Chapitre 13

Levahatein est plus qu'une Déesse ou une religion. C'est une conception du monde, l'idée qu'il soit vivant, conscient et organique. Levahatein est la conscience du monde qui établit ses lois et punit ses transgressions.

Un hurlement soudain brisa la confrontation entre les deux ennemis.

Les pensées fusèrent dans la tête de Yuzu à la vitesse de l'éclair. Le hurlement provenait de Jessica, elle en était sûre. Les yeux de Matelson restaient alertes, plongés dans les siens. Il attendait qu'elle choisisse. Aider Jessica ? Ou le poursuivre lui ? Yuzu sentit le dilemme éclore pour se terminer aussi sec. Elle avait pris sa décision. Maintenant c'était elle qui attendait celle de Matelson.

L'assaut avait été minutieusement préparé. Yuzu n'aimait pas ça. Depuis le début de cette enquête, quelque chose lui échappait et la longueur d'avance que Matelson avait sur elle venait de le confirmer.

Jessica cria à nouveau et Yuzu se raidit, sa poigne s'affermissant contre la garde de son katana. Son don lui murmurait doucement à l'oreille, portant comme une senteur de problème. Jessica n'allait pas bien mais elle n'était pas attaquée. Peut-être avait-elle été blessé dans l'attaque ? Lasse d'attendre Matelson, elle se décida à parier. Elle rengaina lentement son katana, prête à contre la moindre attaque. Quelques secondes s'écoulèrent durant lesquels les deux adversaires se dévisagèrent. Le sourcil droit de Yuzu frémit et elle fit un geste de la main l'air de dire : « Va t'en. Je t'autorise à partir maintenant. »

Les yeux de Matelson s'agrandirent devant ce petit geste presque dédaigneux. Ses lèvres effectuèrent un sourire en coin et il pencha une unique fois la tête en avant dans une demi-révérence.

« À une prochaine fois peut-être » fit-il silencieusement.

Yuzu fit volte-face brutalement alors que Matelson se téléportait derrière elle, loin du chaos. Elle courut vers Jessica qu'elle trouva à genoux dans un coin en ruine de la maison. Elle se tenait le ventre, le visage ruisselant de larmes avec un air de souffrance et d'incompréhension. Elle releva la tête en entendant les pas précipités de la Gardienne.

En la voyant dans cet état, Yuzu se figea. Elle commençait à réaliser avec horreur ce qu'il se passait et pour une fois, se sentit fort peu à la hauteur de la tâche. Elle se retint de jurer très fort.

- Des contractions ? demanda-t-elle sèchement à Jessica.

Celle-ci hocha la tête, complètement paniquée. Son pantalon était mouillé. Elle avait déjà perdu les eaux. Devant cette situation, Yuzu soupira puis se résigna. Ce qui devait être fait allait l'être, elle n'avait plus le choix. Dans un soubresaut de pensées, elle se dit même qu'il était étrange que Matelson ait attaqué peu de temps avant. Peut-être est-ce lui qui avait on ne sait comment déclenché l'accouchement ? Il fallait qu'elle ait accès à ces fichues expériences, pensa-t-elle, énervée. Si sa pensée était juste, elle avait encore moins de temps que prévu. Elle s'accroupit pour être à la même hauteur que Jessica et posa délicatement une main sur son épaule.

- Ça va aller, tenta-t-elle de la calmer de sa voix la plus rassurante.

L'effet semblait très limité.

Yuzu regarda rapidement les protections de la maison pour constater que l'illusion qui les dissimulait aux humains tenait toujours bon. Une petite grâce. Sa main appuyait maintenant un peu plus lourdement sur l'épaule de Jessica et elle la fit s'asseoir, le dos posé contre un pan de mur à moitié effondré.

- Nous n'avons pas le temps d'aller à l'hôpital, déclara posément la Gardienne. Il va falloir faire ça ici.

Jessica ouvrit grand les yeux.

- Faire quoi ? s'écria-t-elle d'une voix suraiguë.

- Accoucher, répliqua Yuzu, déterminée.

- Vous ... vous plaisantez n'est-ce pas ?

- Vous avez perdu les eaux. Et à en juger par votre air et votre respiration, les contractions se rapprochent de plus en plus non ? Ça ne tardera plus maintenant.

Jessica était maintenant livide mais au moins se dit Yuzu avec philosophie, elle avait arrêté de pleurer. Elle reprit :

- Vous avez suivi les formations non ? Pour gérer l'accouchement, la douleur ... Vous avez été aux stages.

