Epilogue #2 : Résurrection
Voilà, c'est fini...
Rassurez-vous, ce chapitre va normalement combler tous vos désirs (j'ai été assez idéaliste, mais je voulais absolument sortir de cette noirceur ahah)
Donc comme pour le #1, je vous conseille une musique : Ange et Diable, de Maxime Rodriguez dans le cadre de Symphonie sur Glace (version 5 minutes). Pour le costume, j'espère qu'il sera visible mais si jamais, c'est toujours celui de Bradgriffies sur Instagram, un post qui date du 25 mars et qu'il faut imaginer en violet.
Épilogue final : Une Résurrection
Céleste fixait un point au loin, pour éviter de se concentrer sur la performance de ses principaux concurrents. Ce couple ne frôlait pas seulement l'excellence, mais en était l'incarnation même. Il respectait les normes, le garçon la dépassait d'une tête tout au plus, et la femme avait une silhouette taillée pour ce sport d'élégance. Elle se retint de manger ses ongles pour la simple et bonne raison qu'ils étaient vernis et qu'elle ne désirait pas se frotter à la colère du maquilleur en chef. Ce dernier souriait peu, et ses cheveux se dressaient sur le haut de sa tête à chaque fois qu'il réprimandait l'une de ses employées. A ses côtés, son partenaire adoptait une autre technique et suivait très méticuleusement la prestation, grimaçant quand des techniques remarquables étaient réussis, et râlant lorsque des séquences de pas lui plaisaient fortement. Ils étaient tout de même parvenus à se hisser deuxième au classement général, mais ils souhaitaient plus que tout cette victoire. Quatre ans à espérer décrocher cette médaille olympique, ils la désignaient maintenant comme le Graal. Félix discutait aimablement avec des agents de sécurité, cela l'empêchait de sentir la tension qui s'installait sur leurs épaules. Les concurrents étaient troisièmes pour le moment, mais les talonnaient à un dixième, et elle connaissait suffisamment les premiers du provisoire pour savoir qu'ils allaient se rater. Le libre n'avait jamais été leur épreuve favorite, elle leur posait des problèmes à chaque compétition.
Elle se leva et inspecta une dernière fois sa tenue. Contrairement à ce qu'elle avait pu imaginer, sa deuxième olympiade lui parut moins stressante, la pression était toujours amassée en fines particules qui se déposaient sur leurs épaules, mais elle n'avait pas vérifié trois fois son costume. Il se déclinait en une unique couleur cette année, et le blanc avait été unanimement choisi pour que la figure de l'ange soit représentée. Le jupon était séparé du haut par une fausse ceinture de strass assemblés argentés, et les manches se terminaient de la même manière. La technique de la mousseline blanche avait de nouveau été utilisée, mais elle se distinguait cette fois-ci par une forme assez asymétrique sur la poitrine, où des strass avaient abondamment été ajoutés à la main. Son cou se trouvait dépourvu de collier puisque des gemmes l'occupaient, et on les retrouvaient aussi disposés sur toute sa tunique. Des plus grosses pierres, similaires à des pierres précieuses, avaient été placées sur sa poitrine pour symboliser le côté inestimable de l'ange. Ses cheveux avaient été soigneusement noués en deux tresses collées où de fausses fleurs et des soleils en plastiques étaient attachés avec plusieurs barrettes. Son maquillage était à l'effigie de sa tenue, pure et relativement simple.
Si la pression était moins forte, enfin elle l'était tout autant pour elle puisqu'elle se la mettait toute seule, c'était aussi parce qu'ils étaient désormais reconnus et avaient un nom dans leur discipline. Le couple avait été sacré champions du monde deux années consécutives et avait fini cinquième lorsque Conrad se remettait de son opération, en plus des différents succès aux Grands Prix. Maintenant qu'ils avaient une renommée, le public en attendait beaucoup d'eux, mais ce n'était pas aussi intense que ce qu'elle avait pu imaginer. La pression était bien plus complexe, et elle avait l'impression que son partenaire le supportait moins bien qu'elle. Lui pouvait se ronger les ongles sans problème, et elle leva les yeux au ciel. Cette injustice l'agaçait.
