Il fait nuit noire. La voiture est garée devant le café. Mia reste à l'intérieur tandis que j'attends contre la portière passager. Harry, mon bienfaiteur de ce soir ne devrait plus tarder. Durant notre appel, j'ai usé de mes restes de force pour ne pas pleurer. Pour éviter de sombrer dans une abîme qui n'attend que moi. Il a fallu au moins vingt minutes pour consoler la petite. J'ai peur que ça ne se transforme en traumatisme. Je mettrai longtemps à pardonner ma génitrice, j'ai tellement honte... Honte de ne pas savoir comment l'aider, honte de son comportement. L'équilibriste est de retour, dansant allègrement tout au long de son parcours. Les suspensions ne tarderont pas à lâcher. J'ai besoin que quelqu'un m'écoute. Je ne pourrais pas porter ce qu'il s'est passé longtemps. De plus, bien trop de non-dits alourdissent mon cœur. Il faut en libérer une partie.

Le mouvement de mes doigts sur la carrosserie trahissent mon impatience. Je sais qu'il est en route, mais je ne peux m'empêcher de manquer de patience. De plus il fait froid. En me retournant, j'adresse un sourire rassurant à ma petite. Je vois bien qu'elle fatigue, en plus de toutes les émotions de la journée, et surtout de la soirée. Ses grands yeux perdus ne me lâchent pas. Je lui adresse un signe pour lui dire que Harry ne tardera plus. Elle semble légèrement moins apeurée.

Soudain, le sifflement métallique d'un bus introduit l'espace sonore. Les phares devancent le véhicule qui s'arrête. Dans les secondes qui suivent, Harry sort. Mon cœur accélère, il est enfin là. Le jeune homme se précipite vers nous, un regard inquiet braqué sur moi. Lorsque il arrive à ma hauteur, je le prends dans mes bras sans réfléchir. Étrangement, ce contact me plaît, en plus de me réconforter.

- Je suis là, Emma. Ne t'en fais plus.

Ses mots donnent envie à la reconnaissance de pousser les larmes du bord. Je résiste et le relâche avec un léger sourire. Dans son regard, la surprise laisse vite place à l'inquiétude et à la compassion. Il remarque Mia et lui adresse un signe de la main, accompagné d'un sourire. Elle réussit à détendre son visage.

- Salut Mia, moi c'est Harry. L'étudiant cool qui passe son temps au café avec Max, Mary et Emma bien sûr. Se présente-t-il avec un clin d'œil.

Le courant a l'air de bien passer entre eux.

- Salut Harry... Dit-elle avec un petit sourire.

Elle semble un peu moins choquée, plus détendue.

- Aller, on ne devrait pas trop traîner, il fait nuit et froid. Nous presse Harry.

J'acquiesce et lui ouvre la porte. Nous montons dans la voiture. Je démarre une fois que nous sommes prêts. L'adrénaline monte doucement, impossible de prévoir la suite. En fait, cette soirée est un saut dans l'inconnu. J'ai l'impression que nous vies sont sur le point de changer, qu'une page se tourne. Sûrement pas celle de l'alcool en tous cas.

Nous voilà dans le studio de Harry, l'université doit avoir de l'argent car il a même un petit balcon, derrière de grandes baies vitrées. Ce sont deux vitres aux contours noirs, la ville expose toutes ses lumières à travers le verre. Le jeune homme appuie sur un bouton pour fermer les volets. La petite tient fermement ma main en scrutant chaque détail de l'intérieur. Malgré sa petitesse, on ne s'y sent pas oppressé.

- On va dormir ici cette nuit, mais tout va bien se passer d'accord ? Lui dis-je en m'agenouillant devant elle.

Elle hoche la tête avec un petit sourire. Harry se dirige vers un placard encastré et se retourne muni d'un ours en peluche. Il se pencha et lui tendit.

- C'est mon doudou depuis toujours, mais je te le prête pour cette nuit ! Et tu sais quoi ? Je ne l'ai jamais prêté avant !

Elle rit et prend l'ours brun, il a l'air de lui plaire. Elle baille, Harry lui fait signe de se coucher dans son grand lit.

- Qu'est-ce qu'on dit Mia ?

- Merci Harry !

- De rien princesse ! Répond-t-il avec un clin d'œil.

Je laisse échapper un petit rire puis me concentre de nouveau. Vu que je n'ai pas eu le temps de rassembler des affaires, elle devra dormir habillée. J'allais le lui dire, mais le jeune homme m'interrompt, il a l'air songeur.

- Attendez, dit-il, vous avez mangé ?

- Oui, on est allées dans un fast-food, ne t'en fais pas.

- J'ai eu une surprise ! Intervient Mia en montrant le jouet en question.

Je l'ai amenée là-bas pour lui redonner un peu le sourire, bien qu'aucune de nous deux n'avait le cœur à sourire. Elle n'oubliera jamais l'état dans lequel elle a vu ma mère.

Harry quant à lui, regarde la montre à l'effigie de ce dessin animé avec des yokaïs avec intérêt. Il ne fait même pas semblant. Je vois bien qu'il essaie d'alléger l'ambiance.