup à apprendre et elle savait que le chemin serait long avant de pouvoir prétendre pouvoir battre un autre guerrier aguerri. 

Alors que Maimiti apprenait l'art du combat, Seiji avait embarqué pour le Royaume de l'Île. Le trajet en bateau fut calme, la saison était bonne et la mer clémente avec eux. Ils arrivèrent par le nord de l'île où les terres semblaient rouges, lui rappelant alors les cheveux de Maimiti. 3 semaines qu'ils avaient pris la mer et sans cesse ses pensées le menait à elle. Il s'était dit que l'éloignement physique lui permettrait de la chasser de son esprit, mais ce fut tout le contraire : elle le hantait ! Quel sortilège avait-elle bien pu lui jeter ? Il soupira encore en y pensant. Mais la vue des paysages de l'Île le fit oublier pendant quelques instants la belle princesse. Sans avoir encore accoster, il appréciait les paysages qu'il voyait se profiler au fil de la traversée. L'Île semblait encore plus belle que ce que les marins lui avait dit, et encore plus que ce qu'avait pu lui conter Urepikari. 

Toutefois son émerveillement s'estompa à l'approche de la capitale. Sans y avoir mis le pied, il perçut l'air oppressant et morbide que dégageait l'ambiance du port et de la ville alentour. Le port était silencieux, comme si le moindre bruit plus fort que le bruit de l'eau, pouvait provoquer l'effondrement du calme qui régnait. Calme bien trop calme, comme si chaque être vivant et même chaque brique retenait son souffle de peur qu'une terrible chose ne s'abatte sur chacun d'eux. 

Seiji demanda au capitaine du bateau : est-ce habituel ce silence mortuaire ? 

Oui Seigneur ! euh pardon Kyofu. Il est de rigueur même au risque de s'attirer les représailles des gardes. 

Des gardes ? 

Oui, ils sont tapis dans les allées sombres et les recoins, guettant les gens trop curieux. Faites attention à vous. Les murs ont beaucoup d'oreilles ici.

Merci capitaine.

Seiji concentra alors son attention sur les environs, les gens qui vaquaient à leurs occupation, l'ambiance qui se dégageait de cette ville étrange. Il repéra effectivement les gardes cachés par-ci par-là et il observa plus attentivement les expressions des gens. Ils semblaient tous à fleur de peau, craignant pour leur vie comme s'ils pouvaient la perdre d'un instant à l'autre. Il y avait des enfants qui marchaient dans les rues, mais aucun cri, aucun rire ne venait troubler le calme pesant de la ville. Cela avait profondément choqué et intrigué Seiji. Deux mois ne seraient finalement pas suffisant pour apprendre à connaître cet ennemi là. 

Lorsqu'ils accostèrent, Seiji voulut d'abord vérifier si l'ambiance du port était la même dans toute la ville et après plus de 4 heures à arpenter les rues, il fit cette effroyable constatation : cette ville était morte tout comme ses habitants. La joie, les rires ne faisaient plus partie de leur vie depuis bien longtemps. Il se demanda comment en apprendre plus sur leurs tyrans de souverains. Il devait être discret et ne pas attirer trop l'attention sur lui. Mais cela était difficile car sa carrure, son teint pâle et ses longs cheveux noirs d'étranger avaient attiré bien des regards discrets et furtifs. Les rares femmes qu'il avait croisé étaient restées bouche bée devant l'aura virile qu'il dégageait. Les hommes de tout âge s'étaient retournés discrètement sur son passage, se murmurant à eux mêmes qu'il devait être un puissant guerrier. Les gardes l'avaient tout de suite repéré, même s'il ne montrait aucun signe d'hostilité, il avait tout l'air de ne pas être un simple marchand de commerce.

Dès le lendemain de leur arrivée, les gardes royaux vinrent chercher l'étranger sur le bateau dans lequel il était arrivé. Ses majestés Arono et Teririnui voulaient le rencontrer. Seiji feint la surprise et la crainte de façon suffisamment crédible pour apaiser les soupçons des gardes. Tout allait se jouer maintenant : allait-il être démasqué ou allait-il pouvoir engranger les informations nécessaires à trouver la faille de leurs ennemis. 

