Chapitre 79


Un petit message avant de reprendre la parution !
D'une part, je tenais à vous remercier pour votre implication ! Après une (très) longue pause, il s'avère que vous êtes nombreux au rendez-vous. Merci beaucoup pour votre patience ! 
D'autre part, les résultats d'un concours sont tombés : il s'agit du "Concours sous le Soleil" de l'utilisatrice @louisette2805. Le Royaume de Balhaan y a été classé premier, ex aequo avec onze autres œuvres de la plateforme ; et pour en lire certaines, je ne peux que vous recommander d'aller jeter un coup d'œil à cette liste si vous êtes en recherche de lecture !

Bref : on retourne maintenant au chapitre 79 ! 

***

Elles étaient étranges, ces espèces d'onibis qui flottaient paresseusement dans le dos de son adversaire ; Sora prit acte de leur présence en fondant sur lui, kusarigamas vers l'avant, soucieux de ne pas se faire surprendre trop bêtement. Il pouvait partir du principe qu'elles étaient étroitement liées à la faculté de son adversaire... Mieux valait, par conséquent, toujours les garder à l'œil.

Il avait d'ores et déjà étendu un fil derrière lui pour battre en retraite au besoin lorsqu'il attint son opposant ; il essaya de le gratifier d'un coup de tranche horizontal mais échoua à faire mouche, celui-ci réussissant à dévier son offensive habilement. Leurs lames s'entrechoquèrent à quelques reprises sans qu'aucune ne réussisse à faire couler le sang. Sur le plan technique, ils semblaient équivalents ; quant à leurs vitesses respectives, l'avantage dont bénéficiait son adversaire se trouvait quelque peu amenuisé par la lourdeur de sa machette, comparativement au faible poids des kusarigamas que Sora était en mesure de manier aisément. Leur corpulence similaire laissait à entendre que leur force physique devait être globalement égale... en somme : leurs pouvoirs seraient déterminants.

Et Sora eut droit à ses premières sueurs froides lorsque son opposant fit glisser un onibi ; la petite flamme s'invita entre eux, et un coup de machette vint la cueillir de plein fouet... projetant droit vers le jeune membre de la Huitième Brigade une gerbe de flammes intense et vorace. Le fil qu'il avait étendu un peu plus tôt fut mis à contribution ; il s'évada d'une traite et se figea à quelques mètres de là, en garde, décontenancé. Voilà qui levait bien des zones d'ombres... mais qui ne le rassurait guère. Les talents de son vis-à-vis étaient bien plus offensifs que les siens...

Akis, non loin, eut à bondir sur le côté une fois de plus lorsque la jeune femme qui lui tenait tête révéla l'inscription qui courait à la surface de la carte qu'elle venait de tirer : cinq de tonnerre. Un éclair s'abattit sur la position exacte qu'il occupait jusqu'alors ; il déglutit en se redressant à la hâte et, piteuse, elle replaça sa carte à sa place pour mélanger à nouveau son paquet. Pour le rouquin, la situation était délicate : il avait d'ores et déjà compris ce dont son opposante était capable, mais il peinait à trouver un moyen d'en tirer profit.

Chaque carte de son paquet devait être unique. Comme tout paquet digne de ce nom, chaque numéro de un à dix y était représenté ; il imaginait que les habillés devaient y figurer également, mais il n'avait pas encore eu l'opportunité de faire leur heureuse connaissance. Quant aux enseignes, elles semblaient différentes : le tonnerre remplaçait le pique, le blizzard prenait la place du carreau... A chaque fois qu'elle tirait une carte, elle la dévoilait et son effet se jouait ; alors Akis n'avait droit qu'à une fraction de secondes pour entamer une esquive désespérée, en priant pour que ce geste précipité puisse lui sauver la peau...

Et jusqu'à présent, son attitude couarde s'était avérée salvatrice. Sauf qu'il redoutait le moment où elle aurait davantage de chance ; car l'intensité de l'offensive qu'elle lui destinait semblait conditionnée à la valeur de la carte qu'elle tirait. En somme, un cinq était plus puissant qu'un quatre... Et comme elle n'avait jusqu'à présent tiré que des valeurs relativement basses, il craignait que l'intensité de ses offensives soit exponentielle. Serait-il en mesure d'éviter une offensive relative à une Dame, ou à un Roi ?

Une seule façon de s'en assurer : faire en sorte qu'elle n'ait pas l'opportunité de tirer assez de cartes pour que la question se pose. Avec une déglutition, il balaya le champ de bataille d'un regard attentif. Il devait trouver un moyen de se défendre... Et il y parvint.

— Akis ! cria Erik en pointant son épée en direction du ciel.

L'aîné de leur contingent affrontait un adversaire qu'il réussissait, jusqu'à présent, à tenir en respect en utilisant son pouvoir avec parcimonie : d'où l'usage de ce signal qu'ils avaient défini quelques jours plus tôt. Sans plus attendre, Akis en bénéficia : il inspira à pleins poumons et expédia droit vers son adversaire un nuage opaque, dense et solide. Sa création fila vers elle en menaçant de l'enserrer ; réactive, elle tira une carte et dévoila sa valeur.

Le valet de typhon.

Un mélange d'eau et de vent répondit à sa propre offensive. Akis s'enveloppa tout entier d'une couche de nuage, en priant pour que cela suffise à assurer sa protection ; et, à son grand soulagement, ce fut effectivement le cas. A bout de souffle, il renonça au pouvoir d'Erik, lequel put l'employer à nouveau pour contraindre son adversaire à battre en retraite ; et, les yeux ronds, l'ennemie du rouquin constata qu'il venait de se passer quelque chose de fort préoccupant.

