4.6 : Niall & Brogan


Lorsqu'il passa le seuil de la cabane, sa première préoccupation fut Brogan.

Ce dernier releva le tête pour le fixer, avec un soulagement certain, mais avec aussi une inquiétude non tarie. Il lui fit un signe de tête.

Le garde les abandonna sans prendre la peine de rattacher Niall. Ce dernier se demanda s'il avait reçu des instructions spécifiques le concernant, de la part de la reine. C'était fort possible.
Malgré le doute et la colère qu'elle avait dégagé, elle ne semblait pas prête à abandonner son idée ridicule de l'épouser.

Avant d'aller voir son ami, il s'accroupit auprès de Daron.
Pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés sur l'île, le blessé ouvrit les yeux.

— Sire...

Niall l'empêcha de continuer.

— Tais-toi, Dare. Et repose-toi.

Le guerrier poussa un soupir et referma les yeux.
Son teint était pâle, ses traits tirés, mais la fièvre avait disparu. Il n'était peut-être pas encore sorti d'affaire, mais il allait mieux.

Niall se raccrochait à ça.
Avec un soupir, il se releva et se dirigea vers Brogan. Il tira sur ses cordes pour le détacher. Il n'y avait aucun garde pour l'en empêcher, alors il s'en fichait. Surtout après la discussion qu'il avait eu avec la reine.

Brogan poussa un râle douloureux quand ses bras retombèrent.
Il se releva immédiatement pour étirer son grand corps malmené.

— Que s'est-il passé ? demanda-t-il tout de go.

Niall soupira et passa une main lasse dans ses cheveux. Il secoua la tête.
Par où commencer ?
Il regarda son maître d'armes en se demandant ce qu'il pourrait lui avouer sans que ce dernier fonce tête baissée.
Par conséquent, il devait oublier la pendaison.

— J'ai rencontré... la reine.

Brogan haussa un sourcil.

— Une reine ?

Niall acquiesça.

— Comment est-ce possible, si près de Kairn ?

Le roi haussa les épaules.

— On a navigué plusieurs jours avant d'atterrir ici, je ne suis pas sûr que Kairn soit si proche que ça.

Quand il repensait au brouillard qu'ils avaient traversé en naviguant vers l'île, il aurait parié que même en la cherchant, ils se seraient perdus.

— Et puis, mon royaume s'arrête aux frontières, et, en l'occurrence, ici, aux côtes. Tant qu'ils ne viennent pas m'embêter, il peut bien y avoir des rois, des reines ou quoi que ce soit d'autres, je m'en fiche. La conquête n'a jamais fait partie de mes projets.

Il commença à faire les cents pas pour réfléchir.

— Il y a pourtant toujours des garnisons au Nord, avança Brogan.
— Qui ne sont pas de mon fait ! Elles y sont depuis presque vingt ans, et ça faisait partie des choses dont je devais m'occuper.
Brogan se sembla pas convaincu.

— Bordel, Brog, je ne suis au pouvoir que depuis huit ans, et je n'ai les mains libres que depuis quatre ans ! J'ai dû faire face à beaucoup de choses, qui m'ont pris beaucoup de temps ! Il va me falloir les vingt prochaines années pour reconstruire ce que mon père a si diligemment détruit.

Il continua son va-et-vient.

— Et tu sais très bien qu'il y a bien trop d'îles pour qu'elles soient toutes répertoriées. Je ne serais pas étonnés qu'il y ait encore quelques rois et reines qui se promènent par là...
Il passa une main dans ses cheveux désormais propres.

— Nom de Dieu, Niall ! explosa Brogan. À quel moment vas-tu te comporter comme un vrai Roi et te préoccuper de ce qui t'entoure !

Brogan avait craché une hargne qu'il gardait en lui depuis un long moment. Niall avait senti sa désaffection il y a longtemps déjà, mais il n'avait rien fait pour regagner son estime.

Il s'était senti au-dessus de cela... encore une fois.
Malgré le sentiment d'amertume qui l'envahissait, Niall se sentit obligé de se défendre.

— Ne me fais pas de leçon de moral, s'il te plait. J'ai été tenu à l'écart ! Je n'ai pas foutu un pied dans ce maudit château pendant 23 ans !

Niall se détourna pour ne pas montrer son émotion. Il ne parlait jamais de son enfance. Même à Brogan. Même à l'homme à qui il faisait le plus confiance.
Cette partie-là de sa vie restait dans les limbes de sa conscience, insaisissable, et pourtant encore tellement douloureuse.