Félix leur fit signe de se préparer à leur passage et elle lissa sa tenue. Le souffle haché par la sensation désagréable qui s'insinuait en elle, Céleste tourna la tête vers la grand tableau qui affichait les scores de leurs adversaires. Visiblement, ils étaient eux aussi décidés à gagner cette compétition, et bien qu'elle n'en doutait pas une seule seconde, elle avait cru voir flou en voyant les points accumulés. Ce n'était ni plus ni moins le meilleur score de leur saison, et probablement de toute leur carrière. Elle soupira de lassitude, pourquoi fallait-il que tout soit beaucoup plus compliqué que prévu ? Son partenaire secoua à son tour la tête, avant de lui attraper la main et de l'entraîner sur la glace. Une révérence exagérée, des patins qui glissaient naturellement sur la piste, et un regard déterminé. S'ils avaient réussi à le faire, alors eux aussi devaient en être capables. Ils se mirent dos à dos, la tête haute et leurs mains jointes.
Quelques secondes défilèrent avant que les juges ne lancent la musique et elle avait senti les caméras les observer. Elle avait adopté son masque impénétrable, et ses yeux s'étaient rembrunis, ne rien laisser apparaître, tu dois être un mur. La devise de toute une vie qu'elle avait progressivement délaissé pour se découvrir. Cette découverte ne la laissait pas indifférente et elle s'étonnait toujours de sa capacité à rester calme dans des situations préoccupantes. Ces dernières années avaient favorisé ce changement et bien qu'elle s'en passerait entièrement, puisque cela signifiait souvent des remarques de la part de son entourage, qui se fendait d'un rire moqueur quand elle éprouvait de la compassion, ses programmes en ressortaient plus authentiques. Elle ne s'était pas non plus transformée, et passait son temps à répliquer, -moins sèchement néanmoins- des commentaires sarcastiques. Marius assistait quelque fois, démuni, à des phases de colère qu'il qualifiait « d'ancienne Céleste ».
L'histoire qu'ils avaient désiré raconter, pour arracher cette médaille d'or, n'était pas seulement une histoire sortie de leur imaginaire. Ils avaient intégré des éléments plus personnels, qui les marquaient et qui participaient à leur envie criante de victoire. La participation cette année avait de meilleures chances d'aboutir à une médaille, et elle voulait que ce programme soit particulier pour décrocher l'objet de leurs convoitises. Ils avaient longuement réfléchi, s'étaient promenés dans les parcs artificiels de leur ville d'adoption, en avaient discuté avec des fréquentations du centre, pour au final, se tourner vers la source la plus fiable, Solveig Søndergaard. Cela n'avait pas loupé, la chorégraphe et l'ancienne championne olympique, avait pris le premier avion afin de les aider dans la confection de leur programme. De nature curieuse, jamais la femme n'avait pourtant cherché à connaître l'élément obscur qui façonnait la prestation.
Une jeune ange tentait de s'échapper de l'emprisonnement forcé par le démon, mais chaque effort semblait vain. Dès qu'elle parvenait à s'enfuir, il reposait ses mains sur ses hanches pour lui insuffler la force d'effectuer un quadruple Flip lancé. Par rapport à la première fois, Céleste incarnait cet ange craintif, qui tentait de se démener pour le semer. Mais le méchant triomphait toujours, et parvenait à réduire la distance par une combinaison triple Salchow suivi d'un double Axel, duquel elle se détachait par cette aisance sur la glace qui lui permit de s'en éloigner. Leurs mouvements étaient dictés par des heures d'entraînements, mais il ne lui avait jamais paru aussi sincère qu'à cet instant, où le regard empreint d'une détermination sans pareille refléta dans l'iris de son partenaire. Aveuglée par les lumières, elle exécuta les mêmes gestes que lui, c'est-à-dire des Twizzles, qui n'en finissaient plus de leur perfection. Ils entamèrent enfin la partie la plus dynamique où son énergie démente pouvait s'exprimer, enchaînant ainsi un triple Twist, un triple Lutz et des séquences de pas d'une justesse absolue. C'était non seulement un bonheur que de patiner sur cette piste olympique, mais surtout un honneur qu'ils démontrèrent en prédominant la glace. Les éléments se succédèrent et l'excellence continuait, au plus grand désespoir de leurs concurrents directs. Quand les notes de la musique s'espacèrent et se distinguèrent à de rare moment, ils s'élancèrent pour la dernière partie de ce programme endiablé. Une chorégraphie mêlant élégance, émotion et ultime pas sur la glace pour se démarquer. Ils ne lâchèrent pas le regard de l'autre durant les vingt dernières secondes, et au moment du coup final, elle détourna soudainement la tête pour planter ce regard inébranlable dans ceux des juges.
