Chapitre 21 - Harry (2)

Nous sommes arrivés au café, mais les questions que je me posais au parc raisonnent toujours en moi. D'où me vient ce malaise à l'idée de montrer mes photos ? Bref, je préfère profiter de cette journée au lieu de tenter une auto psychanalyse.

- Tu veux bien me montrer les photos du parc ?

Elle prononce sa question d'une voix douce, comme si elle craignait que je refuse, comme si elle avait deviné ma réticence. Je ne lui ais même pas répondu tout à l'heure, ça doit l'intriguer. J'ai vraiment un truc qui cloche.

- Oui, bien sûr.

Elle sourit et attend que je sorte mon téléphone. La curiosité se lit dans son regard noisette. Sa main replace une mèche châtain derrière son oreille tandis que je lui tends l'appareil. La première photo montre Emma qui tire la langue, avec les yeux malicieux. C'était la première fois que la voyais ainsi. Elle glousse et fait défiler l'écran. Sur certaines images, on la voit grimacer, alors que d'autres dévoilent un sourire et une pose plus sage, plus adulte. Quelles autres facettes cache-t-elle ? C'est une femme vraiment intrigante.

- Tu fais des autoportraits, ou tu es le genre de photographe qui ne peut pas se voir en photo ? Demande mon interlocutrice, avec un sourire espiègle.

Je souris à sa question et hoche la tête.

- J'en ai fait quelques uns, j'aime les portraits aussi. D'ailleurs, j'aurais voulu vous prendre en photo, Mia et toi. Mais je n'ai pas voulu jouer les paparazzi.

Pourtant, elles sont photogéniques. J'aimerais retranscrire leur lien, si fort, en image. Peut-être pour mieux le comprendre. En tournant la tête, le sourire d'Emma me dit que j'aurais dû demander plus tôt.

- J'aimerais avoir des photos de Mia et moi ! Les images sont précieuses.

Un instant, elle semble pensive, alors j'attends patiemment. Le temps passe tranquillement mais Emma ouvrira sans doute le café d'ici peu. Je la regarde, elle me sourit et regarde l'heure.

- On peut y aller maintenant. Tu viens avec moi ?

- Oui, je suis curieux de voir comment l'ouverture d'un café se passe.

Elle hoche la tête en souriant et sort de la voiture, je la suis. Nous nous arrêtons sur la terrasse, trempée par la pluie de la veille. Mais, personne ne s'installe dehors par ce froid, si ? Quand je tourne la tête, Emma reste figée devant la porte, je me rapproche pour savoir ce qu'il se passe.

- C'est bizarre, la porte est déjà ouverte. Je suis chargée de l'ouverture pourtant.

- C'est peut-être ton patron, ou Mary ?

Son ton révèle son inquiétude, elle ouvre la porte prudemment. Je reste près d'elle en espérant la rassurer.

- Marco et Bruno sont partis en week-end, Mary doit arriver plus tard.

Sa réponse me fait tilter, Marco en week-end avec Bruno ? Quel relation ont-ils avec elle alors ? Je me souviens avoir entendu ce Marco parler à Mia pendant ma conversation téléphonique avec Emma. Cette information me soulage, pour une raison inconnue.

Nous entrons prudemment le café, presque sur la défensive. Aucun bruit pour l'instant. Le café semble dans le même état qu'après la fermeture. Les chaises retournées reposent sur les tables, les tabourets devant le comptoir, rien n'a bougé. La majorité des meubles sont en bois, excepté le canapé et les fauteuils de cuir situés derrière la vitrine. Pendant quelques secondes, je ne peux m'empêcher de détailler l'intérieur. Les murs attestent de l'ancienneté du bâtiment. La brique est usée à plusieurs endroits et laisse voir le plâtre. Si ce n'était pas laissé volontairement ainsi, on pourrait croire l'établissement insalubre. Il y a quelques plantes suspendues, ce qui donne de la vie au plafond d'un autre âge. L'intérieur du café confond le passé et le présent d'une manière fascinante.

Soudain, un bruit me sort de mes pensées, on dirait une voix féminine. Emma s'approche rapidement de la réserve. Je l'imite en me demandant ce qu'il se passe. Un mélange de crainte et d'adrénaline pulse dans mes veines.

- Mary, c'est toi ? Demande sa collège, en attrapant la poignée.

Suite à sa question, on entend des pas précipités vers la porte, qui s'ouvre à la volée. Mary apparaît, les joues rosies et les yeux brillants. Et voilà qu'un grand dadais que je connais bien se tient derrière elle. Sérieusement ?

- Oh... C'est vous. Qu'est-ce qui vous prend de vous cacher dans la réserve comme ça ?

Mary baisse brièvement les yeux face au ton perplexe et agacé de son amie. Je dois réprimer mon rire en voyant l'embarras sur le visage de Max. Ils ressemblent à des gamins pris en faute. Peu à peu, l'expression d'Emma passe de l'étonnement à l'amusement. Elle se met à rire.

- Si vous pouviez voir vos têtes !

- C'est assez drôle ! J'ajoute avant de pouffer.

Les deux amants, si je peux le dire, sortirent de la réserve en reprenant peu à peu contenance. J'arrête de glousser tant bien que mal et les regarde plus sérieusement. Emma a les mains sur les hanches, avec un air amusé.

- Vous êtes là depuis longtemps ? Et d'ailleurs, depuis quand vous vous voyez en cachette ? Et pourquoi se cacher dans la réserve ?

Après mon interrogatoire, je m'interrompt pour les laisser répondre. Ils semblent toujours gênés. Mary joue avec une mèche de cheveux tandis que Max cache les mains dans ses poches.

- Enfin, c'est pour savoir. Ne répondez pas si ça vous gêne. Dis-je, soucieux de me montrer trop intrusif.

Je baisse les yeux et fixe le sol jusqu'à ce que le rire de Max résonne dans la salle vide. Surpris, je relève le menton pour le regarder. Il sourit d'avantage en voyant l'incrédulité sur mon visage.

- T'inquiète. J'aurais posé les mêmes questions. Je voulais voir Mary avant les cours.

- Je lui ai proposé de venir ici, pour que ce soit plus pratique. Je me suis dit que personne ne nous dérangerait ici... Ajoute cette dernière.

La brune gloussa, partagée entre l'amusement et l'embarras. Max se rapprocha d'elle, de quelques millimètres. D'autres questions agitent mes méninges mais ça ne me regarde pas. Ils nous en parleront peut-être.

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