17 - Confrontation douloureuse
Chapitre 17 : Confrontation douloureuse
Céleste Haase suppliait Félix et ses parents afin qu'elle n'assiste pas à l'évènement ultra-médiatisée qui animait le monde du patinage artistique. La conférence organisée en l'honneur de la fin de saison et des ambitions que le club possédait en terme de victoire qu'il comptait conquérir, s'annonçait ennuyeuse puisqu'elle en serait l'actrice principale sans le vouloir. C'était l'idée de Mr Aubray, qui semblait nerveux à chaque minute passée, on lui prévoyait un discours essentiel pour sa carrière mais les adultes refusaient de lui donner plus de détails. Il affirmait que si la patineuse se comportait convenablement au cours de l'entretien et qu'elle donnait suffisamment d'articles aux journalistes, elle pourrait réintégrer l'élite au sein des fans. Céleste n'était pas dupe, ni naïve, mais une part au fond d'elle, espérait que ce qu'il disait se réaliserait. Son compte Instagram se retrouvait inondé de message haineux distribués par des jeunes admirateur de ce sport. Pourtant, Félix lui avait conseillé de reprendre doucement son activité sur les réseaux sociaux pour démontrer sa bonne foi malgré les circonstances, mais cela restait plus dur à faire qu'à le dire.
Un soir, alors qu'elle scrollait ses anciennes photos postées de ses entraînements, elle avait remarqué que les likes avaient tout de même augmenté, malgré l'incident. Plus de milles sur chacun de ses posts, ce qui la rendait plus populaire qu'auparavant. Sa mère lui avait longtemps refusé l'accès à ces nouvelles technologies, connaissant sa fille et le rapport de comparaison que cela pourrait engendrer, mais avait cédé quand elle avait entendu les arguments de Ludmila. C'était un outil puissant pour acquérir des sponsors en un temps record et inciter les gens à la suivre. Céleste avait sauté sur l'occasion, et gérait maintenant seul un compte de plus d'un million d'abonnées. Peu de selfies, pratiquement que des vidéos sur les progrès qu'elle avait accompli et des extraits de ses deux programmes. Quelques photos de ses vacances, qu'elle conservait tant bien que mal dans la sphère privée et des posts sur les évènements auxquels elle assistait. Ce qui l'amusait le plus dans la gestion de ce compte, c'était de constater les centaines de petites filles qui lui envoyaient chaque semaine plusieurs messages, elles semblaient désespérées de voir que leur idole ne leur répondait pas.
Étant élevée à l'écart des réseaux sociaux, Céleste ne comprenait pas l'engouement autour des personnes sur Instagram. Elle ne se plaignait pas de sa posture au sein de cette toile immense, mais ne tentait pas d'être dans l'esprit des gens, trop complexes pour ce que cela lui rapporterait.
Céleste zigzagua entre les différents journalistes pour atteindre la zone réservée aux sportifs, où attendaient ses anciennes coéquipières, et son partenaire actuel. Certains certifiaient que la rivalité empêchait toute amitié, et qu'aucun sport n'était exclu de ce système intense de concurrence. Céleste avait toujours su éviter les questions qui la mettaient mal à l'aise et où son avis n'était pas tranché, comme l'amitié. Elle n'assurait pas qu'une carrière soit une longue course tranquille au talent, mais dans les coulisses, les patineuses s'adressaient tout de même des signes d'encouragement. Sur la glace, lors de l'échauffement collectif, aucune parole n'était prononcée entre elles, pour ne pas les déstabiliser. Il y avait une limite à l'amitié, si cela pouvait être appelé de cette manière.
Sa concurrente directe, Hannah Søndergaard, partageait d'autres centres d'intérêt que leur sport en commun avec Céleste, et il leur arrivait d'échanger brièvement sur instagram. Elles apparaissaient souvent à deux dans les compétitions, la française constamment sur la plus haute marche du podium, directement suivie par la danoise. Hannah n'était pas quelqu'un d'insupportable comme elle l'avait prévu lors de leur rencontre, et le courant amical était aussi bien passé que leurs coachs le permettaient. Les deux filles disputaient beaucoup de championnats en commun, les européens juniors comme les mondiaux, et leur côte grandissait au fur et à mesure qu'elles souriaient sur les posts et interviews de l'autre. Leur compte, pendant la période de toutes les compétitions, se trouvaient inondé de photographies à plusieurs, passant de l'équipe nationale aux concurrentes, ils n'avaient jamais été aussi variés. Mais voilà que depuis l'incident, aucune nouvelle d'Hannah, ce qui la laissait amère.