— Même après ça, il m'a fallu attendre neuf ans pour pouvoir circuler librement.

Il secoua la tête.

— J'avais autre chose à penser à ce moment-là que plonger le nez dans des manuscrits et des cartes pour savoir jusqu'où allait ce foutu royaume. C'était le rôle de Petus, finit-il d'une voix éteinte.

Brogan prit une profonde inspiration.

— Eh bien, on va avoir du boulot quand on aura récupéré ce foutu trône.

Niall regarda son maître d'armes, un sourire naissant sur les lèvres. Il hocha la tête et se remit à réfléchir.

— Que se passe-t-il ?

Brogan avait plissé les yeux, comme s'il sentait que Niall ne lui disait pas tout.

— On m'a proposé une alliance.

Brogan haussa les sourcils.

— Et... ? demanda-t-il, comme le roi ne faisait pas mine de continuer.

Niall pesta avant de lui répondre sur un ton sec.

— Et... c'est compliqué !
— Compliqué comment ? insista Brogan.

Niall se tourna brusquement vers lui.

— « Compliqué » comme « fous-moi la paix que je réfléchisse comme un Roi » !

Brogan croisa les bras.

— Vas te faire voir, Niall, lança-t-il à la tête de son ami, sans bouger d'un pouce.

Niall leva les bras au ciel.

— Nom de dieu ! À quel moment t'es-tu dit que tu pouvais parler comme ça à ton Roi ?!

Brogan haussa un sourcil.

— Quand il a pris un bain, et qu'il... (il renifla vers lui)... sent les fleurs, en me laissant croupir ici...

Niall ouvrit la bouche pour le contredire, puis la referma.

— Que s'est-t-il passé là-bas, Niall ?

Ce dernier secoua la tête dans l'espoir de chasser toutes ces voix qui lui hurlaient des conseils contradictoires. Brogan était l'une de ces voix.

— Ne me dis pas que tu as couché avec cette femme ?!

Comme Niall ne répondait pas, il s'énerva :

— Pour l'amour du ciel, Niall ! Tu ne pouvais pas te retenir, pour une fois ?!

Niall haussa un sourcil.

— Je ne me souviens pas avoir eu besoin de ta permission pour coucher avec une femme...

Brogan lui lança un regard noir.

— Et je me souviens très bien t'avoir sorti de situations plus qu'équivoques parce que tu ne savais pas garder tes mains dans tes poches, sans parler d'autre chose !

Ils se toisèrent en silence quelques secondes, avant que Niall ne cède le premier.

— Je ne l'ai pas touché, avoua-t-il. Même si c'était tentant...

Brogan poussa un soupir de soulagement.

— Alors ?
— Alors quoi ?
— Elle t'a offert un bain pour tes beaux yeux ? soupira Brogan que la conversation commençait à lasser.
— Et pourquoi pas ?!

Devant l'œil noir de son ami, cependant, il s'exécuta :

— Elle avait une proposition à me faire... je suppose qu'elle espérait m'amadouer...
— Quelle genre de proposition ?
— Le genre... étonnante.

Il reprit ses allers retours devant son maître d'armes.

— Niall ? insista ce dernier qui n'était pas loin de perdre patience.

Niall se retourna pour le fixer.

— Elle m'a proposé le mariage.

Brogan resta stoïque une fraction de seconde avant d'éclater de rire.

— Ça n'arrive qu'à toi ce genre d'histoires ! Ça me rappelle la petite Carolina. Ce jour-là, j'ai vraiment cru que tu allais devoir l'épouser pour éviter un incident diplomatique.

Niall grimaça.
Il se souvenait, lui aussi, de la fille d'un de ses nobles, qui avait tout fait pour le mettre dans son lit. Il avait fini par céder, mais à sa décharge, il était complètement saoul, et il croyait coucher avec la fille de cuisine.

Son père avait manqué de lui faire la peau quand il l'avait appris.
La mariage avait été posé comme une menace, jusqu'à ce que la fille soit trouvé avec un autre homme dans son lit quelques semaines plus tard.

Il l'avait échappé belle car il avait été hors de question de se marier avec cette harpie nymphomane.

— Ça ne m'a pas fait beaucoup rire, rétorqua-t-il vers son ami qui riait toujours. Là, c'est différent.

Brogan se calma.

— En quoi ?
— Ce qu'elle me propose n'a pas de sens. Je n'y gagne pas grand chose...
— À part de devenir roi, marmonna Brogan en levant les yeux au ciel.
— ... et elle, encore moins. Ça sent le piège à plein nez.

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