Il fallait trois jours de voyages à cheval pour rejoindre la résidence royale du clan des Tepahere. Durant ce laps de temps, Manahere fit un peu plus la connaissance de Kotarui. Le jeune homme était quelqu'un de doux, de patient, préférant la diplomatie à la violence. Bien qu'ayant toutes ces qualités et bien d'autres encore, la jeune princesse n'était pas convaincue au fil des discussions. Elle savait qu'elle avait un caractère impétueux parfois et que son père avait choisi le jeune homme parce qu'il pourrait la canaliser. Mais Manahere savait qu'elle avait besoin d'un homme aussi vif qu'elle, un homme capable de lui tenir tête : en paroles, comme en action. Hélas, Kotarui ne répondait pas à ses critères : elle espérait secrètement que le chef des Tepahere soit contre cet arrangement arbitraire ! Manahere voulait choisir son destin et pas qu'il lui soit imposé.

Ils arrivèrent au matin du 4ème jour. Arono et Teririnui attendaient le convoi royal. Le père avait commencé à enseigner à son fils à développer son côté sombre, mais les résultats n'étaient pas satisfaisants, sa part de lumière était trop puissante pour qu'il se laisse envahir par la colère. Arono était déçu de ce fils qui ne lui permettrait pas d'accéder au pouvoir. Mais le chef n'était pas découragé, il avait décelé chez les amis de son fils, le potentiel maléfique de l'un d'eux : Tekahatino. Le jeune homme était âgé de 18 ans, il était bien bâti parce qu'il aimait l'art du combat et il s'entraînait dur chaque jour car il espérait devenir le chef de la garde royale. Son visage anguleux, ses yeux ébènes, son nez aquilin, lui conféraient une aura mystérieuse et puissante. Il était très intelligent et manipulateur. Arono aurait tellement souhaité que son propre fils soit comme Tehakatino.

Arono se dit qu'il laisserait encore une chance à Teririnui de lui prouver sa capacité à développer il demoniaco.

En attendant il devait faire bonne figure puisque le Roi venait en visite pour quelques jour rencontrer ses sujets bien-aimés. Arono avait pris soin de toujours porter des manches longues afin de cacher le symbole qui était apparu des années auparavant. Aronoa avait utilisé les connaissances de l'Incanto divino pour l'appliquer de la même manière par rapport au pouvoir d'Il demoniaco. La marque lui permettait de canaliser la magie noire, cette dernière l'avait rendu encore plus dur envers ses sujets, il était encore plus prompt à la colère et sa puissance physique avait augmenté. Son esprit était tourné vers les complots et tous ceux qui osaient s'opposer à sa façon de gérer sa région ne survivaient pas très longtemps. Depuis qu'il avait découvert le pouvoir d'Il demoniaco, la région du nord-ouest s'était développée sous une atmosphère tendue et crispée. Les habitants étaient de moins en moins joyeux car il subissait la terreur et la fureur de leur chef de clan.

Whakaaro avait entendu des choses sur les changements qui étaient apparus progressivement, mais il n'avait jamais eu de preuves concrètes que Anoro était un chef cruel tel qu'il était parfois rapporté. Lorsque les Tepahere assistaient aux conseils royaux, tout se passait toujours bien. Les membres de la garde royale était principalement issus de ce clan puissant en combat et ils étaient toujours fidèle au roi. Ce dernier n'était donc pas inquiet des rumeurs qu'il pouvait parfois entendre.

Cependant, Whakaaro ignorait tout ce qui se tramait dans son dos et il l'apprendrait bien vite et n'aurait pas le temps de pouvoir gérer toute la révolution qui s'abattrait sur le Royaume.

Mais avant tout cela, il devait assurer sa succession et trouver un époux convenable pour sa fille adorée. Il était persuadé que le choix qu'il avait fait était le plus approprié pour calmer le tempérament de feu de Manahere. Kotarui était un pacifique et il aiderait sa fille à maintenir la paix dans le Royaume. Il fut tenter de ne pas tenir parole envers les jeunes gens et voulut quand même avoir recours à l'Enamore pour que sa fille choisisse plus facilement le jeune homme. Mais il s'abstint finalement car en les observant durant les trois jours de marche, il constata que sa fille n'était absolument pas enthousiaste face au choix présenté devant elle. Elle était certes courtoise avec Kotarui, mais elle n'avait pas l'air sous le charme du jeune homme. Il ferait donc un bon conseiller royal, mais pas un prince consort digne de ce nom.