- Je voulais être prête pour n'importe quelles conditions, hoqueta Jessica, mais là ... c'est un peu trop.

Elle grimaça sous l'effet d'une contraction particulièrement vicieuse.

- Bon, écoutez. Je vais appeler une ambulance. Je connais qui travaille à l'hôpital qui saura nous couvrir et empêcher votre clan de rappliquer trop vite.

Jessica ferma les yeux quelques instants durant lesquelles elle parut comprendre pleinement la situation et l'imminence de l'arrivée du bébé. Elle se résigna à son tour.

- C'est d'accord, capitula-t-elle.

Yuzu se releva et laissa son regard parcourir les ruines à la recherche de coussins et de couvertures.

- Je vais chercher de quoi vous tenir chaud et j'appellerai l'ambulance. L'hôpital vous prendra en charge, vous n'accoucherez pas complètement seule. Et je pense que vous préférez ce scénario à l'idée que je vous aide à accoucher seule ici ? L'illusion tient toujours donc personne ne vous verra ni ne vous entendra. Si quelque chose tourne mal, j'utiliserai la magie mais je préfèrerais éviter tout acte qui vous affecterait vous ou le bébé dans votre ... état particulier.

Jessica ouvrit de grands yeux et son regard balaya de haut en bas la Gardienne des Savoirs. Qui avait été formé chez des assassins professionnels. Pour accoucher son bébé. Elle frissonna.

- L'hôpital est très bien, murmura-t-elle d'une voix affaiblie.

Yuzu tourna les talons pour passer l'appel. Elle fouilla ensuite dans ce qui restait du salon et des chambres pour trouver deux grandes couvertures et quelques coussins. Quand elle revint, Jessica sembla prête à s'évanouir. Yuzu soupira et enveloppa la jeune femme dans les couvertures. Elle tremblait de tout son corps.

L'ambulance sembla prendre une éternité à arriver. Jessica sanglotait à moitié sur l'épaule de Yuzu qui se sentait singulièrement inutile. Elle tentait de temps en temps de lui murmurer quelques mots d'encouragement. Ce cadre là dépassait clairement toutes ses compétences. Et pour ne rien arranger, Jessica Miller semblait toujours avoir un timing désastreux dans son existence. Lorsqu'elle entendit enfin le bruit des sirènes, un soulagement profond s'abattit sur elle. Elle se concentra brièvement et s'attela à remodeler l'illusion autour de la maison pour que seules Jessica et elle-même soient visibles sur le seuil de la porte. Inutile de rameuter tout le quartier.

Les ambulanciers se précipitèrent vers elles. Yuzu fit un pas de côté et les laissa ausculter Jessica. Elle ne put s'empêcher de remarquer qu'ils étaient tous strictement humains. Son contact avait encore une fois fait preuve de zèle. Son téléphone sonna et elle s'éloigna de quelques pas pour répondre.

- Oui ?

- Tout se passe bien ? demanda Valentin à l'autre bout du fil.

- Vous auriez pu utiliser la télépathie.

- Je préfère ne pas savoir ce que vous pouvez apprendre sur moi rien qu'en vous envoyant un message mental.

Yuzu leva les yeux au ciel.

- J'ai la situation sous contrôle. Je vais partir avec Jessica, vous allez devoir reprendre la barrière.

- Où allez-vous ?

- J'ai besoin de vous faire un dessin ? se moqua Yuzu.

Un silence accueillit son trait d'esprit.

- Vous avez prévenu Aheela ?

- Non. Et je vous déconseille de le faire vous-même, Valentin ... comme je vous l'ai dit, j'ai la situation sous contrôle. Je la préviendrai en temps voulu.

- La parrii est à elle. Sa progéniture aussi.

- L'ai-je nié ?

- Non. Je m'occuperai de la barrière. Un incendie involontaire, ça vous va ?

- C'est parfait, répondit Yuzu.

Elle raccrocha. Pile à temps. Jessica avait été emmené dans l'ambulance et on lui faisait désormais signe de monter.

Le trajet vers l'hôpital puis l'attente furent insupportables. Les hôpitaux ne faisaient pas partie de ses endroits préférés - trop de souvenirs morbides imprégnaient les lieux, entre fantômes et cauchemars. Sans compter les bruits, les gens dans les couloirs et l'impression d'une fourmilière bouillante où chacun s'active en permanence. Cela lui donnait l'impression d'avoir des milliers de fourmis qui rampaient sous sa peau.

Enfin, une infirmière sortit de la salle d'accouchement.

- Un petit garçon ! Mes félicitations, lui fit-elle rayonnante.