La respiration haletante après l'effort surhumain qu'elle venait de livrer, la patineuse, jusque-là tenue en équilibre sur les genoux de Conrad, qui était accroupi, s'accrocha à son cou et se hissa grâce à la force de ses bras. Une fois remis debout, elle ne le quitta pas et l'enlaça de toutes ses forces. La prestation l'avait épuisée physiquement et son corps lui répondit par des secousses infernales, qu'il parvint à calmer en passant une main dans son dos. Toutes les caméras étaient braquées sur eux, mais la seule pensée qui frayait son chemin jusqu'à son cerveau était : « Je l'ai fais, j'ai réussi ». Plusieurs fois, le visage de Conrad s'était mélangé et apparenté à celui de Ducastel alors qu'elle observait son partenaire pour veiller à leur synchronisation. C'était lui son démon, et elle avait fermement tenu à l'affronter, même si la jeune femme était perdante. C'était une revanche pour toutes les années de vie volées, il lui avait permit d'avoir cette chance unique de vivre son rêve.
La résurrection, ce sentiment aussi agréable que déstabilisant, venait de s'immiscer au sein de son coeur. Les images de ses précédentes performances en individuel lui revinrent en mémoire, et elles se mélangèrent à celles qu'elle capturait à ce moment précis. Inconsciemment, et sans être certaine d'avoir remporté cette compétition plus que prestigieuse, la jeune femme avait remarqué un avant et un après. Ce n'était pas seulement cette sensation de victoire qui l'animait, enfin plutôt si, mais pas contre le même ennemi. Même si de bons souvenirs résultaient de sa carrière en individuel, les pensées positives affluaient de son affiliation avec Conrad. Elle se sentait revivre sur cette glace olympique. Son coeur battait à l'unisson avec celui de son partenaire. Et la foule déchaînée assistait à sa renaissance, en tant que patineuse mais aussi comme femme.
Les joues détrempées des larmes qui avaient coulé, Céleste fonça sans vergogne sur son entraîneur qui ne rajeunissait pourtant pas. Leur programme, en plus d'avoir été parfait et ce, malgré les difficultés extrêmes à certains moments, avait été libérateur. Elle avait besoin de remercier celui qui avait deviné son potentiel en tant que couple, et qui lui avait inculqué toute sa technique, sans faire de différence avec Conrad. Il les avait épaulé dans les passages plus durs, les avait toujours soutenus même quand tout semblait perdu d'avance, et avait abandonné toute sa vie en France pour suivre ses élèves. Six ans qu'elle fréquentait presque quotidiennement son entraîneur, ce dernier commençait à rudement bien la connaître et il ouvrit précipitamment ses bras pour accueillir celle qu'il qualifiait de tempête humaine. Principalement dans le bon sens du terme, mais certains de ses comportements s'ancraient comme étant une bourrasque négative. La silhouette de Céleste avait considérablement évolué en quatre ans, et il n'était plus en capacité de la soulever comme auparavant. Elle se contenta de sentir sa tête se poser sur ses épaules, et d'écouter ces mots de félicitations. Puis elle s'écarta afin que son partenaire ne râle pas, -trop tard, il avait déjà émis un grognement, et s'appuya sur la rebord.
L'entraîneur de cinquante-huit ans les poussa à se diriger vers le kiss and cry, où des bouteilles d'eau les attendaient. Déshydratée mais trop impatiente et excitée pour se rappeler qu'elle avait soif, la jeune femme slaloma entre les agents de sécurité qui la contrôlèrent. En se retournant, elle constata que Conrad lui aussi avait eu le droit au même traitement de faveur, et gloussa. Ce dernier lui saisit la main pour calmer son rythme cardiaque qui s'accélérait, et elle lui jeta un regard interloqué. Normalement, c'était lui qui lui occupait le rôle de la personne détendue, et le fait qu'il lui confie la dure mission l'inquiéta quelque peu. Elle s'installa sur les canapés, aux côtés de son partenaires et de ses deux entraîneurs, qui ne manifestaient aucune émotion. Après de longues secondes à attendre, les hauts parleurs retentirent pour demander le score. La réponse fût presque immédiate.
- 241.02, lut-elle.
