II-1/ Connaître son histoire
Elle était assise à la fenêtre de sa chambre, le regard perdu au loin, un livre ouvert sur ses genoux. Elle avait cessé de lire et devait assimiler toute cette vérité qu'elle venait d'apprendre. Comment se sentait-elle à présent qu'elle savait tout ? Colère ? Peine ? Courage ?
Maimiti ? tout va bien ? demanda une voix féminine
Oui Urepikari. Ça va. Un peu sonné, mais après tout je l'ai toujours su au fond de moi que quelque chose était différent. Répondit la jeune femme aux cheveux rouge.
Elle s'était retournée pour faire face à cette femme qui l'avait élevée depuis 16 ans. 16 ans dans un pays où les habitants ne leur ressemblaient pas. Un pays froid où régnait le silence en permanence sauf lors des entraînements au combat. Et aujourd'hui, elle apprenait la vérité. Elle était fille de Reine, elle était donc une princesse en son pays, et elle détenait un pouvoir magique unique. Mais son histoire était sombre, car elle était une princesse qui était morte il y a 16 ans et elle avait enfin l'âge de connaître son histoire et de faire le choix d'accepter son destin ou de continuer à vivre ici, dans ce pays étrange où elle était l'étrangère et où elle serait toujours l'étrangère.
Tu n'as pas à décider maintenant. Mais rapidement quand même, notre temps sur Terre à Mohikitu et moi-même arrive bientôt à son terme. Nous ne serons plus avec toi physiquement, mais nous veillerons sur toi, d'une manière ou d'une autre. Tout dépendra de la voie que tu choisiras. Enonça la femme en sortant de la pièce.
La princesse au cheveux rouge soupira longuement et recommença la lecture de ce livre que lui avait remis Mohikitu et Urepikari ce matin, le jour de son seizième anniversaire.
Ma chère enfant
Si tu lis ces lignes c'est que tu as aujourd'hui 16 ans et que le temps de la protection divine accordée par les Dieux arrive bientôt à son terme. Ne prends pas peur, ma fille, tout ce qui suit est ton histoire ou plutôt l'histoire qui explique pourquoi tes « parents » ne te ressemblent pas, pourquoi tu habites un endroit bien différent de celui d'où tu viens. Voici ton histoire, Maimiti, Princesse du Royaume de l'Île et sa future souveraine.
Il y a un peu plus de 16 ans, après une longue période de formation, ton père et moi avons pu nous marier. J'étais la princesse du Royaume de l'Île et future souveraine lorsque ton grand-père, le grand et puissant Roi Whakaaro, autorisa notre union. Hélas, malgré l'amour qui nous unissait ton père et moi, nous savions que notre bonheur ne serait que de courte durée et que le temps nous était compté afin que tu puisses voir le jour. En effet, depuis de très longues années, l'Île était un Royaume prospère et en paix. Cela avait été rendu possible grâce à un pouvoir divin, le pouvoir d'Urepikari, déesse de la vie et de l'amour, pouvoir que l'on a appelé L'incanto divino. Ce pouvoir, se manifeste de différentes façons et seuls quelques îliens en étaient dotés.
Tu trouveras à la suite de ces lignes, l'intégralité de mes recherches sur ce pouvoir et son utilisation. J'ai appelé ce recueil l'Encomio et il te sera très utile pour la suite.
Les îliens dotés du pouvoir se reconnaissent par l'existence d'une marque en forme de soleil qui apparaît sur l'intérieur du poignet. J'imagine que tu regardes ton poignet à présent pour constater que non seulement tu portes la marque du soleil, mais qu'elle est associée à la marque de la lune.
Tu es un être unique sur cette terre. Car ton père, le bon Tehakanui, était détenteur du pouvoir contraire que Mohikitu, Dieu de la discorde et de la destruction, a nommé Il demoniaco. Nous n'avons pas eu le temps d'étudier plus longuement les capacités de ce pouvoir, mais nous savons qu'il peut être destructeur et maléfique quand il n'est pas maîtrisé. Ton père en maîtrisait la puissance et ne l'utilisait que dans des cas le justifiant. Il ne se laissait pas envahir par la haine et la quête de pouvoir. Ce sont ces éléments qui nous ont conduit à cette conclusion : toi, Maimiti, fille de la lumière et de l'obscurité, tu aurais le pouvoir équilibré afin de vaincre la terreur qui s'abattrait sur l'Île.