Whakaaro devait admettre qu'il fallait qu'il fasse confiance à Manahere et après tout, elle n'avait que 16 ans, elle avait encore le temps de se trouver un époux digne d'elle. Arrivant alors près de la chefferie des Tepahere, le Roi avait pris sa décision : Kotarui ne serait finalement pas le fiancé officiel de Manahere. Il devrait donc l'expliquer au chef des Kerehoma, mais il savait que sa décision serait facilement acceptée et comprise. Il devait peut-être trouvé un moyen pour donner toutes ses chances à Kotarui de convaincre Manahere de le choisir, mais le Roi savait qu'il ne l'imposerait pas à sa fille bien aimée.

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Le Roi et Manahere furent accueillis le plus chaleureusement que pouvaient le faire Arono et Teririnui. Arono était un peu plus âgé que le Roi et avait une carrure imposante, digne d'un souverain. Ses cheveux et sa barbe étaient à présent blancs. Teririnui, bien qu'âgé de 16 ans comme Manahere, avait déjà la carrure d'un homme. Il avait un air arrogant et sûr de lui, son visage rectangulaire et anguleux lui donnait un air féroce. Il avait les cheveux longs dans les tons châtains. Manahere n'aimait pas la façon dont il l'avait regardée quand elle était descendue de cheval. Elle savait qu'elle avait un physique agréable qui plaisait aux hommes plus âgés, mais c'était la première fois qu'elle avait le sentiment de n'être qu'un morceau de viande prêt à être dévorée par un prédateur.

Elle frissonna presque de dégoût quand Teririnui lui prit la main pour y déposer un baiser. Décidément, elle ne l'aimait pas. Elle ne l'avait jamais vraiment apprécié à la Scula divina. Il aimait humilier les autres et ses capacités à pratiquer la magie laissait à désirer. Au début, elle pensait que c'était liée à son propre pouvoir qui était plus important que tous les détenteurs de l'Incanto divino, mais elle s'était rendue compte que certains maîtrisaient beaucoup mieux la magie que Teririnui alors qu'ils n'avaient pas "brillé" autant que le jeune homme lors de la cérémonie de l'Harakia.

Manahere sourit poliment à Teririnui et savait parfaitement que jamais elle ne le choisirait comme prince consort. D'ailleurs, il ne salua même pas Kotarui alors que le Roi était en train de le présenter à Arono. C'est à peine s'il lui avait adressé un regard. Kotarui ne s'en formalisa pas outre mesure, il était plutôt occupé à écouter ce que le Roi était en train de dire. Manahere se rapprocha alors de son père et fut surprise de la teneur de la conversation.

Mon cher Roi, votre fille est devenue une femme, il serait enfin temps de lui trouver un époux avant que tous les hommes du Royaume ne cherche à se l'accaparer ! lança Arono d'un air entendu.

C'est pour cela que je suis venu vous rendre visite mon cher Arono et vous faire part de ma dernière décision. répliqua le Roi.

Une décision ? s'interrogea le chef des Tepahere.

Initialement, je devais vous annoncer que j'avais arbitrairement choisi Kotarui ici présent pour être le fiancé de Manahere. Mais après mûre réflexion, je souhaite que chaque clan présente au moins un candidat pour ma fille. annonça le Roi.

Kotarui écarquilla les yeux de surprise mais ne dit rien, il n'avait pas le droit de contredire le Roi, mais du statut de fiancé officiel il passait à celui de candidat. Son père ne serait pas forcément ravi alors qu'un arrangement avait été conclu 4 jours avant. Mais le Roi devait avoir ses raisons et il n'irait pas contre, tout comme son père et le clan des Kerehoma.

Un candidat ou plusieurs candidats à l'accession au trône ? S'étonna à voix haute Arono.

Je vous rappelle que c'est Manahere qui sera reine, son époux ne sera que le prince consort mon cher Arono, je ne compte pas changer ce qui existe depuis des siècles concernant la façon de gouverner ce Royaume. Rectifia le Roi.

