2.5 : vers le village
Il leur fallut quatre bonnes heures pour atteindre le village. Cavan avait préféré ne pas trop pousser leur monture, et avait avancé d'un pas léger, qui permettait à Neve d'observer son compagnon avec attention.
Cet homme la mettait mal à l'aise. Il était taciturne et sombre à longueur de journée. Il dégageait une sensation de danger qui la faisait frémir à chaque fois qu'il s'approchait d'elle. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais à son contact sa peau la picotait et ses poils se hérissaient.
Elle prit une profonde inspiration et essaya de chasser ces idées déplaisantes de sa tête. Elle se tourna vers le paysage.
Elle connaissait bien les alentours. Elle était née ici, de même que Magnus. Ils s'étaient d'ailleurs rencontrés non loin de cet endroit pour la première fois. Elle se souvenait encore de l'adolescent dégingandé qui se rafraichissait dans un petit lac, alors qu'elle même prenait un bain dans cette même étendue d'eau. Ils avaient été tous les deux aussi surpris que gênés. Magnus s'était rapidement détourné et lui avait dit qu'elle pouvait se rhabiller, qu'il ne la regarderait pas. Une fois en tenue décente, la gamine de quatorze qu'elle était alors, titillée par la curiosité était allée voir ce gentil jeune homme de dix-huit ans à peine et une grande amitié était née. Avant de se muer en amour.
Neve soupira, nostalgique de ces moments d'insouciance.
Cavan, se méprit sur son soupir, et se tourna vers elle.
— Nous sommes bientôt arrivés.
Neve hocha la tête.
— Je sais, rétorqua-t-elle avec un sourire.
Un sourire doux, chaleureux.
Les yeux fixés sur elle, Cavan ralentit sa monture pour se mettre à sa hauteur.
— Comment avez-vous connu Magnus ? demanda-t-il alors.
Neve pencha la tête pour le fixer, étonnée de voir une lueur de curiosité dans son regard.
— Nous avons grandi, pour ainsi dire, ensemble, répondit-elle, toujours souriante.
C'était contagieux et Cavan ne put s'empêcher d'esquisser un sourire à son tour, à la grande surprise de la jeune femme qui ne l'avait jamais vu dans une autre humeur que colérique.
Il paraissait plus jeune ainsi. Il devait avoir l'âge de Magnus. Les traits de son visage s'étaient adoucis, les petites rides aux coins de ses yeux estompées. Sa mâchoire carrée était moins crispée, et il n'avait plus ce tic nerveux qui faisait battre le nerf au creux de son cou.
— Il est né ici ?
Neve montra du doigt une colline au loin.
— Vous voyez cette tourelle en ruine, là-bas ?
Cavan acquiesça.
— Avant cela, c'était un magnifique château. Le Château de Clairvoie. C'est là, qu'il est né.
Surpris, le guerrier regarda de nouveau la jeune femme.
— Il est fils de noble ? s'étonna-t-il.
Neve haussa un sourcil légèrement ironique.
— Vous le côtoyez depuis tout ce temps sans rien connaître de lui ?
Cavan grimaça et haussa les épaules.
— Il n'est pas... très enclin à se confier... admit-il.
Il fixa la jeune femme avec une intensité envahissante.
— C'est comme s'il voulait cacher quelques secrets...
Neve soutint son regard sans ciller.
— Nous avons tous des choses à cacher, rétorqua-t-elle dans un murmure.
Son regard était profondément ancré dans le sien, comme si elle cherchait à lui confier ses secrets sans prononcer une seule parole. Cavan se perdit dans la profondeur de ses yeux verts, et pendant un instant, il oublia qu'il s'était juré de résister à l'attraction qu'elle exerçait sur lui.
— Et quel secret pouvez-vous bien cacher ? demanda-t-il d'une voix rauque.
Un éclair de tristesse passa dans le regard de Neve. La même lueur brève qu'il avait déjà vue dans les yeux de Magnus quand il lui parlait de la jeune femme.
Ils restèrent un long moment, silencieux, à se contempler mutuellement, chacun essayant de pénétrer l'âme de l'autre.
Puis des bruits détournèrent leur attention.
Ils étaient arrivés.
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