Chapitre 27 - Harry
On y est, John se tient devant moi. Il ne mesure pas beaucoup plus de centimètres que moi. Il est brun, d'un rare noir de jais, avec des iris de la même couleur. Son visage inspire confiance, j'espère que c'est vrai. Je suis curieux de voir ses photos. Préfère-t-il le noir et blanc ou la couleur ? Il est dans le salon, et sourit en nous voyant arriver. Il avance vers nous.
- Te voilà, Harry. Chantal m'a beaucoup parlé de toi. En bien, je te rassure !
Il rit fort ensuite, ça lui donne un air extraverti qui me décoince un peu. Ma mère rejoint ses bras, le laisse entourer sa taille avec son bras. J'espère vraiment qu'elle est heureuse avec lui, car je ne veux pas m'habituer à ces gestes tendres pour rien. Mon père l'enlaçait de la même manière. Bref. Sors-toi ça de la tête.
- Bonjour ! Vous allez bien ? Je demande, sans savoir que répondre.
Ils sourient, ais-je dit quelque chose de drôle ?
- Salut ! Oui, je vais bien merci, et toi ? Tu peux me tutoyer, tu sais ?
- Oui, bien sûr. Alors tu es photographe ?
- Oui, je parie que tu es impatient de voir mes clichés, n'est-ce pas ?
John arbore un sourire malicieux, content d'avoir affaire à un amateur de photographie en face de lui. Peut-être qu'il me demandera de voir mes photos, mais je n'ai ni mon appareil ni mon ordinateur, alors il devra se contenter de mon téléphone. Enfin, la qualité est bien, quand-même.
- Oui, j'aimerais beaucoup.
Ma mère a l'air contente, c'est bien, j'aimerais qu'on s'entende mieux. John m'indique de le suivre et se met à marcher. Il se déplace avec aisance, comme s'il connaissait la maison, ma maison, par cœur. C'est comme ça partout, ou il s'est déjà approprié l'endroit ? Bref. Je dois essayer de passer outre, il faut que je sois poli et facile à vivre. Nous montons à l'étage, dans la pièce en face de ma chambre, qui a servi de bureau à mon père, faute d'avoir un autre enfant.
Cette pièce est un véritable studio, avec les fonds blancs, des projecteurs, un trépied portant fièrement un appareil hors de prix. Il y a beaucoup de matériel sans compter les cadres au mur, j'ai du mal à reconnaître ma propre maison. Pourtant, il y a toujours le bureau de Papa. C'est déjà ça. J'espère que personne n'a eu l'audace de modifier ma chambre. Je n'y dors plus, mais c'est ma chambre !
- Je vois que ça a beaucoup changé ici... Un vrai studio photo. Dis-je en essayant d'avoir un ton neutre.
- Tu aimes ? Demande ma mère.
Elle est presque timide, craignant que tout ce changement me contrarie. John se met en retrait, en nous laissant discuter en famille. Il n'en fait pas encore partie. Peut-être n'en fera-t-il jamais partie, on verra.
- Oui, j'aimerais avoir un studio comme ça. Du moment que personne ne touche à ma chambre, ça va. Je réponds sur un ton presque autoritaire en haussant les épaules.
- On ne l'a pas touchée, chéri, elle est comme tu l'as laissée. Intervient ma mère.
- Je ne me permettrais pas, je te l'assure. Ajoute John pour me rassurer.
Heureusement encore ! Il n'est pas chez lui ici. Bien sûr je retiens ces mots et les enferme à double tour. Mais peut-être qu'il a emménagé ici...
- Tu vis ici ?
Ma mère ne dit rien, s'attendant sûrement à cette question. John lève les mains, de manière à tempérer mes propos, et pour me rassurer j'espère.
- Non, je voulais te connaître avant, pour ne pas te brusquer. Et puis nous n'en avons pas encore parlé, hein Chantal ? Dit-il en la prenant par la taille.
- Bien sûr, il est encore tôt.
Tant mieux ! Du moins, je crois. Maman voudrait sûrement l'avoir près de lui, pour ne plus rester seule dans cette grande maison. Mais... Pourquoi John aurait-il installé son studio s'il n'habite pas ici ? Peut-être qu'il s'installe doucement ici. J'espère que c'est un mec bien, mais je vais garder un œil sur lui. Pour une fois, ma méfiance ne serait pas exagérée. Enfin, pour l'instant, je dois laisser ma paranoïa de côté.
- D'accord, parce que je dois m'habituer. Dis-je en cachant ma voix fébrile.
Je n'aime pas montrer ma fragilité, surtout devant un inconnu. Ouais, j'ai beau déconstruire les injonctions et les stéréotypes de genre, mais je ne suis toujours pas à l'aise de me montrer vulnérable, en tant qu'homme. C'est stupide mais ça me colle à la peau.
- C'est normal chéri. Répond ma mère avec un sourire chaleureux.
Je souris aussi, même si c'est étrange de la voir démonstrative, même pour ce geste anodin. Pour moi, c'est une question autant qu'une réponse. Elle est capable de sortir de sa carapace d'acier trempé, ou autre blindage solide.
- Tu veux manger ou boire quelque chose ? Propose-t-elle, face à mon silence.
- Oui merci.
Je tourne le dos à ce studio, ce changement flagrant, et descend dans le salon. La cuisine y est reliée par une arche en face de la grande verrière qui donne sur la véranda. Il y a un grand jardin ensuite, comme si on menait la grande vie. Une belle maison qui abrite une famille fantôme, génial hein ? Je crois qu'une famille recomposée serait pire, si John a des gosses, qu'il les garde. J'ai rien contre les enfants, mais pas question d'avoir une autre famille. Que serait mon père là-dedans ? Et quelle serait ma place ?
Je n'ai pas le temps de tergiverser d'avantage qu'ils arrivent, je suis sur le canapé, dos à la verrière avec une bonne lumière. J'adopte un air neutre, pour rester agréable. Pour ne pas être l'enfant qui n'accepte pas la situation. C'est bien de voir maman heureuse, mais il me faudra du temps. Je ne connais pas l'homme qui la dévore des yeux, après tout. Enfin il détourne le regard pour le poser sur moi, avec un attrait étrange. Mon sourcil se hausse d'interrogation. Qu'est-ce qu'il me veut ?
- Comme tu es là, ça ferait une belle photo. Finit-il par dire en voyant mon attitude défensive.
- Tu peux aller chercher ton appareil alors, je ne bougerai pas. Dis-je avec plus de chaleur.
Nous partageons l'attrait de la photo, autant sympathiser. Il pourrait m'apprendre des techniques ou me donner son avis sur mes clichés. Il comprendra que j'ai figé la beauté de ces instants. Que j'ai voulu la conserver. Il sourit et va chercher son appareil.
C'est alors que ma mère semble descendre de son nuage. Elle s'approche de moi avec un léger sourire, va-t-elle me demander comment je le trouve ?
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