II-10/ Les sentiments doivent être acceptés
Seiji avait levé les mains en l'air en signe de retraite, il n'avait pas l'intention de lui faire du mal ou de quoique ce soit d'autre. Il était même surpris qu'elle réagisse aussi vite : ses réflexes étaient impressionnants.
J'ai dit : QUE FAIS-TU LA ? insista-t-elle abaissant le bâton qui reprit sa couleur naturelle.
C'est impressionnant à quelle vitesse tu agis. As-tu des yeux derrière la tête ? tenta-t-il pour détendre l'atmosphère, mais elle n'était pas d'humeur à plaisanter. Elle n'avait plus ri depuis des années et elle n'en avait plus l'envie de toute façon. A quoi bon rire, puisqu'elle était vouée à mourir. Elle leva les yeux au ciel par signe d'exaspération.
ça ne répond pas à ma question Seiji. Tu viens rattraper le temps perdu ?
Pourquoi pas ? 7 ans sans te voir quotidiennement ça finit par manquer. dit-il en souriant
Tu ne m'as pas manqué si cela peut te rassurer. rétorqua-t-elle en lui rendant son sourire pour le provoquer. Et j'ai tellement été occupé que je n'ai pas eu le temps de me préoccuper du pourquoi tu n'étais pas revenu.
Sérieusement ? même pas une fois tu n'as pensé à moi ?? (il était vexé que cela puisse être possible, lui avait souvent pensé à elle. Il n'avait jamais su l'expliquer, mais il était quand même parti loin pour elle, pour connaître son île, leurs adversaires etc...)
Alors si j'ai pensé à toi ! J'ai pensé à toi pour devenir plus forte encore, pour ne plus jamais avoir à subir l'humiliation que tu m'as fait subir le jour de mes 17 ans !!! Plus jamais je ne serai faible devant toi et devant aucun homme !! J'ai dit que je me vengerai ce jour-là et oui je me suis venger : je t'ai battu deux fois rien qu'aujourd'hui !! Et je te battrai encore !!! Je suis devenue la guerrière ultime car c'est ce que tu voulais, ce que tout le monde attend de moi pour libérer ce pays que je n'aurai jamais eu le temps de visiter !! ALORS OUI dans un certain sens je n'ai jamais cessé de penser à toi, tout ça pour accomplir mon destin !!
Elle lui avait dit cela sans colère, mais avec une froideur qui lui glaça le sang. Son coeur était vraiment endurci, son esprit totalement concentré à un seul objectif. Mais qu'avait-elle voulu dire "Jamais eu le temps de visiter" ? Elle y retournerait dans 3 mois et une fois la mission accomplie elle aurait tout le loisir de découvrir l'Île que lui même avait découvert. Il se disait qu'il se ferait même un plaisir de lui faire découvrir tous ces paysages différents et surtout la grotte de la création comme il s'amusait à l'appeler.
Me détestes-tu autant que cela ? Ne me suis-je pas déjà excusé pour ça ? finit-il par dire voyant qu'elle ne souriait pas et qu'elle semblait crispée.
Te détester ? Non bien évidemment que non, tu m'as juste ouvert les yeux et m'a permis de grandir sur ce chemin. Au début c'était par orgueil que je voulais te surpasser mais j'ai fini par comprendre pourquoi je devais être plus forte que tout le monde. Ce n'est pas à tes hommes d'aller se battre pour mon royaume. Ce n'est pas à eux qu'incombe la tache de supprimer toute la magie de l'Île, mais seulement à moi. Alors, même si j'apprécie que tu veuilles emmener tes soldats je m'y refuse. Je le refuse. Tu m'as donné tous les renseignements nécessaires, maintenant je n'ai qu'à y retourner et accomplir mon destin sans impliquer plus de monde que cela.
Tu t'entends Maimiti ? Tu refuses l'aide de tes alliés ? Quelle souveraine part en guerre seule et sans armée pour l'épauler ?
Mais ton contrat est achevé. Je suis prête à affronter mon destin. Il n'a nullement été question de partir en guerre avec une armée. Et je refuse que tu embarques les femmes, même les plus courageuses. Il est hors question qu'une seule d'entre elles approchent cet homme, puisse-t-on encore l'appeler homme.
Mais ...
Pas de mais Seiji. Je n'ai rien dit tout à l'heure parce que j'écoutais ce que tu avais à dire. Et c'est pour ça que je suis partie pour réfléchir calmement. Et je viens de décider en te voyant là devant moi. Je refuse que ton pays entre en guerre. Ne mêle pas tes hommes à cela. Et d'ailleurs, je compte partir au plus tôt. Je compte attaquer par surprise, ne pas attendre le couronnement de cet idiot. Plus vite l'île est débarrassée de lui et plus vite elle pourra se reconstruire dans la paix.