Sa première réaction fût de se tourner vers son partenaire pour constater les émotions qui le secouaient, et donc aviser si ses sens la trompaient. Mais son grand sourire fût la confirmation, ses yeux étaient en bonne santé. Ils venaient de remporter les Jeux Olympiques. Elle ne tint pas en place et l'enlaça avec un cri victorieux et rageur, des larmes d'exaltation perlaient aux coins de ses yeux. Conrad ébouriffa ses cheveux à la recherche de l'erreur qui provenait sûrement de son cerveau ralenti par l'effort, mais il fallait croire qu'ils avaient réussis. Félix se joignit à l'étreinte et le soulagement se faisait sentir, elle savait qu'il n'était plus tout jeune et réitérer leur contrat pour quatre ans serait probablement une mission dangereuse, même s'il était bien trop borné pour l'avouer. Aucun classement n'était définitif avant le dernier passage, mais le couple de Japonais avait des problèmes artistiques. Et si par miracle, ils réussissaient tous les éléments techniques, avec leur score, c'était impossible de les rattraper. En plus de signer la meilleure performance de leur saison, c'était aussi valable pour leur carrière qui démarrait progressivement. Avec en prime, le record du monde.
***
Un journaliste aux cheveux bruns, coupés relativement courts, et à la paire de lunettes considérée comme moderne, distança ses compères en marchant à une allure élevée. Elle fréquentait ce drôle de spécimen depuis maintenant six ans, et sa détermination n'avait jamais changé à son égard. Elijah O'brian se tenait face à elle, son micro à la main, prêt à recueillir leur réaction en premier. En plus de le supporter à chacune des conférences organisées par son précédent centre et celui à Vancouver, elle n'avait pas d'autre choix que d'entendre sa voix aux repas de famille. Sa sœur aînée l'aimait, et il avait eu l'audace de la demander en mariage quelques mois auparavant, elle ne serait jamais débarrassée de ce journaliste embarrassant à certains moments. Mais depuis la scène dans la salle à manger de ses parents, cinq ans dans le passé, elle avait mûri et accepté que parfois, l'amour ne se contrôlait pas. Il conservait ce sourire énigmatique et ce regard sûr de lui.
- Je rappelle à nos lecteurs, vingt-deux et vingt-trois ans, deux participations à une olympiade et vous voilà désormais sacrés champions olympiques ! Un palmarès de tous les diables, comment vous sentez-vous actuellement ?
Un sourire de fierté ornait leur visage harassé par la fatigue, et ce fût Céleste qui prit comme à son habitude le micro pour répondre aux questions.
- Ces quatre ans ont été terribles mentalement comme physiquement avec sa blessure, alors cette victoire, on la savoure pleinement, à chaque minute qui passe.
Malgré leur nombreux titres ces dernières années, et leurs performances qui défiaient un peu plus l'Histoire à chaque fois, l'une de leur saison avait été compromise à cause de l'une des chutes de Conrad à l'entraînement. Rupture des ligaments croisés, des mois à attendre le verdict final, pour au final pouvoir sereinement reprendre les différentes compétitions. Ils avaient manqué des étapes des Grands Prix et des titres européens, mais les championnats du monde n'étaient pas écartés. Cependant, cette blessure leur avait permis de revenir plus fort et de décrocher le Graal pour tous sportifs, une médaille en or aux Jeux Olympiques. Des émotions indescriptibles l'envahirent, même plusieurs minutes après l'officialisation, et elle se retint de laisser sa joie exploser.
- Êtes-vous conscients que vous venez de marquer votre discipline par votre jeunesse et votre redoutable technique ?
Ce n'était plus seulement un rêve, la médaille l'attendait dans plusieurs heures, mais elle ne parvenait pas à croire ce miracle. La fatigue prenait insidieusement possession de son cerveau, et mélangée à l'adrénaline qui n'était toujours pas retombée, la jeune femme ne répondait plus réellement de son esprit pratique. Son partenaire prit le relai, conscient de son état d'épuisement avancé.
- Nous sommes extrêmement fatigués avec le décalage horaire et notre passage, alors nous ne réalisons pas totalement ce qui nous arrive, cela paraîtra bien plus réel lors de la remise des médailles.
- Votre programme était peu commun. Que représentait le démon qui gagnait la partie à la fin ?
Céleste s'attendait à cette question, elle y avait déjà été confrontée lors des phases de qualifications, mais apporter sa réponse faussait l'interprétation personnelle. Elle prit le temps de réfléchir malgré l'agitation en fond, des journalistes et du public, retenus par des agents de sécurité débordés, elle ne croyait pas que c'était eux qui défoulaient toutes ces personnes. Elle défrayait les chroniques six ans avant, et les voilà harcelés pour donner des interviews.