- Céleste ! Céleste, on te cherche partout, ne pars pas sans prévenir, s'égosilla sa mère, qui resserrait un châle autour de ses épaules.
Le printemps avait apporté des températures saisonnières mais sa mère restait une adepte du foulard par prévention, et en portait systématiquement un avant de sortir. Elle criait sur le personnel, qui faisait mal son travail selon elle, et ordonnait à toute sa tribut de se tenir correctement, autrement il y aurait des représailles. Céleste n'eut pas le courage d'affronter sa mère pour lui signaler qu'ils étaient tous suffisamment âgé pour savoir se comporter de manière correcte et se destina à s'assoir à sa place attribuée. La famille au complet s'était réunie, une première en cinq ans. Les plus grands avaient pris leur semaine pour passer du temps en famille, et les lycéens leur week-end, pour ne pas en entendre parler pendant des années. Sa grande sœur se jeta dans ses bras, et elle soupçonna une requête. C'était celle qui lui ressemblait le plus, réservée, franche et froide de prime abord, mais un ange quand elle aimait quelqu'un.
Félix apparut, les cheveux en pétard de courir après toutes les recrues censées être autour de la table d'interview, et salua gentiment les parents de Céleste. Ils faisaient partie de son bon salaire et ne pouvait pas se permettre de les négliger. Par un hasard trafiqué, Céleste était persuadé, elle fût coincée entre Conrad et Eden, l'un affichant son air blasé par excellence et l'autre n'osait pas regarder sur sa droite. La grande famille des patineurs, comme les appelait autrefois Ludmila, était rassemblée sur la droite et Céleste clôturait la lignée des neuf patineurs présents à cette conférence de presse. Eden, Marius, son suppléant, Margot et la vice-capitaine de l'équipe de short-track et deux licenciés du groupe curling avaient pris place du côté gauche. Eden déchirait sa serviette en papier, dans l'espoir que son trouble soit mis sur l'effet du stress, mais Céleste n'ignorait pas la raison. La dernière fois que les deux adolescents s'étaient vus et parlés, la patineuse artistique avait pris peur et s'était mise à courir. Il voulut lui dire quelque chose, mais au même moment, Félix les prévint que les journalistes allaient arriver, et que l'unique consigne à respecter, était de se taire pour qu'ils ne s'imaginent pas de fausses histoires.
Conrad replaça sa mèche qui tombait sans cesse, Esther et Florence se lançaient des regards quant à l'attitude de leur amie et du capitaine de l'équipe de hockey, et la principale intéressée réglait un problème survenu sur son micro. Félix l'y aida, lui adjurant d'être calme, de rester volontairement vague sur certains sujets précis dont ils avaient longuement débattu et de ne pas être insolente comme à son habitude. Profitant du fait qu'il soit dissimulé des journalistes par Félix tourné, Eden s'autorisa une remarque.
- Vous en connaissez un rayon sur l'art de ne pas expliquer clairement les choses, commenta méchamment Eden.
Le vous sous-entendait les patineurs en général, additionné aux entraîneurs et Céleste n'appréciait pas qu'il mêle cette grande famille à leurs histoires. Il reçut un regard noir de sa part et une mise en garde de Félix. Ce dernier soupira, las des problèmes de coeur du centre et s'en alla s'assoir sur la chaise qui lui était destinée.
- Comment appréhendez-vous la nouvelle saison ?
- La saison passée ne nous a pas été favorable, nous venions tout juste de recruter nos athlètes et ne nous a, par conséquent, pas rapporté d'immense succès. Je place toutes mes ambitions dans la saison prochaine, qui verra fleurir des espoirs nationaux.
Mr Aubray s'était intentionnellement placé au centre, entre son fils qui gesticulait de mal-être et Félix qui caressait son menton imberbe, et encadrait l'ensemble de tous ses licenciés. Les yeux de tous les journalistes balayaient les jeunes sportifs, mais la plupart s'attardait sur Céleste, qui arrachait des peaux du bout de ses ongles rongés. Florence récoltait plus de photographies, certains journaux misaient sur la diversité ethnique plutôt que sur la tendance du moment, pour le plus grand bonheur des deux filles. Quelques moqueries dès l'enfance, Florence n'y prêtait plus attention et était extrêmement fière de sa couleur de peau. Elle répliquait toujours que personne ne la confondait jamais, et qu'elle permettait de graver les esprits. Malgré un grand respect pour Esther, Céleste reconnaissait à juste titre les revendications de Florence. Esther, à moins d'arriver à battre certaines filles qu'elle n'avait jamais vaincu, ne rentrerait pas dans la mémoire des personnes et serait vite oubliée.
