Le réveillon de Noël II - Partie II
Inès se leva du canapé pour faire entrer son père, sans se douter une seule seconde qu'il était accompagné d'une jeune femme de son âge.
Elle traversa le couloir, une quantité de remords insoupçonnables dans la tête. Après tout, cela faisait cinq ans qu'elle n'avait pas vu son père. Il n'avait jamais vu Côme, il n'avait pas pu partager des moments de joie tels que les anniversaires, les Noël, les jours de l'an, etc.
Elle fut sérieusement en colère qu'il coupe les ponts, simplement à cause du divorce. C'était tellement absurde. Côme n'avait jamais pu rencontrer son grand-père. C'était intolérable de son avis. Mathéo l'avait réconfortée et lui avait donc proposer de l'inviter à nouveau. Seulement, les invitations furent toutes repoussées jusqu'au réveillon de Noël, pile le soir où Valérie et son nouveau mari étaient aussi invités. Quant au lendemain midi, Léopold ne pouvait pas non plus venir manger puisqu'il partait toute la journée chez un neveu.
Inès prépara alors sa main à attraper la poignée de la porte qu'elle ouvrirait avec un (faux) grand sourire. La respiration un peu plus rapide dû au stress, elle tira la porte vers elle. A la vue de Nadiya, ses yeux s'écarquillèrent, sa respiration se bloqua et son corps se figea telle une statue. D'ailleurs, la jeune invitée surprise s'exclama en tapant dans ses mains :
- WOUAH ! C'est une statue qui nous a ouvert ! Incroyable !
- Nadiya. C'est Inès, ma fille.
- Oh. Elle est mime dans la vie ?
- Papa... osa alors dire Inès... Rassure-moi... C'est une sœur cachée hein ? T'as trompé maman il y a plusieurs années et tu as rencontrée cette fille récemment hein ? Dis-moi que c'est ta fille...
- Voyons Inès. Jamais je n'ai trompé ta mère.
- Ne me dis pas...
- Nadiya est ma fiancée.
Inès eut l'impression de se prendre un camion dans la figure. Ses yeux se levèrent du côté de Nadiya qui, toute souriante, présentait toutes ses dents avec fierté. Cette dernière vint alors à sa rencontre pour lui faire la bise et retourner au côté de Léopold et le prendre par la main.
- Tu sais Inès, je suis très heureuse d'être ta future belle-maman.
- Belle-maman... répéta la brune complètement abasourdie. Belle-maman... Belle-ma... Ma... Maman... Maman ! Maman !!
- Non tu sais Inès, je suis seulement en couple avec ton papounet chéri mais je ne suis pas ta maman. Par contre je serai bientôt ta belle-maman. Belle-ma-man, articula-t-elle ensuite.
- Non mais pas toi ! râla l'hôtesse en tournant les talons afin de rejoindre les autres invités dans le salon, suivie de Nadiya et de Léopold qui avait refermé la porte d'entrée à clef derrière lui.
Leur entrée se fit plutôt silencieuse. Même très silencieuse. Si vous écoutiez bien, vous pouviez même entendre le rouge à lèvres de Juliette glisser sur ses lèvres (logique). Seule une phrase sortie tout droit de la bouche et des profondes pensées de Valérie, déclarant la guerre entre le couple Poulain et le nouveau couple Ginger :
- C'est qui cette pouffe ?
- Non mais allô, tu t'es vue la vieille ? rétorqua la blonde en avançant, prête à lui faire la peau.
- La vieille !? s'énerva Valérie en ouvrant grand sa bouche.
- OH ! cria Inès, surprenant alors Côme qui sursauta et se tourna vers sa mère. SI C'EST POUR REDÉMARRER UNE DISPUTE CE N'EST MÊME PAS LA PEINE, VOUS DÉGAGEZ ! C'EST BIEN COMPRIS !?
- Non mais elle me parle pas comme ça elle ! poursuivit Nadiya, vexée et déjà sur les nerfs.
- Nadiya, calme-toi ma chérie. Inès a raison. Ne nous énervons pas pour si peu.
- Oui, intervint Elsa. Nous sommes tous réunis ici pour passer un bon réveillon de Noël. Et puis Inès a encore donnée tout ce qu'elle pouvait pour faire cette magnifique décoration et personne ne semble l'avoir remarqué, s'indigna Elsa avec une honnêteté qu'Inès trouva très étrange.
En plus, il était vrai qu'Inès avait clairement pris du temps pour décorer la maison et permettre aux invités de s'immerger directement dans une ambiance de Noël. Ravie d'avoir été complimentée, elle remercia sa belle-sœur et proposa aux derniers arrivés de s'installer sur des chaises pour l'apéritif. Seulement, Thomas était encore pas mal perturbé depuis l'arrivée de son père et de Nadiya.