Yuzu s'efforça de plaquer un sourire sur son visage.

- Je vous remercie. Pourrait-on avoir quelques minutes seules s'il vous plaît ?

L'infirmière - qui semblait persuadée qu'elles étaient en couple et qu'il s'agissait de leur enfant - lui adressa un sourire attendri.

- Je vous arrange ça tout de suite. Mais pas plus de quelques minutes !

Yuzu hocha la tête et entra dans la salle. La sage-femme et son aide soignante finissaient d'emmallioter le bébé puis le tendirent délicatement à Yuzu. Elle le réceptionna dans ses bras, observant ce petit être qui avait provoqué tant de chaos. Enfin, le personnel médical sortit de la salle pour leur laisser de l'intimité.

Le bébé était pâle et semblait respirer à peine. Jessica se laissa aller contre le siège et tendit les bras, éperdue, pour le serrer contre elle. Les larmes coulaient sur son visage. Et sous ses yeux ébahis, les tatouages de la Gardienne des Savoirs s'illuminèrent brutalement et vinrent s'éparpiller même sur son visage alors qu'elle regardait le bébé. Yuzu s'empara alors d'une dague qui avait surgi dans l'espace et la planta droit dans le cœur du nourrisson.

« Ne te perds pas. La route est toute droite », murmura-t-elle à l'oreille de l'enfant.

Jessica ouvrit grands les yeux, hurla de toutes ses forces et dans une tentative pour se redresser et saisir son enfant, s'effondra. Elle haletait sous le coup de la panique et de l'émotion. Son regard croisa celui de la Gardienne, indifférent, le corps du bébé avec la dague plantée dans le cœur dans les bras. Et le monde devint noir.

Sa tête lui faisait mal. Elle se sentait étourdie et les bruits autour d'elle n'arrangeaient rien. Il y avait des voix, des flash lumineux ... Et elle ne se sentait pas très bien. Un mélange de nausées et de vide ... Jessica Miller réussit enfin à entrouvrir les yeux, sonnée par son récent accouchement.

Le mur blanc éclatant se dressait en face d'elle, avec pour simple ornement une horloge ronde dont la trotteuse faisait entendre son désagréable "tic-tac". Des murmures lui parvenaient, évoquant un incendie involontaire, une cigarette dans une poubelle à côté d'un tas de feuilles sèches, un malheur alors qu'elle venait d'accoucher ... Des gens se tenaient dans le couloir devant la porte de sa chambre ouverte. Cela lui paraissait si loin et en même temps si abracadabrant. Elle sourit en tournant la tête, flottant dans son état cotonneux. Et sous le coup d'une impulsion soudaine qu'elle ne comprit pas bien, elle tenta de se lever et échoua. Son mouvement lui permit au moins d'attirer l'attention d'une infirmière qui se dirigea rapidement vers elle. Celle-ci posa fermement les mains sur ses épaules.

- Mademoiselle Miller. Restez allongée je vous en prie, tout va bien se passer.

Madame, pas Mademoiselle, se dit dans un éclair de lucidité Jessica. Personne ne donnait du Mademoiselle à Yuzu. Et pourtant elle était plus jeune qu'elle apparement. C'est sexiste.

- Vous ... commença Jessica avant de refermer la bouche. Elle écarquilla les yeux avant d'éclater en sanglots.

L'infirmière se mit à paniquer :

- Quoi ? Que se passe-t-il ? Vous avez mal quelque part ?

- Le bébé sanglota Jessica, mon bébé ... Il ... Il ...

- Oh votre bébé ! Ne vous inquiétez pas, il va très bien, s'exclama l'infirmière, soulagée que ce ne soit que ça.

Jessica la regarda complètement dépassée par les évènements.

- Bien ? Il est ... là ?

- Bien sûr ! Nous avons fait des examens préliminaires dans notre service de pédiatrie. Il est dans une couveuse pour le moment mais à première vue, votre bébé est en excellente santé, Mademoiselle Miller. Ne vous inquiétez pas ! Vous avez bien travaillé et votre corps était fatigué. Attendez, on va vous l'amener.

Elle fit un signe à un autre infirmier qui s'engouffra dans le dédale de couloirs. Il revint quelques instants plus tard avec un petit paquet de couvertures dans les bras. Il s'approcha à pas mesurés puis montra doucement la petite bouille aux yeux vifs et à la peau rougie qui se tenait là.

- C'est un garçon, chuchota l'infirmière, fière comme un paon, comme si c'était elle qui venait d'accoucher.

