Chapitre 3 - Emma
Nous sommes devant l'école, le froid mord nos joues et gèle nos doigts. Heureusement que j'ai veillé à nous couvrir. Dans son gros manteau blanc, Mia me serre avant d'entrer avec ses camarades de maternelle. Je m'agenouille à sa hauteur et lui rend son étreinte après avoir réajusté son écharpe. Une mère nous regarde mais je l'ignore royalement. Ce qu'elle croit ne m'intéresse pas. Je n'ai pas besoin du jugement intrusif des autres.
- Allez, tu dois y aller maintenant, dis-je en me relevant.
- Tu reviens vite me chercher hein ?
- Je serai en avance, petit cœur. Promis !
Elle rit espièglement et rejoint ses amis. A quelques mètres seulement, quelques enfants pleurent en craignant le départ de leurs parents. Mais quelques câlins, quelques paroles suffisent à les motiver. Une fois que Mia est à l'intérieur, je décide de partir. Il faut encore faire les courses avant de filer prendre mon service au café.
Sans aucune attention aux regards curieux, je rejoins ma modeste voiture. Le véhicule démarre puis commence son trajet en direction du supermarché. Le cadran indique qu'il est neuf heures, normalement j'ai un peu de temps avant de devoir revêtir mon uniforme à onze heures précises.
Une fois les courses faites et rangées à l'appartement, il est temps de travailler. La matinée est passée si vite. Le café arbore une façade fraîchement ravalée, peinte en blanc crème. Il y a une petite terrasse devant les grandes fenêtres. L'intérieur propose une ambiance intimiste grâce aux lumières tamisées. Je contourne la façade jusque la porte arrière. L'entrée des artistes comme on dit.
La lumière s'échappant de la serrure confirme une présence. En entrant, Mary me salue. Elle est serveuse et nous sommes assez proches. L'uniforme rose s'accorde bien avec ses cheveux noirs de jais, ses yeux noisettes et son sourire.
- Salut Emma ! Comment tu vas ? Demande-t-elle en me faisant la bise.
- Salut ! Je vais bien, et toi ?
- Je suis encore un peu fatiguée mais ça va. Mais tu as l'air de déjà tourner à plein régime.
- Je suis allée faire les courses après avoir déposé ma sœur à l'école. Dis-je en enfilant mon uniforme.
Il m'arrive rarement de m'épancher sur ma vie privée, mon passé fait partie des choses que je défend farouchement. Parce c'est ma vie, mes joies, mes choix et mes erreurs. Notre existence nous donne du fil à retordre, mais parfois aussi des cadeaux. J'ai du mal à faire confiance aux gens depuis quelques années. Ma mère n'aide pas. Quand je la vois, lorsqu'elle se décide à réapparaître, c'est en état d'ivresse. Heureusement que j'arrive à en protéger la petite, que je berce de mensonges à propos de ma génitrice.
- Tu sembles si responsable. Je ne sais pas grand-chose de toi mais j'admire cela en toi.
- Merci, je ne sais pas trop quoi dire...
- Désolée, je ne voulais pas t'embarrasser.
- Ce n'est rien, ne t'en fais pas ! On va préparer la salle ?
Elle hoche la tête en souriant alors que nous partons préparer la salle, comme des fées du logis : Allumage des lumières, ouverture des volets, nettoyage des vitres, actualisation de l'affichage et mise en place des tables. Demain, le patron viendra faire l'inventaire. C'est un bel homme quarantenaire blessé par la vie qui s'est remis de ses problèmes en montant ce café. Il parle rarement de sa vie, mais nous savons qu'elle n'est pas rose. Son compagnon peut sans doute confirmer.
Je sors de mes pensées et m'attelle aux volets. La lumière solaire, désormais vive, m'éblouit. En plissant les yeux, je constate que le temps est radieux. Pas un seul nuage. On va pouvoir installer la terrasse !
- Mary, regarde ! On va pouvoir mettre la terrasse.
- Parfait, ça nous donnera une bonne recette. Tu crois qu'il y aura des étudiants mignons ? Après tout il y en a de notre âge... Répond-t-elle avec un coup de coude.
Sauf que l'amour ne m'intéresse pas. Ou du moins plus maintenant. J'ai donné. Peut-être plus tard.
- Je ne sais pas, on ne va pas leur sauter dessus tout de même. Je n'ai pas tellement le temps pour un homme dans ma vie.
- Je ne parlais pas de leur sauter dessus, j'aimerais juste que il y en ait un qui me plaise. Et à toi aussi, ça ne te ferait pas de mal.
- Sûrement, mais avec Mia, je n'ai pas le temps.
La discussion s'arrête, mais je m'excuse du regard. Loin de moi l'idée de la blesser. Elle me sourit et m'aide à finir de mettre en place la salle destinée aux clients.
Dans l'heure suivante, les premiers clients arrivent. Nous sommes derrière le comptoir de bois verni.
C'est alors que des étudiants entrent, je fais signe discrètement à Mary. Je sais qu'elle s'en réjouit, sous son air neutre. Il s'agit de deux jeunes hommes. L'un mesure au moins deux mètres, tiré à quatre épingles et possède une chevelure bicolore. Il doit être naturellement blond, mais parsème ses cheveux de quelques mèches noires. L'autre, qui semble être son ami, doit faire une tête de moins. Il a un look plus décontracté, plus urbain. Son visage est plus fin, avec des yeux verts et de courts cheveux blond vénitien. Pourtant, il a l'air de connaître la vie, autrement que dans ses meilleurs aspects.
Mon analyse se suspend. J'observe la clientèle pour pouvoir réagir le plus vite possible à une éventuelle commande. Les deux étudiants s'approchent de nous. Le plus grand nous sourit, l'autre garde un visage sans expression. Deux caractères différents.
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