Chapitre 20 - Emma (2)

Juste après le petit déjeuner, Mia est partie se brosser les dents. En attendant mon tour, appuyée contre la chambranle de la porte, je sors mon téléphone de ma poche. Trois appels manqués de maman. Elle s'inquiète sûrement, ce n'est pas un monstre non plus. J'espère simplement qu'elle ne fera aucun reproche et qu'elle se montrera plus affectueuse avec Mia. Un soupir franchit mes lèvres, Harry s'approche.

- Tout va bien ? Demande-t-il

Une odeur boisée parvient à mes narines, ce doit être le parfum de mon interlocuteur, que je remarque pour la première fois.

- Oui, ça va. Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ?

- Je n'ai pas cours avant treize heures et demi. Je peux emmener Mia à l'école avec toi, si tu veux.

Sa proposition me surprend mais je ne vois aucune raison de refuser, même si la plupart des parents ne se gêneront pas pour nous juger et spéculer sur nos vies.

- Oui ! Harry vient avec nous ! Réclame Mia, qui vient à notre hauteur avec un grand sourire.

- Bon, eh bien allons-y tous les trois alors !

L'homme semble s'en réjouir, autant que la petite. Je leur adresse un sourire et vais me brosser les dents. Malgré le fait que sa proposition me fasse plaisir, je crains les rumeurs, mais les appels manqués de maman occupent d'avantage mon esprit. Elle n'a pas laissé de message, ce n'est pas son genre.

L'image de mon visage dans le miroir fait presque peur à voir, mon teint a pâli, mes yeux laissent apparaître de légères cernes. Sans doute le contrecoup de mes émotions. Je n'ai pas de maquillage pour camoufler les signes de fatigue, mais tant pis. On ne peut pas être au top tous les jours. Personne n'y fera vraiment attention de toute façon. Après avoir passé de l'eau sur ma peau, je semble déjà en meilleure forme. Mes yeux noisette semblent reprendre un peu d'éclat. À défaut de pouvoir brosser mes cheveux châtains correctement, je les attache en queue de cheval haute. Une fois prête, me voilà de retour avec Mia et Harry.

- Tout le monde est prêt ? Je demande.

- C'est bon pour moi. Répond Harry.

- Je peux avoir un bonbon ?

Mia ne perd pas le nord ! Je suis sûre qu'elle n'attend que le moment d'en avoir. Harry me demande silencieusement si il peut lui donner. Je regarde Mia et souris avec amusement.

- Tu as oublié un détail, non ?

La petite réfléchit mais ne tarde pas à trouver la réponse.

- Je peux avoir un bonbon, s'il te plaît ? Reformule-t-elle avec un sourire à faire fondre mon cœur.

- C'est mieux. Tu peux en prendre un.

Je glousse tendrement et lui adresse un clin d'œil. Elle sourit de plus belle, tandis que Harry ouvre le paquet pour la laisser choisir. Sa petite main plonge le paquet, en quête d'une friandise en gélatine colorée. Un petit crocodile retient son attention, avant d'être englouti avec gourmandise.

- Tu as raison, les crocos c'est trop bon ! Intervient Harry avec un léger sourire.

Je l'ai déjà remarqué, mais il est vraiment à l'aise avec elle, peut-être aussi avec les autres enfants. En tous cas, il a gagné l'affection de Mia. J'espère que ça durera. Enfin, il est temps d'y aller. Je prends les manteau et aide la petite à enfiler le sien. Harry ouvre la porte d'entrée, vêtu de sa veste kaki.

Nous descendons, il s'arrête devant sa boîte aux lettres et regarde par la fente. Une expression déçue passe sur son visage, je me demande pourquoi. Attendait-il un courrier en particulier ? Le temps que je me pose la question, il arbore déjà un visage neutre. Il marche devant nous, silencieusement, et nous lance un regard de temps en temps. Mia est occupée à observer le hall.

Le bâtiment à l'air assez récent. Le sol gris, en lino, absorbe presque le bruit de nos pas. Les murs portent la même couleur, sauf ceux pourvus de fenêtres et de portes, peints en orange ou vert. L'entrée est faite de panneaux vitrés et apporte de la lumière à cet intérieur épuré. Je ne vois aucune affiche, à part le règlement intérieur. J'espère au moins que les étudiants peuvent décorer leur chambre minuscule. Dehors, le ciel bleu égaye le quartier de résidences universitaires. L'endroit me semble froid, pour une raison inconnue. Pourtant, une atmosphère pleine de vie se ressent.