- Inès ? Je peux te parler trente secondes ?
- Euh... Oui. De toute façon je dois aller dans la cuisine, tu m'aideras à ramener les gâteaux.
L'homme se leva du canapé, enjamba pieds et autres obstacles du sol, accompagnant ainsi sa petite-sœur. A l'abri des regards et des oreilles, il put alors lui demander :
- C'est qui cette Nadiya ?
- Apparemment la fiancée de papa... marmonna Inès entre ses dents qui n'arrivait toujours pas à y croire.
- Quoi... !? Mais c'est pas possible... Elle a quel âge !?
- J'en sais rien. Mais ne fais pas de remarque à papa, il serait capable de te dire que l'amour n'a pas d'âge. Je pense qu'elle est surtout là pour le fric. Tiens prends ça, lui demanda-t-elle ensuite en lui tendant une coupole de gâteaux apéritifs faits maison. Et sinon toi et Elsa ? Ça se passe bien ?
- Très bien. Je compte bien l'emmener fêter le Nouvel An à l'île Maurice. Ça fait un petit bout de temps que j'économise exprès et qu'une amie m'aide un peu financièrement. Tu sais... Marie.
- Ah oui Marie ! Ça fait super longtemps ! Quinze ans un truc comme ça... Comment elle va ? Vous étiez restés en contact ?
- Très bien. Elle s'est fait rousse, ça fait bizarre... Et... En fait elle m'avait envoyé son CV et sa lettre de motivation pour travailler dans ma boîte et on s'est seulement reconnu lors de l'entretien... Au début je pensais juste à une coïncidence lorsque j'ai vu son nom... Des Marie Leroy, on en trouve beaucoup en France.
- C'est dingue ça quand même...
- Par contre Elsa n'est pas au courant, donc garde ce que je viens de dire pour toi.
- D'accord.
Enfin, la petite fratrie se décida à regagner le salon. Ils déposèrent les mets sur la table tandis que Mathéo servait les boissons en discutant avec sa mère, Diane. Philippe discutait avec Iris à propos de la médecine, Juliette jouait avec Côme en lui racontant toutes ses péripéties avec Elyan, son amoureux et le reste des invités essayait d'en savoir plus sur Nadiya. Thomas et Inès se regardèrent avec désespoir. Ils ne voulaient d'une telle femme comme belle-mère, cela leur ferait beaucoup trop bizarre. Après tout Nadiya avait l'âge d'Inès. En plus, la brune se demandait comment son père avait pu tomber amoureux d'une femme pareille. Entre sa mère et Nadiya, il y avait beaucoup trop de différences. Nadiya était jolie, certes, mais son père n'aurait jamais été en couple pour un physique uniquement.
Inès soupira et posa son regard sur la table. L'agacement prit place dans sa tête en remarquant quelque chose. Elle avait oublié des gâteaux au four qui n'avait apparemment pas sonné.
Elle se redirigea donc dans la cuisine, cette fois accompagnée d'Elsa qui voulait l'aider. Cette dernière dit alors :
- Côme est vraiment mignon et gentil. Il est en grande section non ? Ça se passe bien ?
- Oui, il aime bien la maternelle. Et Juliette ?
- Elle est impossible depuis le début de l'année scolaire. Elle veut déjà un téléphone parce que sa copine Manon en a reçu un à son anniversaire... Et puis ne parlons même pas de son amoureux... Insupportable celui-là. Il se prend pour un bad boy.
- A dix ans je ne savais même pas ce que ça voulait dire "bad boy"... Mais dis donc, elle se maquille fréquemment ?
- Tous les jours... Elle veut être "maquilleuse professionnelle" comme elle le dit si souvent.
- Ah...
- Hum... Je voulais te demander Inès... reprit Elsa avec timidité. Tu ne connaîtrais pas une femme... rousse par hasard qui côtoie aussi Thomas ?
Marie Leroy revint dans la tête de la brune. Elle mordit sa lèvre inférieure automatiquement, chose qu'elle faisait dès qu'elle ne savait pas quoi répondre. Le visage d'Elsa sembla se décomposer face à sa réaction. Se sentant toute molle, elle posa ses fesses sur la table de la cuisine.
- Il me trompe hein... ?
- Hein ? Non non !
- Et pourquoi pas ? Il y a cinq ans, j'ai bien failli tout faire foirer avec Paul. Il pourrait très bien se venger...
- Mais non pas du-
- Et puis cette fille est bien plus jolie que moi. Ça me semblerait plus logique qu'il aille voir ailleurs...
