4.2 : Niall & Brynhild

Brynhild observa toutes les émotions passer sur le visage de l'homme. La surprise, puis la considération, et enfin la colère.

— Pourquoi m'avez-vous amener ici ?

Il s'approcha du bac, et glissa une main dans l'eau pour apprécier sa température. Comme elle ne répondait pas, il se tourna vers elle.

— Je veux dire... sur l'île.

Brynhild haussa les épaules tout en l'observant. Elle voyait son cerveau fonctionner à toute allure. Elle avait devant elle un homme habitué à gérer des situations, et à prendre les choses en mains.

Et aussi étonnant que cela puisse lui paraître, cela lui plaisait.

— Je vous l'ai dit : c'est un concours de circonstance.

L'homme se redressa pour la fixer froidement.

— Non. Un concours de circonstance, c'est lorsque je dois faire l'inventaire des réserves, et que je me retrouve coincé dans la cave — à cause de cette fichu porte qui n'est toujours pas réparée

— avec la chambrière. On trouve alors de quoi s'occuper pendant quelques heures.

Son regard ne laissait aucun doute sur ses occupations avec la chambrière.
Brynhild sourit. S'il voulait la choquer avec des propos indécents, il apprendrait vite qu'il lui en fallait plus pour s'émouvoir.

— Vous attendiez que votre femme vienne vous ouvrir la porte, sans aucun doute, ironisa-t-elle.
— Ma femme est morte il y a bien longtemps, rétorqua-t-il sèchement.

Brynhild perdit son sourire.
Elle n'avait pas voulu le blesser. Aussi proches soient les terres sur lesquelles il avait régné, l'île était trop isolée pour que la plupart des rumeurs viennent jusqu'à elle. Aucun étranger ne mettait le pied sur l'île, et aucun îlien ne s'aventurait sur terre... enfin, jusqu'à maintenant.

— Je suis désolée, murmura-t-elle.

Il l'observa un instant en silence, comme s'il jaugeait ses sentiments, puis il hocha brièvement la tête.

Brynhild en était à se demander si les plans qu'elle avait en tête étaient vraiment une bonne idée, quand il passa sa chemise déchirée par dessus sa tête.

Un éclair d'effronterie passa sur le visage de l'homme, alors qu'il la fixait sans baisser les yeux. Il attaqua ensuite les bouton de son pantalon et se déshabilla complètement.
S'il s'était attendu à ce que Brynhild se détourne, il en fût pour ses frais, car la jeune femme garda les yeux plantés dans les siens, sans faillir.

Il resta un instant debout, nu, comme s'il la mettait au défi de le lorgner, puis il enjamba le bord du bac avant de se laisser tomber dans l'eau.
Le liquide déborda et s'écoula sur le sol de pierre en de petites rigoles.

Il eut du mal à retenir un soupir de bien-être.
Brynhild regarda l'eau ensevelir son corps façonné, cacher ses cicatrices et ses bleus. Le liquide laissait un miroitement sur sa peau tannée par le soleil.

Elle constata que, pour un roi, et pour son âge, il avait conservé un corps musclé en pleine santé.
Il aspergea son visage, sa barbe broussailleuse et ses cheveux. Des éclaboussures inondèrent le sol sans qu'ils s'en préoccupent.

— Quel âge avez-vous ?

Il tourna la tête vers elle et haussa un sourcil.

— Est-ce important ?

Brynhild sourit.

— Non. De la simple curiosité.
Comme si, par ces mots, elle avait attisé sa propre curiosité, il pencha la tête en arrière et l'observa avec attention à son tour.

— Vous êtes jeune, fit-il remarquer.

Le sourire de Brynhild s'agrandit et creusa deux petites fossettes sur ses joues.
D'un geste ample, elle dégagea la robe de chambre de ses chevilles et se dirigea vers le bac.

— J'ai l'âge d'être Reine, de prendre des décisions, et de choisir qui se baigne dans ma chambre.

L'homme plissa les yeux et scruta chacun de ses mouvements avec attention.
Elle passa derrière lui — il tourna la tête pour la suivre —, saisit quelque chose sur la console adossé au mur puis vint s'agenouiller à ses côtés.

Il resta immobile, paré à toute éventualité... sauf celle de voir sa main pâle et délicate plonger dans l'eau pour le frotter avec du savon.

Aussitôt, il la saisit pour l'arrêter.

Brynhild leva les yeux, les noua aux siens. De près, elle distinguait les petites ridules aux coins de ses yeux, et le grand sillon qui barrait son front, dévoilant un homme toujours préoccupé.

Elle estima qu'il devait avoir dix ans de plus qu'elle. Peut-être légèrement plus.
Il semblait circonspect, mais pas vraiment inquiet.
À raison.

Si elle avait voulu le tuer, elle l'aurait fait depuis longtemps. Balder l'aurait égorgé sans sourciller.

