Le Réveillon de Noël [Deuxième partie]

Elsa était en train de calmer sa fille, ou plutôt, en train d'essayer de la calmer.
Juliette se montrait difficile quand il fallait la raisonner, elle rejetait tous ceux qui essayaient de l'aider. Même sa mère.
Alors qu'Elsa se mettait carrément à s'énerver, la sonnerie de son téléphone lui indiqua que quelqu'un essayait encore de l'appeler. Elle l'attrapa et le colla à son oreille :

- Allô !? Paul ? C'est encore toi ? Écoute, là, je ne peux pas te parler ! ... Hein ? Mais non ! Je- ... Mais oui... Moi aussi je t'aime. Oui je te le jure... Oui bientôt. Allez, bisous.

La petite Juliette regardait sa mère en continuant de pleurer. Elsa raccrocha, rangea son téléphone dans la poche arrière du jean et fixa sa fille qui arrêta sa crise de larmes d'un coup. Elle sourit à sa maman et partit en courant vers le salon, à chaque fois sur le point de trébucher. Elle arriva sur Inès qu'elle faillit renverser, mais la jeune femme put se rattraper à la rambarde des escaliers.

- Juliette ! Fais attention enfin...
- Désolée tataaaaaa !

La petite continua sa course vers le salon où elle sauta sur son père qui, ne s'y attendant pas, se mit à crier sur sa fille. Mathéo fronça les sourcils et voulut jouer au justicier :

- Ce n'est pas grave Thomas, ce n'est qu'une enfant, ne lui crie pas dessus !
- C'est vrai Thomas, elle s'amuse, approuva Léopold ce qui fit plutôt plaisir à Mathéo.

Ce dernier se leva pour mener les invités à la salle à manger qui était en fait juste à côté. Léopold ne se fit pas prier pour le rappeler à son gendre :

- Oui enfin, nous ne sommes pas aveugles Mathéo.

Mathéo se crispa, mal à l'aise. Finalement, le petit instant de complicité fut bien court. Il s'installa à sa place et attendit qu'Inès revienne avec Iris, qui allait enfin lâcher ses cours. D'ailleurs, les voici qui arrivaient, l'une portait un plateau de fruits de mer et l'autre les sauces avec un plat de saumon.

- Hum hum... Juliette ne mange ni fruits de mer, ni saumon, précisa Elsa à l'intention d'Inès qui faillit lui jeter le plateau à la figure.
- En même temps, elle n'était pas censée venir, rappela la jeune femme avec un faux sourire.
- Dis mamaaaaaaaan ? commença la petite Juliette en balançant ses jambes sous sa chaise.
- Oui ma chérie ?
- C'est qui Pauuuuuuul ?

Elsa pâlit tout d'un coup, Thomas se tourna vers elle avec une belle expression d'incompréhension plaquée sur le visage. Elsa lui envoya brièvement un regard et tenta de sourire sans paraître trop nerveuse.

- Paul ? Enfin... Je ne connais pas de Paul, Juliette.
- Mais tout à l'heure...
- Non tu as dû rêver.

Thomas plissa les yeux. Il trouvait cela louche. Il mènerait sa petite enquête plus tard, tant pis. Inès et Iris s'en allèrent s'asseoir à leur place en fixant bizarrement Elsa. Cette fois, c'était vraiment étrange. Et puis c'était qui ce Paul ? Inès tilta mais n'osa pas y croire. Elsa tromperait Thomas ? Vraiment ? Elle respira un bon coup et se décida à manger.

- Mais du coup, Juliette n'a rien à manger ! rappela Elsa.
- Au moins, elle ne sera plus privée de dessert, rétorqua Thomas en jetant un regard noir à sa femme qui comprit de suite, qu'ils auraient une discussion en rentrant.
- Oui... C'est vrai.
- Et puis il y a du pain et du beurre, poursuivit Mathéo avant de se tourner vers son beau père qui décortiquait une crevette. En fait, j'avais pensé à quelque chose pour votre successeur.
- Ah oui ? Qu'est-ce donc ? demanda Léopold faussement intéressé.
- A votre place, je prendrai quelqu'un qui... Comment dire ? Qui est capable de s'occuper de l'entreprise mais également de sa famille.
- Du moment que l'entreprise est entre de bonnes mains. Sa vie de famille m'est bien égal.
- Mais si c'était Thomas par exemple ?
- Je n'ai jamais dit que Thomas serait le successeur.

Le concerné faillit s'étouffer avec son champagne. Il leva la tête vers son père et l'interrogea du regard. Léopold le remarqua et s'expliqua :

- Et bien oui, Thomas, ne me regarde pas comme ça. Ce n'est pas parce que tu es mon fils que tu me succéderas.