Oui, excusez-moi Majesté, ma pensée a dépassé mes paroles. Mais quelles sont les critères des candidats ? Il est évident que mon fils est d'office candidat, mais qui choisira le vainqueur ? Demanda Arono.

Hmm. à vrai dire, ma fille devra faire son choix elle-même. C'est elle qui décidera comment évaluer et juger son futur époux, selon ses critères à elle. Depuis l'enfance, elle a été éduquée à devenir la prochaine souveraine du Royaume, elle sait donc la tâche qui l'attend et les qualités que devra avoir son futur compagnon. C'est pourquoi, ne vous précipitez pas dans le choix de vos candidats, s'il y en avait plusieurs. Manahere n'a que 16 ans. L'épreuve du choix se fera au bout de deux ans. Cela laissera largement le temps à chaque clan de présenter un ou plusieurs candidats qui devront tout faire pour convaincre ma douce fille qu'il sera le prince consort idéal, sur tous les plans.

Manahere était abasourdie : elle allait devoir supporter tous ses pseudo fiancés et elle devra elle-même choisir ! Elle savait que c'était une décision juste et sage et elle était reconnaissante que son père prenne en considération sa propre volonté, mais elle aurait quand même préféré en être informée avant. Quels critères devaient-elle prendre en considération ? Déjà le choix était simple : entre Kotarui et Teririnui, elle préférait nettement Kotarui pour son respect des autres, pour son caractère et son physique lui était plus agréable que celui de Teririnui qu'elle trouvait trop brut sans parler de son caractère qu'elle vomissait. Mais de là à dire que son coeur battait la chamade en voyant le jeune Kerehoma, elle ne pouvait l'affirmer. Il ferait certes un prince consort docile et facile à vivre, mais Manahere restait une jeune femme qui voulait vibrer d'amour.

Pour avoir passer des heures et des heures dans la bibliothèque de la Forteresse, elle avait pu non seulement s'instruire sur l'histoire du Royaume et de la magie, mais elle avait dévoré tous les récits qui parlaient d'amour et de passion amoureuse. Elle voulait être comme toutes ces héroïnes du folkore îlien, des femmes fortes mais totalement féminine, elle voulait rencontrer l'homme qui ferait vibrer chaque parcelle de son corps et pour qui elle s'abandonnerait entièrement. Elle soupira en hochant la tête, laissant aller son regard sur le trop doux Kotarui et sur la brute épaisse de Teririnui. Il était évident qu'aucun des deux ne faisaient vibrer ne serait-ce qu'un petit bout de son petit coeur.

Elle remercia intérieurement son père d'avoir finalement fait ce choix. Plusieurs prétendants ne seraient pas de trop pour qu'elle puisse affiner son choix, mais soudain elle eut un doute et l'exprima à haute voix.

Père, mon Roi, pardonnez-moi, mais que se passera-t-il si aucun des prétendants ne me convienne ? osa demander la jeune femme.

Arono haussa un sourcil de désapprobation, comment une femme pouvait-elle imaginer ne pas succomber au charme masculin ? Les femmes étaient faibles et de toute manière, future souveraine ou pas, elle restait une femme qui ne résisterait pas aux assauts de son fils. Et si ce dernier s'y prenait bien, il n'avait plus qu'à l'engrosser pour que ce plan stupide de séduction sur deux ans s'arrêtent avant et que Teririnui deviennent enfin le prince consort. Le chef des Tepahere avait clairement vu que la jeune femme était tout à fait à son goût et qu'il lui serait très facile de la mettre dans sa couche. Arono était confiant, il n'aurait pas besoin de chercher un autre candidat. Il souriait et indiqua alors au Roi et à sa suite où loger pour les prochains jours.

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Arono comptait mettre en place dès le repas du soir son plan de séduction pour que son fils parte à la conquête de la princesse. Il le convoqua dans son bureau :

Teririnui, je veux que tu séduises intensément Manahere ! Cette histoire de prétendants est ridicule et tu dois être le prince consort avant de révolutionner le royaume et devenir le ROI !!

Ne vous inquiétez pas Père. Cette nuit, je la fais mienne et elle ne pourra plus se passer de moi !! J'ai vu qu'elle me regardait avec envie quand je lui ai baisé la main.