Maimiti regarda effectivement son poignet, pour la seconde fois depuis le début de cette lecture. Elle connaissait cette marque depuis toujours puisqu'elle l'avait depuis aussi longtemps que sa mémoire le permettait. Mais à présent, cette marque avait un sens.
Maimiti ??? tu peux venir s'il te plaît. Fit d'une voix forte à travers la porte.
La fille aux cheveux rouge, ferma le livre mais l'emmena avec elle. Elle rejoignit la femme qui venait de l'appeler dans le salon de leur habitation. Maimiti s'arrêta un instant lorsqu'elle vit qu'ils avaient un invité : un homme à la peau si pâle qu'elle contrastait avec les cheveux ébènes et longs qu'il laissait tomber dans son dos. L'homme était jeune mais déjà bien bâti.
Que faisait-il là ? Maimiti était perplexe car Seiji était le fils du Seigneur qui les hébergeait. Il avait 2 ou 3 ans de plus que la rouge. Ils ne se connaissaient pas car ils ne se parlaient quasiment jamais. Ils savaient qui ils étaient l'un et l'autre mais ils étaient loin d'être amis. Maimiti le trouvait arrogant, fier et taciturne. Seiji la trouvait arrogante, fière et inintéressante puisqu'elle était une femme.
Dès qu'il leva les yeux sur elle, l'atmosphère s'électrifia instantanément dans la pièce, ce qui n'échappa pas à Mohikitu et Urepikari.
Hum. Maimiti, tu connais déjà Seiji, non ? demanda Mohikitu qui était assis face au jeune homme.
Oui. Nous nous sommes déjà croisés. Répondit sèchement la rouge en ne quittant pas les yeux de Seiji qui ne baissait toujours pas la tête devant elle. C'est un plaisir de vous recevoir dans notre maison, mon seigneur. Dit-elle d'un ton un peu sarcastique.
Le brun lui répondit en un rictus moqueur et ajouta d'une voix trop mielleuse : C'est toujours un plaisir de rendre visite aux invités qui occupent notre domaine.
Mais que nous vaut donc cette visite ? demanda-t-elle avec toujours autant de sarcasme dans la voix.
Mon père m'a fait savoir que vos parents souhaitaient me voir ! répondit-il sèchement
Ce ne sont pas mes parents ! sortit-elle subitement, sans contrôler ses paroles. Finalement, elle était peut-être affectée par la lecture qu'elle avait entreprise et la vérité commençait à faire son chemin dans son esprit.
Maimiti ! interrompit vivement Mohikitu, Ce n'est ni le moment, ni le lieu de parler de ça ! Seigneur Seiji, veuillez l'excuser, Maimiti a aujourd'hui 16 ans et c'est une date particulière pour elle.
Mais qui êtes-vous si vous n'êtes pas ses parents ? auriez-vous menti à mon père depuis tout ce temps que nous vous hébergeons ?
Bien évidemment que non. Votre père connaît la vérité, du moins celle qui la concerne. C'est d'ailleurs lui qui vous a demandé de venir ce soir, car notre contrat arrive à son terme et votre père souhaite que vous preniez la suite. Répondit calmement Mohikitu, alors qu'Urepikari avait posé sa main sur son épaule pour l'apaiser. '
Quel contrat ? hurlèrent de concert Maimiti et Seiji.
Les deux Dieux sourirent à cette réaction commune, Maimiti et Seiji, même s'ils n'en avaient pas encore conscience, étaient semblables tant en caractère, qu'en sentiments. Whakaaro ne s'était pas trompé lorsqu'il avait tissé des liens étroits avec le père de Seiji au début des nouvelles relations entre les Îles. Même si beaucoup de choses avaient été décidées sans l'intervention divine, il apparaissait clairement que le destin allait dans le sens souhaité.
Mohikitu prit la parole :
Ecoutez, il est encore trop tôt pour tout vous révéler. Et ce n'est pas à nous de le faire, mais Maimiti, nous souhaiterions que Seiji connaisse ton histoire afin que nous puissions vous expliquer l'existence du contrat et sa poursuite après notre départ.