- Que regrettez-vous de cette saison ? La défaite de l'équipe de hockey ? La perte de la partenaire de Conrad Schmitt ? L'élimination en demi-finale du short-track junior ? Le scandale lié à Céleste Haase ?
- Je ne regrette rien. Comme je le disais, ce que vous avez évoqué concerne de jeunes sportifs qui ont encore du temps devant eux pour montrer de quoi ils sont capables.
- Conrad Schmitt n'est plus une nouvelle recrue, et n'apporte pour autant pas de très bons résultats, envisagez-vous de l'exclure du programme élitiste que vous défendez ardemment ? questionna le journaliste, prenant des notes.
A la mention de son nom, ce dernier se redressa pour paraître plus sérieux et impliqué que ce qu'il n'était jusqu'à présent, avachi dans sa chaise. La question dérangea Mr. Aubray qui cherchait les bons mots afin de ne pas influencer la décision qu'il tentait de prendre depuis plusieurs semaines. Conrad s'était tendu et tapait nerveusement le sol du bout de sa chaussure, dans un rythme régulier qui se calquait sur sa respiration. La dernière fois qu'ils avaient abordé le sujet ensemble, le garçon lui avait avoué que sa position était délicate et qu'elle était sa dernière chance pour espérer faire de sa passion un métier. Elle se souvenait de ce moment, c'était la première et la dernière fois que son partenaire lui avait laissé entre-apercevoir ses faiblesses, fragilisées par les annonces de Mr Aubray, quant à une possible exclusion.
- L'exclusion n'est plus au programme depuis qu'il a une nouvelle partenaire.
Le journaliste changea, c'était désormais une femme concentrée et plongée dans ses notes afin d'être certaine de ce qu'elle voulait savoir. Elle remonta ses lunettes, se racla la gorge car des hommes avaient visiblement trouvé cela marrant de parler alors que c'était son tour et débuta ses trois questions. Le nombre avait été limité afin de respecter le temps de parole de chacun.
- La question concerne l'équipe de patinage artistique. Depuis la nouvelle quant au dopage affirmée de Céleste Haase, l'ambiance a-t-elle changé ? Vous apparaissiez complice lors des championnats.
Quelques secondes furent nécessaires pour décider qui parlerait, et la lourde tâche fût confiée à Esther, une justicière dans l'âme qui saurait exactement ce qu'il fallait dire.
- Nous sommes tous extrêmement chargés, par les compétitions et les examens, alors nous avons moins le temps de se voir. Mais je ne pense pas, Céleste reste la même personne, avec un défaut en plus, mais croyez-moi, la liste était déjà longue, ironisa son amie.
La salle fût secouée d'un petit rire et la journaliste nota le tout sur son calepin, un sourire dessiné sur ses lèvres maquillées de rouge à lèvres. Ses parents avaient insisté sur l'importance de se montrer soigneusement préparée, mais la patineuse avait catégoriquement refusé de s'appliquer du maquillage pour de vulgaires journalistes. Le seul moment où elle en mettait avec plaisir était pour ses représentations.
- Après Livia Romano, a-t-il été dur de s'adapter à Céleste Haase ?
- Oui. Elles ne font pas le même poids, n'ont pas le même gabarit et le même rapport vis-à-vis du patinage de couple. Livia avait plus d'expérience, mais Céleste apprend plus vite que moi je ne l'ai fais, alors cela reste une aventure enrichissante.
Céleste mémorisa le compliment fait devant des dizaines de journalistes et se promit de le lui rendre un jour, quand elle saura mettre son égo de côté.
Les questions s'enchaînèrent, sans qu'il n'y est forcément de rapport entre-elles. Elles s'intéressaient tantôt à l'élimination équipe de short-track, tantôt à Eden et sa façon de gérer le fait d'être le fils du directeur. Les journalistes se succédaient eux aussi sans qu'aucun ne parviennent à capter son attention plus de deux minutes. Les yeux dans le vide, elle écoutait d'une oreille distraite si son nom était mentionné, et quand c'était le cas, elle se redressait, pour avoir l'air impliqué. Mais en règle générale, ils s'adressaient à d'autres personnes. On ne l'impliquait pas davantage, ce qui lui convenait.
C'était avant de croiser le regard d'Elijah O'brian. Ce journaliste qui lui avait posé les questions qui blessaient, qui ne la lâchait jamais, semblant obsédé par l'affaire. A chaque nouvelle rencontre, ses yeux étaient plus perçants, et le coup d'avance qu'il possédait s'était transformé en trois coups. La désagréable sensation, mélange d'une forme d'humiliation et d'infériorité, qui s'emparait d'elle à chaque affrontement entre la vérité et cet homme, venait de la saisir. Elle pourrait disparaître qu'il continuerait à fouiller et à remuer son corps en quête de réponse.