Jessica avait à nouveau les larmes au coin des yeux. Elle se sentait légère, soulagée d'un énorme poids. Elle tendit ses bras tremblants et on lui remit le paquet avec précaution. Elle écarta les couvertures doucement et croisa les yeux marrons de son bébé. Ses yeux. Elle sourit inconsciemment, peinant à réaliser ce qui s'était passé.

L'infirmière rajusta les couvertures autour de la tête du petit garçon.

- Gardez le bien au chaud, recommanda-t-elle.

Jessica posa son front sur celui de son bébé, sa peau encore un peu fripée. Elle berça.

- Tout va bien. Tout va bien, marmonna-t-elle. Rien ne t'arrivera. Rien du tout. Je t'aime. Tu seras libre. Aimé. Adoré. Protégé. Je t'aime.

La litanie ne s'arrêtait pas. L'infirmière sourit, attendrie par la démonstration d'affection.

- Vous avez eu beaucoup de chance. Heureusement que votre amie était là. Elle s'est occupée de tout avec une efficacité redoutable dis donc.

Jessica se figea et releva lentement la tête.

- Mon amie ? murmura-t-elle d'une voix blanche.

- Eh bien oui ! s'exclama l'infirmière qui s'écarta pour laisser le champ de vision de Jessica libre. Elle lui désigna de la main à travers la vitre une silhouette noire, plus petite que les autres, mais au maintien et aux cheveux reconnaissables entre mille. La Gardienne des Savoirs échangeait avec une médecin aux cheveux blonds.

La température du corps de Jessica chuta brutalement et elle plissa les yeux, suspicieuse. Ses pensées s'éclaircissaient de plus en plus. Elle était également quelque peu troublée ... À part Rin, Lyusha et Shaina, qui pouvaient prétendre au titre d'amie de la Gardienne des Savoirs ? Et encore ... les considéraient-elles toutes les trois comme ses amies ? Yuzu dut sentir le regard de la jeune femme sur elle puisque elle termina sa conversation avec la médecin, la salua et prit congés. Elle entra dans la chambre de Jessica, allongée dans son lit. Leurs regards se croisèrent. Puis la Gardienne se décida à approcher.

- Merci pour vos soins, fit-elle à l'infirmière.

Celle-ci lui sourit.

- Ce n'était rien. Nous n'allons pas tarder à la laisser dormir. Nos horaires de visite sont largement dépassés ... je vous laisse discuter quelques instants. Ne la fatiguez pas. Vous êtes sûres de ne pas vouloir qu'on vous prépare une chambre ?

- Non merci. Je dois prévenir les proches de la grande nouvelle, déclina Yuzu en désignant d'un mouvement de menton le petit garçon endormi.

L'infirmière s'en alla rejoindre ses collègues. Jessica serra son bébé contre elle dans un geste protecteur. Un sourire flotta un instant sur les lèvres de Yuzu. Jessica inspira un grand coup.

- Je sais ce que vous avez fait, persifla-t-elle.

- Vraiment ? susurra Yuzu.

- Oui, répliqua Jessica, les yeux flamboyants. Et je ne suis pas insignifiante au point que personne ne m'écoute. Ou ne me croit ... Je jetterai au moins le doute et ça sera déjà pas mal non ? Vous en pensez quoi ?

Elle la défiait clairement. Yuzu se pencha vers l'avant et chuchota :

- Je pense que vous êtes fatiguée et que vous devriez vous reposer Jessica. Le bébé va bien et vous aussi ... c'est le principal non ?

Jessica la dévisagea longuement. Elle restait méfiante mais sentait également qu'elle n'avait rien à gagner ici. Pense stratégique. Dompte ton caractère. Et apprends d'elle, pensa-t-elle. Elle détourna la tête et ne dit rien de plus. Yuzu acquiesça d'un bref hochement de tête.

- J'ai fini par leur dire que nous étions amies et que votre famille ne devrait plus tarder. Je dois malheureusement prévenir Aheela et le reste de votre clan. Je tâcherai de faire en sorte que votre père soit le premier sur place si vous voulez. Ils vous ramèneront sûrement au clan dès que l'hôpital donnera son feu vert.

Jessica renifla dédaigneusement puis croisa le regard de Yuzu.

- C'est d'accord pour mon père, céda-t-elle. Quant au reste ... je ne peux pas leur échapper de toute manière.

- Cela semble effectivement complexe. Officiellement, vous résidiez chez moi et il y a eu un incendie involontaire durant votre accouchement. Ne vous inquiétez pas des formalités humaines, je m'en occupe.