- Mais Elsa-
- Pourtant je fais tout pour arranger les choses...
- Elsa-
- Même lui m'oblige à ne plus voir mes amis par peur que je le trompe à nouveau ! Tu te rends compte Inès ? J'ai commencé à travailler pour lui, je m'occupe de tout à la maison, je veux qu'il soit fier de moi et qu'il reprenne confiance en moi ! Et lui ? Il va voir ailleurs !
- Je peux en placer- essaya encore Inès avant de se faire de nouveau interrompre.
- Je n'arrive pas à croire qu'il ose me tromper... C'est vraiment... Après notre dispute à propos de Paul il y a cinq ans... Je pensais qu'il était honnête et fidèle...
- Elsa enfin ! Tu peux me laisser parler maintenant !? Je n'ai jamais dit que Thomas te trompait avec cette femme ! Si ça se trouve, ils sont juste amis ! Arrête de flipper pour rien, râla Inès en sortant les gâteaux du four.
- Et puis il y a Mathéo aussi...
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a encore avec Mathéo ?
- La semaine dernière je l'ai vu entrer dans le bâtiment de pôle emploi. Je ne savais pas qu'il avait perdu son travail le pauvre...
Inès rit jaune. Mathéo ? Perdre son travail ? Impossible. Il l'aurait prévenue. Elsa se trompait forcément de personne. A moins qu'elle ne souhaite passer une mauvaise soirée encore une fois. En tout cas, cela ne pouvait pas être pire que le réveillon d'il y a cinq ans.
- Ne dis pas n'importe quoi, soupira simplement Inès en roulant des yeux. Mathéo n'est pas au chômage.
- Et bien alors que faisait-il à pôle emploi ?
- Tu t'es sûrement trompée de personne.
- Ah non... Quand je l'ai interpellé, il s'est retourné et lorsqu'il m'a vue, il est parti en courant.
Inès en avait oublié sa capacité à respirer. Ce n'était qu'une coïncidence. Cela ne pouvait pas être autre chose qu'une simple coïncidence.
- N'importe quoi... Retournons dans le salon.
- Inès, je ne te mens pas, je te le promets.
- Oui bah occupe-toi de tes problèmes et après on parlera des miens.
Inès attrapa l'assiette dans laquelle les gâteaux légèrement grillés étaient empilés les uns sur les autres, puis retourna avec les invités sous l'œil désarçonné d'Elsa.
Quand elle put enfin se poser sur son siège, Inès se rendit compte de l'absence d'Iris. Curieuse, elle demanda à Mathéo :
- Bah elle est où ta sœur ?
- Aux toilettes.
- Ok... souffla Inés avant de revenir sur un sujet qui la perturbait quand même un peu. En fait... Ça se passe bien au travail... ? On en parle jamais...
- Euh... Eh bien ce n'est pas vraiment le moment d'en parler tu sais ? On est censé faire la fête... De la musique... On n'a pas mis de musique !
Mathéo se leva de son siège alors qu'Inès le suivait des yeux avec un air dubitatif. Et si c'était vrai ? Et si Elsa avait raison ?
Non, c'était impossible. Il l'aurait prévenu. Ce n'était pas grave de perdre son travail, du moment qu'on se remettait en selle. La preuve, il allait à pôle emploi. Il n'avait pas abandonné l'idée de travailler, c'était le plus important.
Du côté de Mathéo, le calme était devenu tempête. Pourquoi Inès avait-elle parlé travail ? Elle n'était tout de même pas au courant, si ? Mais comment ? Par qui ? Elle l'aurait suivi ? Elle aurait rencontré son ancien employeur par mégarde ? Non. Elle ne le connaissait pas. A vrai dire quand il avait perdu son emploi, il avait été très choqué et très énervé. Il était sortie de la petite entreprise en hurlant sur tout le monde et en claquant la porte avec suffisamment de puissance pour qu'une fissure apparaisse sur la vitre.
Après cela, il avait longtemps marché dans le froid de décembre pour se détendre et réfléchir à une solution. Alors, pôle emploi lui avait ouvert ses portes avec la magnifique remarque : "Vous savez si vous touchez le chômage, vous gagnerez plus que si vous travailliez !" avec un évident : "Vous savez si vous aviez d'autres enfants, vous toucheriez aussi pas mal d'argent...". Encore plus énervé, il avait précisé que sa femme n'était pas une poule pondeuse et avait demandé à parler à quelqu'un d'autre.
