Chapitre 19 - Harry

C'est ainsi que je sors une couverture et un coussin du petit placard à mes côtés. C'est un lit de fortune mais qui suffira amplement. De toute façon je ne dors pas tant que ça. Emma semble avoir trouvé le sommeil. Ce moment était aussi étrange qu'agréable, d'où me vient cette spontanéité ? En tous cas, ça l'a aidée, c'est le principal. Quant à sa proposition... J'avoue avoir hésité un instant. Juste un instant. Mais la raison a bien vite repris les rênes, comme une cavalière sur un cheval fait de mes émotions. Elle sait parfaitement comment le tenir, ou comment le diriger.

Un soupir me tire de mes pensées. Mon cerveau cogite trop ! Mais il le fait depuis toujours. Je souris vaguement en pensant aux filles dans mon lit, à Mia qui est adorable, à Emma qui me préoccupe. Je dois bien avouer qu'elle s'est faite une place dans mon esprit. En même temps, sa compagnie me plaît, surtout avec Mary et Max, au café. Elle y semble plus détendue.

Soudain, une idée me vient. Je pourrais organiser une sortie pour tous les quatre ! Loin du quotidien et des problèmes de chacun. Un moment pour s'amuser, pour sourire. Pour son sourire. J'aime son sourire. Nouveau soupir. Qu'est-ce qui m'arrive ? Aucune idée. Enfin, si. Elle me plaît. Mais je vais rien faire pour concrétiser tout ça. Je ne suis pas prêt, ça ne marcherait pas.

Avec un passé comme le mien, mes démons ne tarderont pas à resurgir. La fumée du tabac ne les retient pas. Me voilà reparti dans mes pensées... Un garçon dans la lune, comme ils disaient. Voilà ce que je suis. Tout se mélange. Ma mère, son manque d'affection, le silence. Ce fichu mutisme dans lequel on s'est tous murés. Elle la première. Pourquoi elle a fait ça ?

Une larme coule, puis deux, puis toute une pluie. Le poings serrés sur les yeux, je pleure sans bruit. La détresse s'écoule sur mes joues. Mais seul le silence le saura. Ce vieil ennemi. Décidément, tout le monde pleure ce soir. Au moins, le tabac n'intervient pas. Je crois même que le lâcher-prise, aussi rare soit-il, est plus efficace. D'ailleurs, je sens le sommeil m'emporter. Enfin. Reste à savoir pour combien de temps.

C'est l'agitation autour de moi qui me réveille. Quelle heure est-il ? Je me redresse, les cheveux et ébouriffés et les yeux mi clos. La petite vient vers moi, je lui souris pour la mettre en confiance. Son expression se fait plus joyeuse, elle s'assoit à côté de moi et me regarde.

- Bonjour Harry ! T'as bien dormi ?

- Oui, et toi princesse ?

- Très bien ! J'aime bien ton lit ! Mais, pourquoi tu n'as plus la même couleur d'yeux que hier ?

Ah oui, ma lentille. Je l'avais enlevée avant de trouver Emma assise contre mon lit. Mia me fixe, mais toujours avec le sourire. On dirait que ça ne la préoccupe pas plus que ça de voir mes iris dépareillées.

- Je mets une lentille sur l'œil gris, comme ça les deux sont verts.

- Pourquoi sur un seul œil ? Tu le caches ?

Je ne souris qu'à moitié. Cette petite m'a percé à jour. Elle ne se moque pas, n'a aucun à priori, juste de la curiosité. Juste le besoin de comprendre.

- Mia, il n'a peut-être pas envie de répondre. Intervient Emma, voyant que je reste silencieux quelques secondes.

Mes épaules se haussent alors que mon sourire s'élargit.

- Oui, c'est vrai. Quand j'étais petit, les autres enfants me posaient toujours des questions, ou se moquaient de moi. Alors, j'ai fini par mettre une lentille.

Sur mes paroles, Mia fait une moue triste, puis retrouve son sourire.

- Moi j'aime bien, on dirait que t'as des yeux magiques !

Je n'ai même pas le temps de réagir qu'elle me serre dans ses petits bras. Cette sensation de douceur et de bienveillance me laisse une impression aussi étrange qu'agréable. On dirait qu'elle m'aime bien. Je lui rends son étreinte avant de me lever. Emma s'est rhabillée, et a préparé les vêtements de sa sœur. C'est sans doute indiscret, mais je me demande pourquoi l'écart d'âge est si grand entre elles. Peut-être qu'un jour j'aurais la réponse.

- Ah oui ? Eh bien c'est grâce à toi. Répondis-je avec un clin d'œil.

Elle me sourit et s'habille, avec l'aide d'Emma. Quant à moi, je cherche de quoi préparer un petit déjeuner. Malheureusement, le constat est vite fait. Il n'y a pas grand-chose. Je soupire et me retourne vers les filles, qui me regardent en attendant de savoir ce qu'il y a.

- Je n'ai plus que du lait... Vous voulez des croissants, des gâteaux ? La boulangerie est juste en bas.

Contre toute attente, Emma se met à glousser. Qu'est-ce qui la fait rire ? J'ai l'air si désespéré que ça ? Elle essaie sûrement de me rassurer. Je crois que ça marche. 

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