Alors laisse-moi t'accompagner.
Elle fut surprise qu'il ne la contredise pas, restant la bouche ouverte, prête à lui donner encore de nombreux arguments et il ajouta :
L'effet de surprise est aussi une bonne tactique. Que tu ne veuilles pas de l'armée et de mon plan de concubines, d'accord. Mais je pars avec toi et ça ce n'est pas négociable.
Elle le regardait encore avec des yeux ronds, depuis quand il était d'accord avec ce qu'elle disait ? Depuis quand il approuvait ses idées ?
Maimiti, arrête de réfléchir. C'est bon je te dis : on fait comme tu le penses, après tout c'est ton royaume, ton destin. Pas le mien. Mais je viens avec toi : tu ne connais pas les lieux et je pourrai t'aider à te conduire jusqu'à ton destin comme tu aimes le répéter.
Il attendit qu'elle parle, il savait qu'il l'avait prise au dépourvu et il s'attendait à ce qu'elle argumente encore, mais c'était sans compter sur sa détermination à la faire accepter son plan initial ou à défaut qu'elle le laisse l'accompagner dans sa quête.
Qu'il en soit ainsi alors. Quand pouvons-nous partir ? répondit-elle calmement ayant lentement réfléchi aux dernières paroles prononcées par le brun.
Accorde moi une semaine. Je viens de rentrer et j'aimerai régler deux trois petites choses avant notre départ.
Une semaine. Très bien. Maintenant je voudrai que tu me laisses tranquille. S'il te plaît.
Ne pouvant s'en empêcher, il ajouta d'un ton suspicieux :
Tu attends quelqu'un ?
Elle le foudroya du regard mais il ne lui laissa pas le temps de répondre : Oh pas la peine de me répondre c'est bon, j'ai compris. Je me mêle de ce qui me regarde. Et il tourna les talons veillant à bien refermer la porte derrière lui et comme il l'avait pressenti il croisa Heicho qui semblait aller dans la direction des appartements de la princesse aux cheveux rouges.
Les deux hommes s'arrêtèrent face à l'autre et se jaugèrent sans un mot. Le maître d'armes lâcha en pression et parla le premier :
Arrête ton numéro de protecteur Seiji. Crache le morceau qu'on en finisse.
Pas ici. Je ne voudrai pas être encore interrompu par elle. Tu l'as bien formée en tout cas, ses sens sont à l'affût et elle est précise dans ses coups.
Hmm. Oui, je n'ai pas fait grand chose à vrai dire. Elle s'est donné du mal pour en arriver là.
Les deux hommes marchèrent alors en silence et regagnèrent une des terrasses éloignées de la demeure où ils étaient sûrs de ne pas être entendus ni dérangés. Seiji était relativement tendu et ne savait pas comment formuler ses phrases. Que voulait-il exactement demander ? Et pourquoi donc était-il si nerveux des réponses que pourraient lui donner l'homme aux cheveux blancs qu'il considérait comme son grand frère.
Heicho connaissait bien le brun, même en 7 ans d'absence, il n'avait pas changé quand il s'agissait d'exprimer des sentiments. C'était lui-même qui avait enseigné à Seiji comment occulter toute émotion car tout bon soldat ne devait pas en avoir sur le front. Il en avait fait de même avec Maimiti, mais il avait échoué là où il enseignait aux autres. Il n'arrivait pas à faire taire ses sentiments pour la princesse et même s'ils n'étaient pas réciproques, il avait gardé l'espoir qu'elle finirait par ouvrir son coeur. Mais au lieu de ça, il l'avait vue se refermer et s'endurcir encore plus. Elle avait mis une barrière entre elle et lui et même entre elle et tous les gens qui l'appréciaient vraiment. Elle ne s'attachait à personne, même les femmes qu'elle avait formées. Aucune n'était sa confidente ou proche d'elle. Il se doutait bien que le brun ressentait des émotions qu'il essayait d'occulter depuis un moment, se disant sûrement que l'éloignement géographique aurait fait cesser ces sensations inconnues. N'aimant pas tourner autour du pot et sachant que Seiji était pareil, il reprit la parole :
Pour répondre à la question que tu n'arrives pas à formuler : oui je l'aime, oui elle le sait et oui elle m'a repoussé.
Euh... je croyais qu'on ne devait avoir aucun sentiment ? C'est ce que tu enseignes à tous et j'imagine que c'est ce que tu lui as aussi enseigné ?
