Ils étaient deux côte à côte le matin de leur aube.

L'un les cheveux de neige, l'autre couleur aile de corbeau, ils étaient du même sang et se respectaient réciproquement. Malheureusement, tout a une fin.

Une pièce sombre. Deux hommes se fixaient et se défiaient du regard.

- Tu ne le feras pas, dit l'un d'eux.

- N'en sois pas si sûr, répliqua l'autre avec un sourire carnassier.

Une minute passa, puis une autre. Le silence était tellement opaque qu'un couteau aurait pu le découper sans difficulté. Puis, le premier homme parla de nouveau.

- Tu as changé... tu n'es plus le même.

C'était une simple constatation qui ressemblait pourtant à une accusation pleine d'amertume.

- La vie est faite de changement. Ne me dis pas que toi-même tu n'as jamais changé ? Nous n'avons pas l'esprit borné comme les autres, mais nous sommes fait d'une matière plus souple, plus malléable. Pour nous, la vie est changement.

Nouveau silence, encore plus oppressant que le précédent.

- Pourquoi ? Murmura soudain le premier homme.

- Tu sais pourquoi, répondit l'autre d'une voix tranchante. Tu veux que je t'en explique les raisons ? A ton aise !

Il s'approcha de son compagnon et, les yeux dans les yeux, sans ciller, il cracha avec haine :

- Tu m'as tout prit, tu m'as volé ma raison de vivre, tu as brisé mes rêves en deux sans te soucier des conséquences que ça aurait sur mon esprit déjà déchiré et mis à mal ! Après toute ces années, après tout ce que tu m'as fait subir, tu aurais dû t'attendre à ce retournement de situation ! A moins, que, comme ce fut le cas, tu ne fut trop prétentieux et arrogant pour te croire au-dessus de tout et en parfaite sécurité. Tu aurais dû te souvenir, ajouta t-il en ricanant, de ce que disait père : « méfie-toi de ce qui brille, car là où il y a de la lumière...

- ...il y a des ombres », termina son interlocuteur la mine défaite.

- Exactement.

Il renifla avec dédain, et s'écarta. Il considérait l'homme affalé contre le mur comme si celui-ci fut une sorte de vermine à exterminer. Surprenant l'éclair assassin dans son regard, l'homme à la chevelure immaculé se redressa et lui jeta un coup d'œil suppliant :

- S'il te plaît... ne le fait pas...

- Sa voix n'était plus qu'une supplique désespérée.

- Et en quel honneur je m'abstiendrai de ce geste ?

- Tu ne seras plus jamais le même... et tu finiras par le regretter.

L'autre éclata d'un rire dément. Ses dents blanches étincelèrent d'un éclat malveillant à la faible lueur de la lampe.

- Regretter ce moment ? Tu veux rire ? Je m'en rappellerai chaque jour, à chaque instant de ma vie, je le savourerais chaque soir avant de m'endormir afin de le revivre à ma guise durant mes songes nocturnes. Et nul ne pourra me l'enlever !

- Tu te trompes...

- Il suffit !

Dans sa main, une dague terriblement acérée semblait attendre le moment d'entrer sur scène. Et rapidement, ce fut à elle de jouer.

Ils étaient deux, face à face lors du soir de leur crépuscule.