Ne sois pas aussi sûr de toi, mais montre-moi tes capacités mon fils !!

Après avoir donné ses instructions à son fils, Arono se décida quand même à inviter d'autres jeunes gens de l'âge de la princesse pour qu'ils puissent participer au banquet. Les traditions voulaient que les femmes soient séparées des hommes lors du repas, il fallait donc que la princesse ne se retrouve pas entourées uniquement de ses dames de compagnie. Il devait faire aussi en sorte que Manahere puisse avoir une vue directe sur Teririnui : il devait attirer toute son attention.

Arono convia Tehakanui afin qu'il veille à ce que Teririnui ne perde pas l'objectif qu'ils s'étaient fixé. Il convoqua le jeune homme en qui il fondait beaucoup d'espoir pour son accession en tant que futur chef de la garde royale. Arono voulait placer ses pions sur l'échiquier en vue de destituer Whakaaro. Tehakanui voulait impressionner le Roi et n'en avait que faire des manigances de Arono et de son fils. Ce n'était qu'une princesse, une femme comme toutes les autres.

Tehakanui avait développé Il demoniaco après avoir vu son propre père étrangler sa mère et sa concubine parce que celles-ci n'avaient pas réussi à le satisfaire suffisamment au lit. Le jeune homme aimait profondément sa mère et pour la venger il n'avait pas hésiter une seconde à poignarder son propre père dans son sommeil. La rage qu'il avait ressentie avait fait apparaître le cercle lunaire à son poignet. Cependant, Tehakanui ne s'était pas laissé dévoré par le pouvoir maléfique. La colère ne l'envahissait pas, ou plutôt il arrivait à la canaliser et il n'utilisait le pouvoir que lorsqu'il considérait qu'il s'agissait d'une injustice à régler. Dans ces moments-là, Tehakanui se laissait guider par Il demoniaco et pouvait exécuter quelqu'un, homme ou femme, sans états d'âme et de sang-froid. Mais pendant ses combats, il n'utilisait pas le pouvoir sombre car il n'en avait pas besoin car ses coups étaient puissants et précis. Cela énervait souvent Teririnui qui devait faire appel à la puissance d'El Incanto divino pour tenir tête à son ami car les deux jeunes gens s'entendaient bien.

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Manahere ne savait pas quelle robe choisir. Elle devait faire attention aux tenues qu'elle allait porter à partir de maintenant puisqu'elle devait pouvoir susciter le désir sans non plus passer pour une simple concubine. Elle était princesse royale, future Souveraine du Royaume. Elle souhaitait d'ailleurs que son futur époux lui soit exclusif et qu'il n'ait pas recours aux concubines pour satisfaire ses besoins primaires.

Le Roi avait bien renoncé aux concubines après le décès de son épouse, quoique en y réfléchissant, depuis toutes ces années, le Roi était-il resté seul dans son lit ? Manahere chassa cette pensée de son esprit, cela ne concernait que la vie privée du Roi et elle n'avait aucun droit de le juger.

Elle retourna ses pensées vers sa tenue et opta pour une robe assez près du corps dans les tons gris couleur de lune. La robe mettait sa poitrine en valeur tout en couvrant ses bras. Elle décida de laisser sa chevelure descendre en cascade dans son dos et sur ses épaules. Ses dames de compagnie la trouvère resplendissante, telle une étoile descendue du ciel pour illuminer le coeur des îliens et surtout adoucir le tempérament des Tepahere.

Alors qu'elle se dirigeait lentement vers la salle du banquet, le Roi son père était en pleine conversation avec Arono et les notables du clan. Ils ne firent pas tout de suite attention à l'arrivée discrète mais majestueuse de la princesse.

Seul un jeune homme avait été subitement attiré par cette apparition quasi irréelle. Il était subjugué par une telle beauté : ses cheveux blonds ondulaient gracieusement dans son dos et la robe qu'elle portait révélait toute la puissance de sa féminité. Elle semblait jeune mais en étant très sûre d'elle. Son port de tête avait quelque chose de royal et elle dégageait une assurance et une détermination rares chez le sexe faible.

Qui pouvait-elle donc être ?

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