Je n'ai pas changé d'avis. Les émotions ne doivent pas être prises compte lors d'un combat, lors d'une guerre. Mais Seiji, nous restons avant tout des êtres humains et les sentiments, certains du moins, sont nécessaires et ne sont pas si terribles que ça à ressentir.
L'amour en fait partie maintenant ? Tu te ramollis Heicho !
C'est vrai que jusqu'à présent j'étais comme toi, l'amour c'est inutile, ça ne sert à rien et cela nous affaibli plus qu'autre chose. Mais j'ai changé d'avis.
Elle t'a fait changé d'avis plutôt.
Oui et non. Tu sais, j'ai longuement discuté avec ton père, il est très sage dans sa vieillesse. Il m'a raconté ses expériences et notamment l'importance qu'a eu ta mère à ses côtés. Et s'ils ne s'étaient pas aimés, il n'aurait jamais été le grand Seigneur respecté qu'il est aujourd'hui. ça m'a fait prendre conscience que l'amour est un sentiment qui n'affaiblit pas mais qui renforce. Ton père s'est battu toujours avec l'idée qu'il devait protéger ta mère, ses enfants et le peuple. En somme, c'est l'amour qui la rendu plus fort, en tout cas moi c'est ce que je comprends.
Mon père t'a raconté ça ? Comme ça ?
Mais non pas comme ça, mais à travers ses paroles c'est ce qu'il a voulu me faire comprendre. C'est pour ça que j'ai laissé mes sentiments pour Maimiti se développer. A passer du temps avec elle, à l'encourager, à la voir persévérer, j'ai découvert une femme extraordinaire. Et les années avançant, elle est devenue physiquement une femme et aucun homme sain d'esprit ne peut pas rester indifférent à sa beauté. J'ai ce privilège de la cotoyer tous les jours et non seulement je suis tombé sous le charme de sa beauté et de son esprit. Elle n'a rien à voir avec toutes les autres femmes et je donnerai ma vie pour la protéger et même si elle ne m'aime pas en retour, mon coeur lui est à jamais consacré.
Tu renonces aux autres femmes pour elle alors qu'elle t'a dit qu'elle n'est pas intéressée ?
Oui et cela te choque ? Mais dis-moi plutôt ce que tu ressens pour elle Seiji.
Moi ? mais rien !! Pourquoi ressentirais-je quoique ce soit pour elle, elle qui n'est qu'arrogance et prétention ?? Maintenant qu'elle est devenue une puissante guerrière, je peux respecter sa valeur et sa détermination, mais après tout c'était sa mission.
Arrête un peu de jouer à ça avec moi ? N'as-tu pas pensé à elle pendant ton séjour en son pays ? N'a-t-elle pas occupé tes pensées alors que tu étais persuadé que t'éloigner un temps calmerait les battements de ton coeur à l'unique évocation de son prénom ?
Je ... euh ...
Je te connais Seiji, même si cela fait un moment que nous ne nous sommes pas vu, mais je te connais et je me rappelle très bien ce que tu m'as dit avant ton départ il y a 7 ans.
Seiji voulut dire autre chose, mais il se remémorait cette fameuse discussion.
Flash back
Heicho ! Je pars pour son pays. Je dois connaître nos ennemis pour avoir une longueur d'avance sur eux. Je te la confie. Prends en bien soin, je n'ai pas su être un bon instructeur pour elle. Trop aveuglé par mon orgueil qu'une fille comme elle puisse avoir tant de pouvoir.
Mais Seiji. Elle n'a que 17 ans, tu pars maintenant et quoi ? quand tu reviens vous allez déclarer la guerre ? Elle ne sera jamais prête à temps. Je suis peut-être doué mais je ne fais pas de miracles. Je te rappelle que c'est toi qui est censé la former, pas moi.
Je sais tout ça, mais je ne dois m'éloigner d'elle. Je ne suis plus le même quand je suis à ses côtés. Je ... J'ai envie de la protéger, de lui éviter ce fardeau là. Mais je me suis promis de ne jamais m'attacher à personne et si je reste à ses côtés je ne sais pas si je vais y arriver. Je dois partir. Les femmes nous rendent faibles et je ne peux pas me permettre d'être faible.
Serais-tu en train de tomber amoureux Seiji ? Toi amoureux ?
Hein ?? non ce n'est pas possible !! Je ne me suis promis de ne jamais faire cette bêtise !!
Mais ça ne se contrôle pas Seiji !! L'amour ça te tombe dessus comme ça. Tu ne peux pas contrôler indéfiniment tes sentiments !!
Heicho, je te dis que je ne suis pas amoureux d'elle. Elle est magnifique et son corps est magnifique même si ce n'est qu'une adolescente mais elle est tout simplement sublime ...