- Voyez ça comme une victime prise au piège par son agresseur, et transposez-le dans votre vie afin que vous puissiez vous identifier. Notre but, en tant que patineurs, n'est pas seulement de nous produire sur la glace et de gagner, nous avons aussi un devoir d'enseignement. Notre idée n'est pas universelle, elle est individuelle. Nous avons eu une idée qui nous correspondait, mais c'est propre à chacun, expliqua-t-elle.
Elle lui fit signe d'arrêter l'interview et prit la main de Conrad pour zigzaguer entre toutes ces personnes réunies autour d'eux. La foule était dense et ils avançaient peu, mais elle ne perdait pas espoir de rallier rapidement le point des tribunes, afin d'être entourés de ceux qu'elle aimait et protégés de ces journalistes dérangeants. Conrad l'utilisa vaguement comme une bouclier pour se protéger lui-même mais Céleste n'en tint pas rigueur, cela lui permit de longer la piste et de rejoindre sa famille. Quelques personnes lui rentrèrent dedans, mais elle se contenta d'exploser de rire, lessivée par cette journée riche en émotions. Ariane et Apollon perdirent toute crédibilité en lui sautant littéralement dessus, menaçant de la faire tomber, et en la serrant si fort dans leur bras qu'elle eut peur de s'étouffer. Cassiopée fût plus modeste, mais appuya ses propos par des mots qui lui firent chaud au coeur « une performance incroyable, qui est déjà dans ma mémoire à jamais, incarnée par une jeune femme merveilleuse et la meilleure sœur qu'il soit ». Ce n'était pas réellement objectif, mais elle avait besoin d'entendre ses mots. Léandre sourit avant de laisser tomber son livre -action rare qui avait besoin d'être souligné, et de l'embrasser sur la tempe. Il avait toujours été plus raisonné, et plus discret aussi, à son image. Son père lui murmura un éternel pardon, et si tout à l'heure elle avait eu l'impression d'étouffée par ses frères, ce n'était rien en comparaison de sa mère qui avait la poigne la plus ferme de France.
Elle avait eu la force de confier ses anciens démons à ses parents, et ils lui avaient promis de l'aider à le mettre en prison. Mais elle avait doucement secoué la tête, elle n'en ressentait pas l'envie actuellement, elle préférait assurer le temps de sa carrière et s'en préoccuperait le moment venu. Elle s'était elle-même étonnée de son calme au vu de ses précédentes conversations à ce sujet, mais il fallait dire que l'amitié qu'elle entretenait avec Marius l'avait particulièrement adouci. En parlant de ce dernier, elle ne l'avait pas vu se faufiler au travers des agents de sécurité qui gardaient la tribune normalement réservée aux membres de sa famille et fût percutée de plein fouet par la tornade Marius, qui renversait tout sur son passage. Elle ne comprenait pas la règle d'interdire la présence de ses amis, ils avaient déjà une petite tribune au loin, mais ils étaient relativement éloignés de la piste, alors que certains comptaient plus que ses tantes et oncles, à l'instar de Marius. Son équipe était descendue à la quatrième place, ce qui l'avait profondément affecté, mais il n'en laissait rien paraître. Leur amitié se construisait au fil du temps, et demeurait la seule rescapée de toute celle de son centre d'enfance. Eden avait pris ses distances, leur caractère divergeait sur bien des points, et les filles s'étaient détournées d'elle lors de son ascension. Elles étaient jalouses de sa réussite fulgurante dans tous les domaines.
- Ma meilleure amie est championne Olympique, ça se fête non ?
Elle lui lança un regard étonné. Ils n'avaient jamais de terme précis sur leur amitié, et c'était la première fois qu'il l'employait pour les désigner.
- Oublie un peu nos limites, et pense que tu viens de gagner le Graal avec une putain de performance, j'avais jamais vu ça, tu es formidable.
- Ça, c'est parce que tu es mon meilleur ami, insista-t-elle sur les deux derniers mots.
- Douterais-tu de mon impartialité ? Les autres ont été royalement ennuyeux alors que toi-
- Vous, je ne suis pas toute seule.
- Vous, reprit-il, comme s'il n'avait pas été interrompu, vous avez été incroyable.