Soudain, il comprit. Elsa. Cette dernière l'avait interpellé un beau jour alors qu'il se rendait à pôle emploi. Elle l'avait sûrement dit à Inès, qui maintenant avait des doutes sur lui. Il devait absolument lui parler sauf que, surprise, il se fit bousculer par une furie. Ou plutôt par Nadiya qui s'empressait de sortir du salon pour répondre au téléphone. Ses repères retrouvés, il se dirigea cette fois vers la femme de son beau-frère, sauf que cette fois-ci, ce fut à Iris de lui rentrer dedans. Les poings serrés, il se tourna vers elle et s'exclama :
- Mais qu'est-ce que je vous ai fait bordel !?
- Hep, du calme frérot. Je t'ai pas vu, ok ? Oh mince j'ai oublié mon téléphone aux toilettes. Je reviens.
La jeune femme repartit, laissant Mathéo les bras ballants.
- Tu vas bien mon chéri ? l'interrogea Diane, sa maman. Tu m'as bien l'air sur les nerfs. Quelque chose ne va pas en ce moment ?
- Si si, tout va bien.
- Ça se passe bien au travail ?
Mathéo ferma les yeux, en train de se demander si tout le monde était à courant de sa situation et essayait de le faire craquer. Sa tête devint de plus en plus écarlate, ses dents mordaient - à la limite de la férocité - ses joues innocentes et ses mains se refermaient en deux poings dont les jointures devenaient presque totalement blanches.
- Mais qu'est-ce que vous avez tous à parler travail bordel !?
- Papaaaaaaaa ?
- QUOI CÔME !? hurla-t-il sur le petit garçon qui sursauta et se mit à pleurer.
- Mais enfin Mathéo ! râla Inès en prenant son fils dans ses bras. Pourquoi tu lui cries dessus ? Il ne t'a rien fait !
A bout de nerfs, Mathéo quitta le salon pour la chambre afin de se calmer et revenir plus tard, détendu.
En attendant, Valérie fixait Léopold avec un air mauvais. Le nez et les sourcils froncés, un magnifique et immense sourire inversé, et les dents nerveuses croquant ses ongles.
- Valérie, commença Denis sur le ton de l'humour, si tu as faim, il y a des gâteaux sur la table.
- C'est qui cette dinde qu'il a ramené ?
- Voyons Valérie, ne la traite pas comme ça. Et puis elle a l'air très gentille, tu ne trouves pas ?
- Gentille ahah ! As-tu bien entendu quand elle m'a traitée de vieille ?
- Tu l'as insultée de pouf.
- Pauvre chou.
- Valérie...
- Roh tu m'énerves toi aussi. Tu pourrais me défendre. Léopold l'aurait fait lui.
Denis leva les yeux au plafond. Ce n'était pas la première fois qu'elle le comparaît à Léopold. Il commençait vraiment à en avoir marre.
- Je vais faire un tour, déclara-t-il.
- Où ça ?
- Dans le jardin.
- Il fait -3°c ! Ton manteau n'est pas suffisamment épais pour-
- Eh bien je demanderai celui de Léopold écoute.
Valérie ouvrit grand la bouche.
- Pourquoi demanderait-il le manteau de Léopold... ? murmura-t-elle un peu perdue.
- Réfléchissez un peu, intervint la voix d'Iris qui était juste à côté. Ça vous ferait pas de mal.
- Ah ! Mais qu'est-ce que tu fais là toi ? Je ne t'ai pas vu arriver... Et... Pardon ? Veux-tu bien répéter ce que tu viens de dire !?
- Décidément on ne peut plus rien dire aux gens sans qu'ils ne le prennent mal. L'être humain, c'est vraiment de la merde. Je vais voir ma mère.
Du côté de Diane et de Philippe Martin, tout allait bien. Du moins entre eux. Diane écoutait très attentivement son époux qui critiquait les grands-parents Ginger.
- Divorcer!Divorcer!Tuterendscompte,divorcer!Maisquelexempledonnent-ilsauxjeunesdenosjours!Aujourd'hui,divorcerestdevenuunemode!Unepetitedisputeetbonjourledivorce!J'espèrequ'ilsonthonte!Tuverras,àlafindelasoirée,ilsserontdenouveauensemble!
- Je suis tout à fait d'accord avec toi Philippe. Franchement, aujourd'hui les gens ne font que divorcer. Regarde un peu les stars. Ils ne sont pas capables de rester ensemble plus de cinq ans !
En entendant la conversation, Iris leva les yeux au plafond et partit s'asseoir à la table de la salle à manger où assiettes, verres et couverts étaient installés précautionneusement sur la table.
Elle regardait de loin Nadiya et Léopold qui se faisaient des papouilles et parlaient l'un à l'autre, les lèvres à quelques centimètres les unes des autres, sur le point de s'embrasser. Iris détourna le regard en soupirant.
- Ils me saoulent tous.
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