Attends tu l'as vu ? comment ça ?
Oh ce n'est qu'un détail, je l'ai poussé à bout à l'entraînement et elle était extrêmement faible, c'était normal que je l'aide à prendre son bain.
QUOI !!! et elle t'a laissé faire ? Mais ... tu en as profité pour ...
POUR RIEN DU TOUT !!! Je lui ai donné son bain c'est tout et j'ai des yeux donc oui elle est magnifique et c'est pour ça d'ailleurs qu'aucun homme ne devra jamais l'approcher !! C'est clair !!!
Seiji.... tu fuis donc. Tu pars certes pour connaître l'ennemi, mais ça ne urge pas à la seconde. Tu es en train de fuir tes propres sentiments. C'est évident que tu l'aimes ou que tu commences à éprouver des sentiments différents pour elle.
Et si c'était le cas, je préfère m'éloigner avant de me laisser devenir faible !! On est d'accord Heicho, occupe-toi de la former à devenir une super guerrière !! Elle en est capable, elle a une sacré volonté en elle. Je te la confie.
Fin du Flash back
Seiji sortit de ses pensées et souvenirs et dit d'une voix calme : On ne peut pas aimer ce que l'on ne connaît pas. Et 7 ans se sont écoulés comment pourrais-je l'aimer encore ?
Parce que tu es jaloux. Tu as vu comment tu as réagi à peine rentré ? Tu l'as accusée d'avoir eu une liaison avec moi et même pire qu'elle soit comme l'une de ces filles de joies qui se donnent sans sentiments aux hommes qui les payent. Avoue-le, soit honnête avec toi-même : tu l'aimes comme moi je l'aime.
Et si c'était le cas ? On va se battre pour elle ? C'est complètement stupide !!
Je ne compte pas m'opposer à toi si elle te choisit ce qui ne m'étonnerait guère d'ailleurs. Tes parents ont toujours cru que votre destin était lié. Ta mère dit qu'elle sent ces choses là et c'est vrai qu'elle est une des meilleures conseillères matrimoniales de la cité. Mais je te souhaite bien du courage ceci dit, car depuis quelques mois, elle est devenue plus secrète et plus renfermée. Elle ne riait déjà plus beaucoup, mais elle ne sourit quasiment plus. Avec ton retour, je pense qu'elle sait que l'heure est venue pour elle d'accomplir son destin.
Hmm. Et tu comptais aller la voir quand je t'ai croisé ?
Je ne te mentirai pas : oui j'allais la voir pour savoir si elle se sentait bien. Mais j'imagine que tu es déjà allé la voir.
Oui. Elle m'a demandé de la laisser seule. Mais on ne s'est pas disputé si c'est ce que tu veux savoir.
Le silence s'installa de nouveau mais l'ambiance était de nouveau calme. Ils regardèrent les étoiles dans le ciel et ils soupirèrent tous les deux.
Je suis content que tu sois rentré Seiji. Les hommes vont être contents de te revoir demain.
Oui je suis content aussi sauf que je repars dans une semaine.
Hein quoi ? mais tu as dit dans 3 mois tout à l'heure.
Maimiti veut partir de suite. Je l'accompagnerai donc seul, sans l'armée et tout ça.
Seiji !!! tu ne peux pas partir sans une partie de l'armée. Elle ne peut pas affronter ça toute seule, c'est impossible !!
C'est pour ça que je l'accompagne. C'était une condition non négociable. Et je t'arrête tout de suite : je pars seul avec elle. Et ce n'est pas une histoire de sentiment.
Je vois. Je n'aurai donc pas mon mot à dire.
Non.
Heicho ne dit plus un mot et s'en alla après un moment. Cette fin de journée aura été intense et il n'était pas totalement rassuré de la tournure des évènements. Dans une semaine , elle allait quitter le Pays du Soleil Rouge et il était donc peu probable qu'ils se revoient par la suite. Elle était destinée à devenir une souveraine d'un Royaume et elle se trouverait sûrement un prince digne d'elle à épouser. Le destin était vraiment cruel. Mais il l'avait toujours sur : un jour où l'autre elle serait quand même parti.
Seiji resta un moment à contempler les étoiles : il venait d'avouer qu'il nourrissait des sentiments pour Maimiti. Depuis tout ce temps, c'était donc ça qu'il ressentait quand il pensait à elle. Il l'aimait. Mais ce n'était pas encore le moment de lui faire une déclaration. D'autant plus qu'il n'avait aucune certitude que ce soit réciproque. Pourquoi cela le serait-il d'ailleurs ? Il devait mettre cela de côté et se concentrer sur le bon déroulement de la mission : tout faire pour qu'elle anéantisse Teririnui.
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