Depuis leur réconciliation, ils n'avaient passé que quelques mois sur les mêmes terres mais cela ne les empêchaient pas de prévoir des farces à l'autre dès son retour. Même si les paysages du Canada étaient une merveille de la nature, personne ne pouvait lui changer cet avis tranché, la France lui manquait cruellement, de par les personnes qui s'y trouvaient mais aussi par la mentalité qui n'était pas la même. Si Conrad émettait des doutes, d'autant plus qu'en se retournant, elle constata qu'Hannah était pendue à ses bras, quant à son retour, Céleste avait moins de réticences à quitter le territoire de sa formation. Mais de nombreux pays l'attiraient, elle ne resterait pas cloîtrée dans un unique pays. Elle se détacha de Marius et lui promit de vite revenir vers lui, pour se diriger vers les parents de son autre meilleur ami. Le terme n'était pas exact, Conrad n'était pas son meilleur ami, c'était encore plus intense que ça, à la limite de l'amour qu'elle portait à ses frères. Il avait abandonné sa réputation et ses principes pour elle, et la jeune femme lui devait une fière chandelle. Il l'avait conduit à son rêve ultime et avait récidivé quatre ans plus tard. Elle repensa à cette conversation dans la voiture et à sa phrase qui ressemblait à une plainte « mais je voulais la rendre fière ». S'il savait que tous ses efforts accomplis, notamment après sa blessure, ce qu'il avait dû endurer par sa faute, l'avait déjà rendu fière depuis leur première compétition. Elle était juste trop orgueilleuse pour le comprendre. Mme Schmitt, qu'elle dépassait d'une tête, lui tapa gentiment sur ses épaules, en la félicitant une nouvelle fois, et son mari la serra brièvement dans ses bras. Inconsciemment, ce qu'elle ressentait pour son partenaire, était réciproque puisque que les sentiments qu'elle n'arrivait à lui adresser pouvaient être partagés.
***
Ils avaient quittés le groupe pour se rendre au test anti-dopage obligatoire, et même si elle savait parfaitement que tout était légal dans ses médicaments, elle n'avait pas pu s'empêcher de penser au pacte scellé entre Aubray et Ducastel. Heureusement, il fût révélé négatif et la cérémonie des médailles pouvait enfin se dérouler. Elle n'avait pas seulement attendu cela pendant les quatre dernières années, mais espérait grimper sur la plus haute marche du podium depuis ses six ans. A vingt-deux ans, la jeune femme réalisait son rêve d'enfant, quand certains n'y parvenaient jamais.
Affublés de leurs manteaux aux couleurs de la France, le couple de patineurs suivit l'homme qui présidait cette remise des médailles. Les drapeaux n'étaient pas encore hissés au sommet, mais celui de la France commençait déjà à flotter distinctement. La voix, -caractéristique même des Jeux Olympiques, prit d'abord le soin d'énoncer le nom de cet homme dont elle n'avait jamais entendu l'existence, avant d'inviter les troisièmes à monter sur l'estrade rapidement installé. Ils reçurent leurs médailles, et furent salués par l'homme, le président de la fédération internationale et le président de leur pays. Le même spectacle put être observé pour les deuxièmes, qui cachèrent difficilement la tristesse qui brouillait leur vision. C'était les champions olympiques en titre, et ils ne s'attendaient pas à être délogé par des personnes aussi jeunes, même s'ils avaient largement fait leur preuve au fil du temps. Les deux amis, impatients de gravir la marche qui les séparaient de cette fierté personnelle, ne tenaient résolument plus en place. Les pieds de Céleste, heureusement cachés par l'estrade s'agitaient et son partenaire lui serrait fermement la hanche, il lui faisait presque mal. Puis, la voix annonciatrice de bonne nouvelle, retentit.
- Les médaillés d'or et champions olympiques, Céleste Haase et Conrad Schmitt.