Mais elle avait besoin de lui. Et ce soir, elle devait jouer son rôle.

— Ce n'est qu'un savon, murmura-t-elle les yeux pétillants d'amusement. Je n'ai pas d'arme...

Elle se dégagea doucement et ouvrit les mains devant lui. Le savon dégringola dans l'eau avec un « ploc » sonore.
Il ne bougeait toujours pas.

— J'ai vu des femmes tuer rien qu'avec un seul de ces jolis doigts.

Il saisit sa main et entrelaça ses doigts aux siens. La crème savonneuse s'étala entre leur deux paumes, embauma l'espace entre eux d'un parfum fleuri avant qu'il ne plonge leurs deux mains enlacées sous l'eau.

Brynhild eut du mal à ne rien montrer de son trouble.
Elle avait ressenti du désir envers Balder, mais cet homme-là lui faisait éprouver des sensations bien plus intenses.

Elle ne devait pourtant pas se laisser émouvoir.
Elle laissa sa main, emprisonnée dans la sienne, plonger le long de son corps masculin, jusqu'à son entrejambe.

À cet endroit, il s'arrêta, scruta son visage d'un regard d'aigle si longuement que Brynhild commença à perdre l'assurance dont elle avait fait preuve jusqu'à présent, ses prunelles toujours plongées dans les siennes, essayant de deviner ses pensées et ses prochains coups sur l'échiquier qu'ils venaient de mettre en place.

Elle souhaitait mener le jeu, mais il semblait qu'elle n'était pas la seule à savoir jouer.
Le danger courait le long de son bras, glisser sur sa paume, enserrait ses doigts. Son étau suave continua son chemin vers le bas. Mais il ralentit l'allure lorsque ses doigts puis l'intérieur de son bras frôla son sexe, bien visible sous la couverture liquide.

Brynhild joua son rôle et resta de marbre malgré l'intensité de son regard ambré.
Son dos se recouvrit de chair de poule. La sensation de toucher son corps sans y être vraiment invité lui semblait choquant et en même temps excitant.

Elle retint son souffle lorsqu'il se pencha vers son visage.
Si près qu'elle pouvait voir ses pupilles dilatées, et sa peau à travers les longs poils de barbe qui mangeaient ses joues.

Il se pencha un peu plus tandis qu'il tirait son bras. Sa manche serait bientôt dans l'eau s'il ne s'arrêtait pas.

Au creux de son coude, elle sentit encore une fois son sexe la frôler. Il ne frémit pas. Il avait une maîtrise parfaite de son corps.
Brynhild dut se pencher à son tour pour atteindre le fond du bac. Son visage touchait presque celui de l'étranger qui restait de marbre, et qui pourtant étudiait chaque réaction sur son visage, chaque clignement d'yeux.

Avait-il remarqué sa respiration qui s'était légèrement accélérée ?
Lorsque ses yeux se posèrent sur ses lèvres, la jeune femme se dit qu'elle avait perdu cette partie. L'échiquier devrait être remis en place, et les pièces redistribués.
Alors qu'elle pensait avoir perdu, il desserra son emprise sur ses doigts, les enveloppa et les poussa à se refermer sur le savon qui gisait au fond du bain.

Il lâcha enfin sa main et, lentement, se réadossa au rebord, sans la quitter des yeux.
Brynhild détourna son regard pour le plonger dans l'eau, saisit le savon devenu mou, et le glissa le long des jambes relevées de l'ancien roi. Il ne disait rien, restait silencieux, attentif à tous ses mouvements.

Cherchait-il, comme elle, une faille dans laquelle s'engouffrer ?
Cette faille passait-elle par son corps ?

La jeune femme remonta le savon, le glissa sur son aine en frôlant une fois de plus son sexe qui ne palpita pas comme elle l'aurait souhaité, puis savonna son ventre et ses pectoraux.
Elle releva les yeux pour croiser son regard assombri.

L'eau, même troublée par la mousse savonneuse, ne cachait rien de son anatomie. Et il ne semblait pas gêné de ses regards inquisiteurs.

Elle ne doutait pas qu'il était passé maître dans l'art de jouer avec une femme. Son tableau de chasse devait être... édifiant. De la petite chambrière aux nobles dames de la Cour.
Un Roi dans toute sa splendeur. Un homme qui appréciait qu'un regard féminin glisse sur lui sans honte. Et qui prenait n'importe laquelle pourvu qu'il le désire.

Alors que ses mains continuaient leur danse sur son corps, glissaient sur ses épaules, sur sa nuque, il saisit ses poignets pour l'arrêter.

— Pourquoi une reine s'abaisserait-elle à laver un prisonnier ?

Brynhild le transperça de ses iris bleu dragée.

— Pourquoi une Reine ne laverait-elle pas un Roi ?

Il fronça imperceptiblement les sourcils, semblant se demander où les amènerait ce jeu de dupes.

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