- N'avez-vous pas peur que les juges sous-notent le couple suite à l'incident ?
- Il est en effet possible que nous ayons affaire à ce genre de pratique. Mais je pars du principe que le jugement est censé être effectué par une personne apte à être objective en toutes circonstances. Donc je ne l'espère pas.
Le ton de Mr Aubray se voulut ferme mais la dernière phrase n'avait pas été prononcé de manière aussi convaincante qu'il ne le désirait. Sa voix s'était légèrement cassée, comme s'il était au courant de ce qui arriverait à ses recrues une fois lancé dans les arènes infernales. Oui, c'est cela, Céleste avait l'impression que la conversation ne concernait que des animaux, pas des êtres humains. Céleste mordait sa langue pour ne pas rétorquer une réplique acerbe. La tournure des évènements ne lui plaisait pas et Conrad le sentit, car il la supplia d'un regard de ne pas faire de vagues. Mais c'était plus fort qu'elle, les démonstrations cupides de ce genre n'étaient pas sa tasse de thé.
- Je ne minimise pas les gestes de Céleste, ils sont intolérables et donnent une image négative du sport. Mais peut-être qu'elle pourrait nous éclaircir en nous expliquant les raisons de son acte ?
Depuis le début, personne n'avait songé à lui demander ce qui l'avait motivée à commettre cet acte irréparable. On l'avait toujours sauvagement accusé, la traitant pareillement à une bête de foire. Son intervention avait eu le mérite de l'intriguer et elle releva la tête, consciente que tous les regards étaient tournés vers elle. Elijah l'invitait à s'expliquer, à regagner le coeur de ses admirateurs, son regard l'incitait à partager ce qu'il l'avait poussé, mais elle n'en était pas capable. Pourquoi Ludmila Zhukova n'était-elle plus présente dans sa vie ? Cette femme, était certes froide et peu agréable, mais elle savait toujours comment répondre, comment formuler ses phrases.
- Je me suis blessée à un entraînement, une chute qui m'a valu des jours de repos et malgré ça, mon entorse ne guérissait pas suffisamment vite, je ne pouvais pas être arrêtée plus longtemps, alors on m'a prescrit des anti-douleurs, avoua Céleste, la tête haute.
Un sourire effleura les lèvres d'Elijah, fier de sa question. Mr Aubray, quant à lui, hésita dans sa réaction. Son explication paraissait plausible, mais certains journalistes haussèrent les sourcils, peu certain de la véracité de ses propos. Conrad souriait.
- En effectuant des recherches pour cette conférence, j'ai trouvé des informations quant à votre précédente patinoire de prédilection, qu'est-il arrivé pour que vous déménagiez, votre famille et vous ?
Son corps s'agita de tremblements perceptibles uniquement pour ceux à ses côtés, et ses mains, selon les parcelles qu'elle arrivait à atteindre, saignaient légèrement, à force de les pincer pour espérer que quelqu'un réponde à sa place. Ses parents avaient baissé les yeux sur le sol en céramique, et Céleste se retrouvait seule devant une décision d'adultes, forcée de grandir avant l'âge. Conrad posa une main affective sur la jambe de la jeune fille pour la forcer à se calmer. Son état n'était pas compatible à l'idée qu'on se faisait de cette reine de glace.
- On a eu des problèmes.
Les questions étaient normalement limitées à trois, mais personne ne pensa à interrompre ce journaliste trop curieux qui démantèlerait vite la vérité. Même Mr Aubray, qui se caractérisait pourtant par une minutie équitable des règles ne trouva rien à dire pour le faire taire. Il avait conscience des soucis qu'il engendrait avec ses sous-entendus, mais faire marche-arrière était désormais impossible.
- Quel genre de problème ? Des coachs trop insistants ? Une discipline exigeante ?
Sa bouche était affreusement sèche, et chaque syllabe lui coûtait une parcelle de fierté envolée dans la nature. Céleste ne désirait qu'être loin de cette salle, et penchait même sur l'option haine gratuite provoquée par les réseaux sociaux plutôt que d'être épiée à chacun de ses mouvements par des journalistes avides de faux pas. Elijah ne la lâchait pas du regard, alternant parfois sur Conrad, mais toujours vissé sur l'un des deux partenaires et faisait les cents pas, passant pour la sixième fois devant la caméra centrale qui diffusait la conférence. La raison de sa tenue comme une petite fille modèle ne se résumait pas à cette pièce remplie d'hommes et de femmes pouvant gâcher sa carrière, mais se trouvait aussi sur le live lancé pour retranscrire aux fans et aux professionnels étrangers.