Les soldats étaient puissants, mais Seiji savait qu'il ne ferait pas le poids contre sa propre armée. Il avait cette capacité à juger et jauger les combattants. Qu'en serait-il du père et du fils ? Le trajet jusqu'au palais royal se fit dans le silence, seul le bruit des pas contrastait avec le silence ambiant. Seiji put apercevoir quelques têtes curieuses derrières les fenêtres mais elles disparaissaient dès que l'armée passait devant les habitations. Seiji aurait pu devenir que chaque habitant retenait son souffle au passage de l'armée, par peur qu'ils ne les embarquent également et les emmènent à un funeste destin.

Le palais royal avait dû être magnifique dans le temps, mais même le bâtiment semblait souffrir de l'ambiance néfaste. Les murs étaient gris, aucune fleur, aucune plante ne venait apporter un peu de vie à ce décor.  Ils traversèrent plusieurs salles, toutes aussi froides les unes que les autres jusqu'à atteindre une grande salle qu'il reconnut comme être celle du trône. Il sentit alors l'aura maléfique, pire que celle que Maimiti avait pu lui faire ressentir. Il pouvait tâter du doigt ce pouvoir. Il n'avait jamais eu peur, sauf lorsque la princesse avait montré son éventuel potentiel, mais à l'instant présent, il sut qu'il devait vraiment se méfier de l'homme qui l'attendait sur le trône au fond de la salle. Si les dieux n'avaient pas menti, leur pouvoir maléfique était au summum et tout bon guerrier qu'il était, il ne ferait absolument pas le poids. 

Se rapprochant de plus en plus, il distingua alors l'homme qui avait pris la tête de ce Royaume. Arono : il l'attendait fier et droit, portant son armure de cérémonie. Il en imposait, Seiji ne pouvait le nier. Même son père à côté ferait pâle figure.

Les gardes s'arrêtèrent à une distance raisonnable de leur souverain et attendirent la tête droite. Arono, toisa ses hommes et arrêta son regard perçant et inquisiteur sur Seiji qui soutint également le regard du souverain jusqu'à ce qu'il se rappelle qu'il n'était plus Seiji, mais simplement Kyofu, messager du souverain Daisuke. Il se courba légèrement pour présenter ses respects. Cela plut tout à fait à Arono, convaincu de la puissance qu'il exerçait sur son peuple et sur les étrangers qui venaient faire du commerce avec son Royaume.

Qui es-tu étranger ? C'est la première fois que nous te voyons sur l'Île et nous n'aimons pas que les étrangers se baladent impunément dans la ville. 

Seiji toujours la tête courbée, réfléchissait vite à l'attitude à avoir. Il comprenait la langue du peuple de Maimiti, mais devait-il tout de suite abattre cette carte. Il joua alors sur la carte de l'étranger qui a appris la langue pour pouvoir traiter affaires avec eux.

Pardonnez mon ignorance de vous coutumes mon seigneur. Je remplace l'ancien messager de mon maître. 

Ta connaissance de notre langue est impressionnante.

J'ai été longuement formé afin de faciliter au mieux nos échanges commerciaux. Mon maître souhaite resserrer nos liens et c'est pourquoi il m'a chargé de cette mission. 

Et quel est ton nom, messager ? 

Kyofu pour vous servir Seigneur. 

Kyofu .... hmm.... sois donc le bienvenue dans mon Royaume. Tu sembles bien bâti pour n'être qu'un homme de commerce. Sais-tu te battre ? 

Un peu mon seigneur. Les voyages dans les contrées lointaines nous forcent à savoir nous défendre. 

Intéressant. Tu rencontreras mon fils et tu nous feras une démonstration de ton talent. 

Ce serait trop d'honneur mon seigneur. 

Allez, hors de ma vue. Mes gardes viendront te chercher quand cela sera le moment. En attendant, je t'autorise à visiter notre belle ville. Ne fais pas attention aux rumeurs. Le peuple est heureux depuis que je suis au pouvoir ! Il respire la santé et la prospérité. 

C'est une évidence mon seigneur. 

Seiji n'avait pas pensé un traitre mot de ce qu'il avait dit. Et devoir courber l'échine devant un tel homme lui hérissait les poils, mais il devait y arriver. Plus il en découvrirait sur leurs ennemis, plus ils seraient capables de les vaincre. Telle fut la mission que se fixa Seiji, fils de Daisuke. 

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