Mais je n'ai pas fini de lire ce que vous m'avez remis. Et je ne vois pas pourquoi, le fils de notre hôte, malgré tout le respect que j'ai, doit connaître ma propre histoire et ce en même temps que moi-même ??? s'indigna la rouge
Parce que Maimiti, le temps nous est vraiment compté ! Notre présence terrestre arrive à son terme et nous ne pouvons plus contenir notre puissance magique plus longtemps au risque de détruire tout ce que nous avons construit. Répondit Mohikitu alors que Urepikari hochait positivement de la tête.
Votre puissance magique ? demanda incrédule Seiji.
Nous sommes deux Dieux, Seiji, fils de Daisuke. Et je te demande de garder ton esprit ouvert à ce qui te dépasse grandement. Dit d'une voix douce, Urepikari.
Deux Dieux ... murmura le brun, les yeux écarquillés.
Dans quelle maison de fous était-il tombé ? Son père, le Seigneur Daisuke, avait cru cela et avait accepté d'héberger des gens pareils ? Cela ne pouvait être vrai. Comment cela pouvait-il être possible ? Non, son père était un seigneur craint au pays du Soleil rouge, ils étaient des guerriers, de redoutables guerriers et ils ne se laissaient pas bercer par les mythes et légendes. Non, ils ne vénéraient aucun Dieu et ils ne croyaient qu'en la puissance de la force et du combat.
Effectivement, ils avaient tissé des liens avec les îles et pays environnants et notamment cette Île située à 7000 km de leur pays, mais ces liens n'étaient que commerciaux et notamment dans l'armement lorsque justement ce pays changea de Souverain. Seiji, n'était jamais allé là-bas, son père l'avait interdit. Mais les marchands eux y allaient régulièrement, il fallait plus de 30 jours en mer pour faire le trajet et à chaque fois qu'ils revenaient, les marchands faisaient cette requête étrange au Seigneur Daisuke : « Seigneur, ce n'est plus possible d'aller là-bas. La population vit dans la peur et tyrannie. Ne pouvez-vous rien faire pour ce peuple ? »
Et le Seigneur répondait toujours : « Il n'est point arrivé le moment de nous mêler de leurs affaires. Pour le moment, ils sont nos meilleurs clients en armes, alors nous nous contenterons de ce commerce »
Seiji respira calmement, il n'était pas de nature impulsif et savait analyser les évènements rapidement. Si son père avait fait confiance à ces gens-là, si son père l'avait envoyé les voir aujourd'hui, c'était que son père devait avoir ses propres raisons.
Bien. Considérons que je veuille bien écouter ce que vous avez à dire. Par contre, je ne veux aucun secret, je veux tout connaître pour comprendre et décider ce que je dois faire ensuite. Même si mon père semble avoir ses raisons, je veux m'en faire ma propre opinion.
Vous êtes bien le digne fils de Daisuke, Seigneur Seiji. Maimiti ? pouvons-nous compter sur toi ? demanda Mohikitu d'une voix intransigeante.
En ai-je vraiment le choix ? soupira-t-elle en s'asseyant aux côtés du brun.
La situation la dépassait, mais au point où elle en était, il n'avait qu'à entendre son histoire puisque cela semblait si nécessaire et si important pour la suite. Elle haussa les épaules et ouvrit le livre de sa mère. Et pour la troisième fois depuis le matin, elle recommença les premières lignes où elle apprenait qu'elle était une princesse d'un Royaume lointain. Ce qui surprit le brun qui manqua de s'étouffer en apprenant la nouvelle : elle une princesse, mais à bien y réfléchir, tout ce qui l'exaspérait chez elle, son arrogance, ses manières était sûrement lié à ses origines royales. Maimiti ne s'offusqua pas de l'attitude de Seiji, elle était persuadée qu'il se moquait d'elle et de ses origines. Il n'avait rien à redire, lui fils de Seigneur, c'était comme s'il était prince en son pays. Mais elle ne s'attarda pas et continua la lecture.