Il faut sans doute connaître les lieux pour se défaire de cette première impression. Quoi qu'il en soit, si je reste perdue dans mes pensées, nous finirons par arriver en retard à l'école. J'ouvre la voiture et installe Mia sur son siège auto, avant de l'aider à s'attacher. Harry observe la scène un moment, avant prendre place sur le siège passager. Son regard paraît partagé entre l'admiration et la curiosité. Il n'est pas le seul à se poser des questions. Après tout, l'écart d'âge est grand entre nous, sans compter tout le temps que je consacre à Mia.

Heureusement, il a la délicatesse de garder ses interrogations pour lui. Je préfère garder les réponses pour moi. Peut-être qu'un jour je pourrais en parler librement, mais pas maintenant. C'est trop récent.

Une fois arrivés devant l'école, le soulagement d'être à l'heure m'apaise. Un poids en moins. Harry observe les alentours, arrête son regard sur chaque personne devant les grilles, soit une majorité de femmes. Pendant un instant, j'ai même l'impression qu'il les étudie. J'aimerais savoir ce qu'il pense. Dehors, les enfants se réjouissent de retrouver leurs amis, ou tentent de persuader leurs parents de rentrer à la maison.

Un sourire étire mes lèvres tandis que j'ouvre la porte, avant de contourner la voiture pour faire descendre Mia. Elle semble contente d'aller à l'école, comme souvent. Mais cette fois, Harry en est sûrement la cause.

- Alors ma puce, tu es contente d'aller à l'école aujourd'hui ? Je demande.

- Oui ! En plus Harry est là aussi, pour me déposer !

Son grand sourire allume une lueur enthousiaste dans les iris vertes de ce dernier, il sourit légèrement et se détache, avant de sortir. Mia descend et se rapproche de lui, en faisant signe de se baisser. Alors qu'il s'exécute, mes sourcils se froncent de curiosité. Dès que la petite pose la main derrière son oreille, je comprend qu'elle va lui confier un secret, mais à propos de quoi ? Apparemment, je suis concernée, car son regard bleu ne cesse de revenir vers moi. Je dois taire ma curiosité pour respecter sa confidence. Harry lui sourit, puis me regarde, avant de se tourner vers l'école.

L'établissement se sépare en deux. D'un côté la maternelle, de l'autre, la primaire. Derrière le grillage, la cour de récréation précède les bâtiments. On y voit une cabane colorée, un toboggan, des vélos et quelques jeux de marelle. Les enfants bénéficient d'un grand espace pour jouer. Ensuite, les façades sont beiges, avec des fenêtres bleues et des portes blanches. Sur la droite se trouve la cantine.

Cette école me plaît, Mia s'y sent bien, les instits sont appréciés. La cantine sert une alimentation variée et les programmes scolaires sont bien suivis.

- Allez, c'est l'heure ma grande !

- Mais, je n'ai pas mon cartable ! Me rappelle-t-elle.

Merde, son sac ! J'espère qu'il n'est pas resté à la maison. Si sa maîtresse la voit sans son cartable à l'effigie de Winnie L'Ourson, j'aurais le droit à des remarques, même si c'est la première fois. La panique monte. Mia me regarde, Harry ne semble pas savoir quoi faire. Je me dirige vers la voiture et regarde à l'intérieur, avec des gestes précipités. Il faut que je me calme. Ce n'est pas si grave. Il est sans doute à l'arrière, elle l'oublie parfois. Alors que je vérifie, l'objet apparaît enfin. Bénie soit ma bonne étoile !

- C'est bon, j'ai ton cartable ! Tu l'avais laissé.

Elle attrape son sac et me prend dans ses bras, avant de filer vers le portail, à la suite d'une amie. Le soulagement dissipe encore une fois mon stress, je lui souris en la saluant de la main. Je la regarde un instant, sans pouvoir m'empêcher d'envier son insouciance. J'aimerais pouvoir oublier mes soucis, prendre plus de temps pour moi. Malheureusement, l'heure de rejoindre le café approche. D'habitude, je vais au parc, mais le froid m'a découragée.

Après un dernier regard, nous montons dans la voiture. Alors que je démarre, l'homme à mes côtés m'observe, la tête légèrement penchée.

- Tu vas bien Emma ?

- Oui, j'ai juste eu peur d'avoir oublié son sac à la maison.

Et c'est vrai, je me sens bien. Même si j'appréhende de rentrer à la maison, la journée commence positivement. Harry semble déceler mes inquiétudes mais ne dit rien. Après tout, lui aussi garde ses propres préoccupations sous silence. Le silence, si présent dans nos vies. 

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