- J'étais devenue trop forte pour mes anciens entraîneurs, dit-elle, en essayant de ne pas trembler.
Sa réponse suscita des réactions diamétralement opposées, les uns estimant que c'était la stricte vérité, son talent phénoménal provenait de sa tendre enfance, et les autres la blâmaient pour sa confiance en soi débordante. Quoi qu'elle dise, on lui tomberait toujours dessus.
- N'était-ce pas plutôt à cause de votre père, ce brillant entraîneur qui a étrangement tout laissé tombé lorsqu'une jeune adolescente a déposé plainte contre lui suite à des violences sexuelles non consenties et répétées ? demanda Elijah, en croisant les bras.
Céleste demeura paralysée, incapable de produire le moindre son et encore moins d'esquisser un quelconque geste. L'accusation était trop grave et la dépassait. Elle ne supportait pas d'entendre ces atrocités qu'on lui avait un jour asséné. Ses parents n'en avaient jamais ouvertement parlé devant leurs enfants, mais la seule idée qu'elle avait pu saisir était que son père avait effectivement eu un rapport avec une mineure, mais qu'elle avait donné son consentement. C'était au moment où il désirait arrêter, quand sa mère était sur le point de découvrir l'histoire, la jeune femme l'avait menacée. Il ne l'a pas prise au sérieux et la date du déménagement avait été rapprochée. Elle ne voulait pas y croire, elle fondait trop d'espoirs sur son père, mais ayant été à la place de la présumée victime, elle savait que le stade de la plainte n'aurait jamais dépassé l'audition orale, elle avait aussi eu toute confiance en son entraîneur. Son visage était rongé par la culpabilité de ne pas réussir à défendre son père, et l'impossibilité à parler continuait au fur et à mesure que les journalistes exprimaient leur mécontentement.
Conrad, qui avait pourtant été très clair lors d'une discussion avec Félix et elle, se leva et tapa du poing sur la table. Il surplombait la scène, étant le seul debout, et les journalistes se calmèrent afin d'écouter ce qu'il avait à dire.
- Abuser de son élève est un acte inadmissible. Impardonnable et qui doit être punie. Mais la conférence nous concernait nous, pas ses parents et pas des gens extérieur. La plupart des questions tournaient autour de cette affaire, alors qu'elle traitait de ce qui nous attendait à l'avenir. Pas du scandale. Les journaux en réservent une place déjà suffisamment importante pour ne pas envenimer la situation. Je le répète, Esther a tout à fait raison, elle a beaucoup de défauts, mais c'est une chance de travailler à ses côtés.
La déclaration de Conrad eut pour mérite de faire sourire la jeune fille et de lui arracher deux larmes translucides, qu'elle sécha immédiatement. Esther applaudit à l'audace du garçon, vite imitée par ses camarades, dont Eden, qui lui adressa un pouce en l'air. Félix donna une grande tape dans le dos de son élève et Mr Aubray cacha difficilement son trouble. Cette conférence avait été tout le contraire de ce qui était attendu, mais pour la première fois, Céleste se ficha de son image. Conrad avait eu le courage de défendre ses opinions dans l'intérêt de sa partenaire, et non du sien. Son comportement changeait souvent, mais pour une fois, elle ne trouva rien à redire.
- Il a raison. Plutôt que de chercher des agresseurs en vain, chercher des victimes.
Les journalistes notèrent tous cette phrase pour leur gros titre, mais personne ne prit le temps d'en saisir la signification. Même ses compères fêtèrent dignement la fin de cette séance de torture. Personne n'appréciait réellement cet exercice, mais on forçait les élèves à se montrer, pour attirer les sponsors. Mr Aubray fût le dernier à se lever, mais son air était grave. Il toussota pour attirer les caméras, et releva les yeux pour les planter dans ceux d'un quelconque jour.
- Je voulais vous faire part de mon départ. J'assurerai la direction le temps de former mon successeur, puis je quitterai le monde du sport. Il m'a beaucoup apporté, mais je pense qu'il est temps de partir. Je serais toujours éternellement reconnaissant de toute les personnes que j'ai pu côtoyé pendant ces années. Merci.
Elle écarquilla les yeux devant cette annonce et eut un mouvement de recul.
Décidément, cette journée n'était pas de toute repos.
***
Bonjour ! Ça va ?
Les journalistes sont vraiment sa bête noire, mais ça peut se comprendre !
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