Alors que notre mariage se préparait, nous avons appris que ton grand-père le Roi était souffrant d'un mal qui ne pouvait être guéri mais surtout que l'un des chefs des trois clans de l'Île avait l'intention de s'emparer du pouvoir. Ton père était au courant des mauvaises intentions d'Arono, mais il n'imaginait pas qu'il projetait de tuer autant de gens. Ton grand-père a eu des visions de ce qui allait se passer et c'est pour cela que nous avons choisi de te protéger de l'horreur qui s'annonçait. Tu pourras demander à Urepikari et Mohikitu de t'expliquer ou plutôt de te confirmer mes propos.
Maimiti, ma fille bien-aimée, tu as 16 ans aujourd'hui. Je t'imagine si belle et si forte. Mais tu devras te préparer encore car ni ton père ni moi ne seront là pour t'aider à développer ton pouvoir car nous ignorons l'étendu de celui-ci. Sache que dès ma naissance, l'Incanto divino était si intense chez moi qu'il a suscité tant de convoitise que mes parents en sont morts. Whakaaro m'a recueillie et m'a élevée comme sa fille car il savait que mon pouvoir susciterait de la convoitise. Mais j'ai été protégée et en grandissant j'ai développé mes connaissances et ma maîtrise du don divin. J'ai même pu établir un contact mental avec les Dieux qui nous avaient créés et accordés ce don. Lorsque j'ai rencontré ton père c'est comme si nos âmes s'étaient trouvées et reconnues. J'aurai tellement souhaité que tu connaisses ton père car il était quelqu'un de fort, de dévoué et avec un sens des responsabilités accrues. Mais je m'égare. Alors que nous préparions notre mariage, nous avons tout fait pour ralentir les plans diaboliques d'Arono et de son fils Teririnui.
Le jour de notre mariage, ton père devenu ainsi Prince consort du Royaume, convoqua Arono, chef des Tepahere, pour lui annoncer que nous nous préparions au futur combat qui nous opposerait mais que nous faisions appel à sa loyauté de combattant. Son honneur était en jeu et le refuser aurait été impensable – quoique il aurait très bien pu le faire – mais nous connaissions bien notre adversaire. Bien que perverti par la noirceur du pouvoir maléfique, Arono était aussi très arrogant et prétentieux. Il était sûr de vaincre et nous accorda cette faveur : celle d'attendre que je te donne naissance car tel était son projet, récupérer mon premier né et le convertir au pouvoir maléfique tout comme il l'avait fait avec son propre fils.
Cela confirma donc nos doutes et cela nous permit de nous concentrer sur l'essentiel : te protéger jusqu'au bout. Lors de notre voyage de noces, nous nous sommes rendus dans une des forêts de l'Est où se trouve la grotte cachée où j'ai rencontré la première fois la Déesse Urepikari. L'heure était grave, je me savais enceinte de toi et je ressentais que mon pouvoir en était décuplé. J'emmenais ton père avec moi et c'est là que nous avons tous les deux demandés une énorme faveur aux Dieux. Urepikari fut facile à convaincre car elle avait toujours aimé les îliens, nous ses enfants. Mohikitu pourra te le confirmer, il était contre notre demande car cela impliquait énormément de sacrifices. Un Dieu ne sacrifie rien. Il créé ou il détruit. Mais Urepikari sut le convaincre. Peut-être trouveront-ils le temps ou nécessaire de t'expliquer pourquoi ils nous ont accordé cette grâce. Mais finalement, peu importe les raisons, cela nous permettait d'assurer ta protection et ta survie, au moins jusqu'à aujourd'hui.
En effet, au prix de la disparition complète de nos pouvoirs car nous te les avons entièrement transmis de sorte que tu sois protégée et que tu deviennes une guerrière puissante pour restaurer la paix et l'équilibre sur notre Île bien-aimée.
Maimiti, je pense deviner que tu es effrayée, en colère même, de connaître ton histoire de cette manière. Peut-être aurions-nous pu agir différemment, mais nous avons fait au mieux et au plus pressé car, c'est vrai que nous nous remettons complètement à ton jugement et au choix que tu feras. Pourtant nous n'avons aucune certitude que tu choisiras la voie de sauver notre Île mais sache que ta décision fait partie du contrat qui nous lie tous à Urepikari, Mohikitu et le Seigneur Daisuke du Pays du Soleil Rouge.
La rouge s'arrêta de lire et regarda attentivement l'expression sur le visage des trois autres en face d'elle. Un contrat liant tout ce petit monde ?
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