Adossé contre un mur, je fume. Les volutes montent gracieusement vers le ciel nocturne. Encore une insomnie. J'ai l'habitude. Ma mère désapprouve, ainsi que quelques amis, mais leurs mises en garde ne m'atteignent pas. Ma santé en pâtira, mais peu importe. La cigarette me détend autant qu'elle me tient sous l'emprise d'un cercle vicieux.
L'avantage de mes insomnies à répétitions, c'est que j'ai le temps de bosser mes cours. Je me plonge dans mes études de sociologie, la réussite est importante pour moi. De plus cette science humaine me passionne. Parfois mes amis me traînent dans des soirées étudiantes, ça me plaît mais il faut aussi étudier. Bien sûr, c'est toujours très agréable de s'amuser entre amis ! Le reste de ma clope rejoint le cendrier alors que je retourne dans ma chambre.
L'heure tourne, le soleil se lèvera bientôt. Mon estomac réclame un petit déjeuner, que j'avale rapidement. La chambre dispose d'une minuscule cuisine aménagée. L'endroit me convient assez bien, l'espace manque parfois mais ce n'est pas grave. J'y suis toujours mieux que chez moi.
Triste à dire mais véridique. Enfin, les lamentations ne servent à rien. Autant travailler.
Je m'installe devant mon petit bureau et ouvre un ouvrage phare de la discipline. Rester au top compte plus que tout pour s'en sortir, se libérer. Mes amis n'ont pas la même assiduité, ni un vécu comparable. Alors je souris quand ils me charrient, pour faire genre. Parce qu'au fond ma vie ici n'est qu'un jeu. Mon existence se résume à une mascarade costumée de faux airs et de mensonges. Je pourrais devenir acteur, ou clown. Et voilà que ma fierté me somme de cesser de pleurnicher. Je me plonge dans la lecture pour chasser ce début de colère.
Les heures passent, le temps d'aller en cours approche. Je me prépare puis sors prendre l'air. J'aime marcher sur le campus quand il fait bon au petit jour. Pour l'instant, il n'y a que moi dans l'allée bordée de platanes. Mon fidèle appareil photo m'accompagne,et la fin de l'aube sera notre sujet.
Soudain, je remarque le soleil pâle entre deux arbres. Le cliché parfait. Il faut absolument l'immortaliser car la photographie est la capture d'un regard. Et c'est là toute la beauté d'une image. Le photographe transforme son regard en un souvenir. En montrant son travail, il n'est pas seulement en quête de reconnaissance, il livre une partie de son âme, de sa vision des choses. Pour cette raison, les personnes de ce métier ont mon admiration. Je me suis lancé dans leurs traces, suit leur sillage, marche dans leurs pas. Cependant, le but n'est pas de rester dans leur ombre pour toujours. Peut-être que quelqu'un pourra voir mes photos un jour, mais elle me sera alors très chère, au plus près de ma confiance. Mais ce n'est pas prêt d'arriver.
L'instant d'après, mon attention se focalise sur un oiseau qui picore. Son plumage marron se distingue aisément de l'herbe bien verte malgré l'hiver. Heureusement, il ne me remarque pas, je m'agenouille à quelques mètres et calibre le champ. Lorsque l'image souhaitée apparaît, je la capture. Un regard de plus figé dans l'éternité.
Après plusieurs prises, je décide d'arrêter là pour examiner le résultat. Les images numérisées défilent.
- Pas mal, pas mal...
Mon travail est satisfaisant, je n'en ai supprimé que très peu . Mon appareil désormais éteint, je sillonne l'allée de pierre blanche en direction de l'amphithéâtre. C'est alors que Max entre dans mon champ de vision. Mon ami mesure deux mètres, a une tignasse blonde et brune, des yeux changeants et vêtu de son perpétuel costume. Il dit que ça fait craquer les filles et que ça donne une bonne impression aux profs. Pour ma part, je ne suis pas toujours tiré à quatre épingles.
- Hey Max , ça va ?
- Nickel mon gars, répond-t-il en frappant son poing au mien.
Même âgés de vingt-et-un ans, nous nous salons toujours comme des ados. Au fond, nous ne sommes pas si loin de cette période déplaisante. Peu importe l'opinion d'autrui.
- Alors, tu t'es promené en prenant des photos ?
- On ne change pas les bonnes habitudes.
Nous rions de manière complice. J'ai rencontré Max en première année et je l'apprécie vraiment. C'est un ami fidèle, proche, mais qui ne connaît pas ma vie privée. Ou alors seulement quelques détails futiles. Je ne tiens pas à passer pour le mec au lourd passé, bien que ce soit le cas.
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