Une émotion indescriptible traversa la jeune femme, tant d'années d'ennuis pour être sur ce podium, mais aujourd'hui, ils y étaient. Ce n'était plus seulement réaliste dans son sommeil, la nuit, mais aussi dans la vie. Une slave d'applaudissements et de cris leur fût desservi lors de leur montée sur le podium. Sans se concerter, les partenaires eurent un sourire éblouissant, sautèrent et brandirent leur bras, exhibant la force qui ne les avait toujours pas quitté. Ils avaient toujours suivi les Jeux Olympiques, et les grands athlètes avaient toujours les mêmes réactions, alors ils s'étaient secrètement entraînés dans l'espoir de pouvoir vivre cet instant un jour. Le bruit continuait, mais elle n'éprouvait aucune sensation qui fourmillait dans son ventre, maintenant que son cerveau s'était remis en état de fonctionnement, elle se doutait que ces personnes ne l'avaient pas toujours soutenu et avaient retourné leur veste. Elle-même ne savait pas ce qu'elle aurait fait dans son cas, peut-être n'aurait-elle pas cru la victime ? Sur cet instinct de doute, elle laissa tomber cet esprit moralisateur et profitait de l'ovation qui leur était consacré.
Comme chaque remise de médaille, Conrad attrapa l'objet de ses convoitises pour la décorer personnellement, et elle eut un bref sourire. Jusqu'au bout, c'était lui qui le menait à ses rêves. Elle se pencha pour la prendre du plateau sur lequel elle trônait, tel un trophée et lui mit autour du cou, les mains tremblantes. Cette scène n'avait duré que quelques secondes, mais elle garderait ce moment gravé dans son esprit à jamais. Il était l'accomplissement de six ans de travail en compagnie de Conrad, mais aussi, de dix-sept ans de développement personnel où le patinage artistique a toujours eu la place centrale dans son coeur. Elle le serra brièvement dans ses bras pour masquer les émotions qui la submergeaient, et le président leur offrit la figure officielle de cette olympiade, un adorable panda.
- Madames et Messieurs, l'hymne de la France, annonça la voix robotique.
L'apprentissage de ce chant patriotique n'avait jamais été le centre de l'attention de son collège, mais des cours étaient dispensés pour combler ce retard dans le centre. Il formait des athlètes qui étaient l'avenir du monde sportif, des champions polyvalents mais surtout des citoyens dans le devoir de savoir la réciter. Elle avait eu énormément de mal à retenir certaines paroles, surtout les passages les plus sanglants, mais après des semaines à buter sur des vers, elle était enfin en mesure de la chanter. Ils mirent leur main sur le coeur.
Pour certains, cette médaille en or était simplement un moyen de plus de briller au classement par pays, et pour d'autres, qui comprenaient l'importance et le besoin de cette médaille, c'était un soulagement que de les avoir vu l'obtenir. Mais pour eux, ce n'était pas seulement un enthousiasme débordant ni une douce euphorie, mais c'était une joie qui les avait enivré au point d'oublier tous les efforts traversés pour parvenir à monter sur ce podium. Par l'unique force de leur ambition et de leur détermination, le jury les avait jugés aptes à gagner et représenter la lignée des couples médaillés de ce prix prestigieux. Alors les yeux fixés vers l'avenir, vers leur prochaine bataille, ils entonnèrent cette hymne devenue populaire.
La jeune femme omit les difficultés. Cette victoire aux Jeux olympiques lui importait tellement, que main dans la main, avec son partenaire, ses seules pensées cohérentes étaient dirigées vers la prochaine olympiade. La fierté éprouvée pendant l'hymne de tout un pays, de leur pays, qui leur avait fait confiance pour porter fièrement et haut les couleurs de la France, avait anesthésié sa douleur. C'était éphémère, un moyen de diversion pour effacer la brûlure qui la saisissait à chaque contact, comme le halo de lumière qui les entourait subitement après leur consécration, mais cela lui suffirait.
Céleste avait renversé les prédictions, balayé les rumeurs et surmonté les obstacles.
FIN
***
Mon histoire est finie... ( même s'il reste néanmoins les bonus, heureusement !)
Elle aura été dure à écrire, m'aura fait galérer sur quelques chapitres parce que je trouvais pas les mots pour décrire ma petite Céleste, mais plutôt rapide compte tenu des statistiques (j'en ferai un chapitre dédié, ainsi qu'à mes inspirations). Ce que je peux dire aujourd'hui, c'est que sans cette histoire, finir l'année scolaire dernière aurait été infiniment plus compliquée, et je ne serais pas comme je suis actuellement. (c'est très flou, oui oui)
Pour la petite anecdote de fin du chapitre, j'ai fini ce chapitre le 14 juillet, d'où le petit instant patriotique, mais je le trouvais assez important donc je l'ai laissé ahah.
Encore merci pour les gentils commentaires pour certains, pour les j'aime, et même simplement d'avoir pris le temps de lire cette histoire. 🥰❤️
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