— Il vient de te prêter son pouvoir, pas vrai ?

— Peut... peut-être, formula Akis entre deux inspirations hachées.

— Dans ce cas, il va falloir que...

— Akis ! hurla Sylas, à son tour.

Son adversaire était trop rapide pour qu'il ne puisse prendre la distance requise à l'usage de son pouvoir ; il venait de brandir son épée et tâchait de la tenir en respect d'une offensive descendante lorsqu'il permit à son jeune partenaire d'utiliser son talent sonore. Sans se faire prier, Akis balança sa propre lame dans un geste horizontal fiévreux et impulsif ; une vague sonore fondit vers son ennemie qui, les yeux ronds, dut s'en remettre à sa chance. Elle tira une carte avec précipitation et dévoila le trois de typhon : en l'orientant vers le sol, elle parvint à prendre son envol et à s'éloigner assez largement de l'onde de décibels dont le natif d'Aville l'avait ciblée.

Dépité, il la regarda prendre son envol en rendant son talent à Sylas ; mais, alors qu'il s'apprêtait à surenchérir en empruntant le pouvoir d'un autre de ses alliés, il remarqua qu'une quantité d'eau colossale fondait sur son adversaire, depuis les cieux. Elle la happa et la rabattit au sol avec ferveur, la rappelant à l'ordre cuisamment : le domaine aérien était aujourd'hui la chasse gardée de Dixan et de Kurl.

Grâce à ce coup de main que le commandant venait généreusement de lui attribuer, Akis comprit qu'il avait la possibilité d'exploiter une faille : et comme Aiz, à son tour, l'appelait en tendant un poing en l'air, le rouquin fonça sur son adversaire par le biais d'impulsions énergiques et surhumaines. Il fut sur elle en un rien de temps ; pantelante, encore trempée et désorientée, elle tendit son paquet de cartes et essaya précipitamment d'en tirer une. Elle y parvint... mais, dans le même temps, le jeune combattant lui expédia un coup de pied bien senti.

Deux de tonnerre. L'éclair qui percuta Akis fut saisissant, certes ; mais il parvint à braver la douleur et à atteindre les mains de la jeune femme d'un coup frontal. La force empruntée à Aiz lui fut, à ce titre, plus qu'utile : car il sentit distinctement les os de son ennemie céder les uns après les autres. Elle poussa un hurlement en relâchant piteusement ses cartes, ses doigts en compote. Le paquet se répandit devant elle ; voilà qui allait l'empêcher d'utiliser son don pendant un bon moment, jaugea Akis en rendant sa puissance physique à son titanesque allié.

— Achève-la, Akis ! Vite ! rugit Sora en constatant que son propre adversaire lorgnait avec insistance du côté de la jeune femme et du rouquin.

Décontenancé, il arqua un sourcil et se déconcentra ; son regard fila vers Sora et, tirant parti de cette innocence, son opposante dévoila l'ultime atout qu'elle avait tu précieusement. Elle avait jusqu'alors veillé à utiliser ses mains pour user de son pouvoir... mais ce n'était pas un prérequis. Les cartes s'élevèrent par la seule force de ses pensées ; elles formèrent à nouveau un paquet uni, et une carte se détacha de ses sœurs, dévoilant sa nature à Akis qui, au même moment, se retournait pour faire à nouveau face à son assaillante.

Six de blizzard.

Le vent cinglant qui s'échappa de la carte engloutit le jeune roux ; ce dernier lutta de toutes ses forces mais fut bientôt percuté par des grêlons effilés, qui déchirèrent sa tenue et sa peau avant de le repousser de quelques pas. Quand enfin ce déferlement glacial prit fin, Akis tomba à genou, relativement groggy ; son opposante souriait à pleines dents, en dépit de ses mains brisées. Elle allait pouvoir tirer une nouvelle carte et...

La lame d'une lance lui traversa le torse depuis le dos. Derrière elle, Andrek, l'air sombre, venait de lui porter un coup fatal.

— Non ! beugla l'ennemi de Sora.

Ses onibis s'animèrent, tous ensemble ; ils s'unirent en un seul, massif, et se positionnèrent sur son flanc, de manière à se trouver exactement entre lui et Andrek. Le principal intéressé, conscient qu'on allait désormais le prendre pour cible, se dépêcha de retirer sa lance du corps de la combattante terrassée ; il s'apprêtait à se défendre du mieux possible lorsque son partenaire tira un profit maximal du mouvement anarchique de son propre adversaire.

Ainsi Sora planta-t-il l'un de ses kusarigama dans le pied de son ennemi ; dans le même temps, il expédia un filin de colle sur le poignet de son opposant, et tira dessus de manière à le désaxer brutalement, à l'empêcher de frapper ses onibis pour déployer sur Andrek toute sa puissance incendiaire. Un volte-face plus tard, il cueillait son visage d'un coup de pied retourné sans concessions. Il en profita pour tisser un nouveau fil de colle, directement sur la joue de son vis-à-vis ; percuté, le pied transpercé, l'équilibre précaire, ce dernier commença à chavirer vers l'arrière et Sora précipita sa chute en usant du dernier fil qu'il avait tissé.

Un nouveau coup de kusarigama permit au jeune homme, impitoyable, de remporter cette victoire.

Deux membres de la Première Brigade Royale de Balhaan venaient d'être vaincus ; leurs partenaires, tous conscients de cette réalité cruelle, demeurèrent plus déterminés et concentrés que l'adversaire de Sora. Ils se savaient tous plus ou moins condamnés... leur objectif ne résidait aucunement dans leur survie, ni collective, ni individuelle.

Ils entendaient bien venger leurs partenaires tombés au combat.

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