- Merci, fit Jessica du bout des lèvres.

Yuzu haussa les épaules. Un peu de gratitude ne fait pas de mal de temps en temps.

- Et n'oubliez pas qu'avec tout ce que vous avez subi, il serait dangereux pour le bébé de tenir une cérémonie dès maintenant ... mieux vaut attendre quelques semaines.

Jessica se raidit et tout ce qu'elle put voir, ce fut l'air de connivence que lui adressa Yuzu alors que les infirmiers vinrent leur signaler la fin de la visite.

Alors que la porte de sa chambre se refermait, Jessica aperçut à travers la vitre la silhouette solitaire de la Gardienne dans le couloir qui les regardait. Durant un instant fugace, son expression parut nostalgique. Une pointe de tristesse comme un vieux souvenir qui vous hante mais également le contentement d'avoir mené sa tâche à bien. Jessica pencha les yeux sur son bébé qu'elle embrassa sur le front pour se détourner de cette image qui la mettait soudainement mal à l'aise.

Yuzu s'éloigna de la chambre et sortit enfin de l'hôpital avec une pointe de nostalgie. Tout cela avait éveillé des souvenirs sur lesquels elle préférait ne pas s'attarder. Elle salua les derniers infirmiers qui prenaient leur pause près de l'entrée. Après l'évanouissement de Jessica, elle avait immédiatement appelé la sage-femme mais également le Magisterium pour les prévenir d'assurer leurs arrières pour la maison. Valentin méritait bien un peu de renforts avec la paperasse. Un de leurs délégués avait prévenu à son tour l'administration de Gabriel que la scène était pour eux et les Célestes avaient fait le nécessaire auprès des humains. Les Inquisiteurs devaient avoir maintenant pris discrètement possession des lieux. Ils feraient le ménage et Yuzu déciderait ensuite quoi faire du terrain.

Ils ne trouveraient probablement aucun indice sur Matelson dans la maison. Et on avait déjà informé Yuzu que tous les mercenaires étaient morts, soit tués par les Inquisiteurs, soit par la magie même qui les liaient à Matelson. Il avait mêlé le contrat d'embauche à une magie lui permettant de faire le ménage à distance en cas de capture ... Les parrii n'avaient eu aucune chance et Matelson n'avait pas tenté le diable en engageant un ou une veratii. Malin et retors. Non les seuls indices restant résidaient dans les traces magiques laissés par Matelson et ses complices, traces que seule Yuzu était en mesure de voir. Elle les avait d'ailleurs soigneusement mémorisées. Certains parrii venaient des Abîmes, à voir leur aura mêlée à des volutes particulières qui prouvaient qu'ils avaient été en contact avec des Sans Ailes récemment. Mélainaka serait furieuse en l'apprenant. Beaucoup de Sorcières considéraient que lorsque un Céleste acceptait de donner refuge à un parrii ce n'était ni plus ni moins de l'ingérence ...

Yuzu plaça ses mains derrière son dos et fit quelques pas pour s'éloigner de l'hôpital. Elle ferma les yeux et profita de l'air nocturne, du calme retrouvé aussi.

Son téléphone vibra soudainement. Elle sortit intriguée par l'interlocuteur qui la dérangeait à une heure si tardive. C'était un sms d'un numéro inconnu l'avertissant que le même numéro avait tenté de la joindre et lui avait laissé un message vocal. Yuzu fronça les sourcils, pianota quelques minutes sur le clavier puis porta le téléphone à son oreille.

Au fur et à mesure que le message se déroulait, elle se raidissait et son expression se fit de plus en plus distante.

Matelson avait travaillé sur le Mundi Circularii mais en ayant eu accès à une édition originale - une de ces rares éditions où certains passages jugés dangereux car ayant été utilisés par certaines Sorcières pour des expériences illégales, avaient été censurés. Or ces éditions se situaient dans les Archives. L'accès y est donc strictement restreint et tous les visiteurs sont enregistrés. Pour que Matelson ait eu accès à des grimoires interdits alors qu'il avait déjà été épinglé comme renégat, c'était qu'il y avait une taupe qui l'avait aidé, une taupe au sein du Magisterium, voire au sein de sa Bibliothèque. La main de Yuzu se crispa convulsivement autour de son téléphone.

Les jeux d'influence des clans étaient en marche.

Une voiture freina brusquement à quelques pas derrière elle. Yuzu se retourna brutalement et croisa dans un état second le regard de l'inspecteur Kendricks qui ouvrit la bouche pour mieux la refermer et se figer devant son expression.

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