En sentant que le dîner allait dégenérer, Inès tenta de partir sur un autre sujet, un faux sourire aux lèvres :

- Il y a deux semaines, un élève m'a fait un magnifique dessin ! Attendez, je vais vous le chercher !

Elle se leva d'un bond puis partit à la recherche du dessin en question. Lorsqu'elle le retrouva dans la commode de la chambre, elle descendit l'escalier en trombe et pénétra dans la salle à manger où elle vit Elsa tenir fermement son mari et Iris, son frère. Ils étaient sur le point de se battre pour on-ne-sait quelle raison.

- Mais qu'est-ce qu'il se passe ici !?
- Ces deux sots se battent pour l'entreprise, répondit calmement Léopold qui passait sa serviette en papier sur ses lèvres.
- Et tu ne fais rien !?
- Qu'ils se battent. De foute façon, ils n'auront rien.
- Enfin papa ! Thomas ! Mathéo ! Arrêtez ça ! On est à table !
- Mais t'as pas vu comment il a parlé à son père !? cria Mathéo en retournant à sa place comme tous les autres.
- Mathéo, arrête de faire l'hypocrite ! s'énerva Inès.
- C'est quoi un hypocrite ? demanda Juliette avec une petite voix.
- Tout le monde, lâcha Iris en enfourchant une petite crevette pour la mettre dans sa bouche.
- Iris ! la rappella à l'ordre Mathéo.
- Bah quoi ? C'est vrai, tu le prouves toi-même avec ton comportement. Tout ça parce que t'es intéressé par l'argent.
- Pas que !
- Bien sûr...

Inès était excédée. Elle prit sa tête dans ses mains, pesta et quitta la salle à manger, sentant que ce réveillon était raté d'avance. Tout ça, pour une fichue entreprise que Mathéo n'aurait jamais de toute manière. Valérie quitta également la table, voulant retrouver sa fille pour la réconforter. Elle monta dans la chambre où elle aperçut Inès, assise dans un coin sombre de la pièce. Elle esquissa un petit sourire et s'approcha d'elle.

- Inès... Ne fais pas la tête, voyons... Ce n'est rien. Juste une petite dispute.
- "Juste une petite dispute" ? Tu rigoles ? Vu comme c'est parti, ça va durer toute la soirée oui ! Mais merde, ils ne peuvent par parler d'autre chose que de cette fichue entreprise ! C'est Noël quand même !
- Je sais, c'est ennuyant.
- Et puis toi ! Pourquoi t'es si silencieuse ?
- Et bien... Avec ton père, on s'est encore disputé tu vois... Mais ce n'est rien, ne t'en fais pas.

Inès haussa les épaules, après tout, ça ne changeait pas. A chaque fois ils se criaient dessus, qu'il y ait des gens autour ou non, ils s'en fichaient. Obnubilé par les erreurs de l'un, l'autre le lui balançait constamment. Ainsi encore enfants, Thomas et Inès s'étaient déjà retrouvés comme deux idiots à table plusieurs fois, tandis que les parents se déchiraient entre eux. Pourtant, Inès voyait en leur force de caractère tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. La preuve, ils ne s'étaient jamais séparés. Elle prit une grande respiration et se releva. Elle ne comptait pas se laisser faire, se mettant en tête de tout donner pour que la soirée se passe bien. Ou pas.

*****

De nouveau à table avec sa mère, Inès mangeait silencieusement, gardant dans sa ligne de mire Mathéo. Une seule erreur de sa part et il en subirait les conséquences. Elle avait également prévenu que s'ils reparlaient entreprise ou travail, tout le monde se retrouverait dehors.
Mais du coup... Plus personne n'osait dire quoi que ce soit.

"Au moins, plus personne ne se dispute..." tenta de se raisonner Inès en passant une langoustine dans la sauce cocktail.

- Et bien, qu'est-ce qu'on s'amuse ici, marmonna Iris assez fort pour que Mathéo l'entende.
- Iris, si tu n'es pas contente, je te l'ai déjà dit, tu peux partir.
- Tu m'as forcé à venir, assume les conséquences.
- On t'a invitée parce que sinon, tu aurais passé les fêtes toute seule.
- Je pense que j'aurai justement préféré passer les fêtes seules. Si c'est pour subir vos disputes à la con, non merci.
- Bah alors pars, qu'est-ce que t'attends !?
- MATHÉO ! s'énerva Inès, le visage dur. Non mais j'vous jure ! Je vous invite ici pour qu'on puisse s'amuser, pour qu'en même temps vous acceptiez Mathéo, mais non ! Personne ne fait d'effort ! C'est juste pénible ! Et puis mince Iris, tu viens nous faire ta morale mais tu ne fais pas mieux ! Retourne chez toi, nous, on voulait juste t'aider !
- Mais non, je ne veux pas partir...
- Alors, arrête de te plaindre.
- Bien la liberté d'expression, la félicita Elsa en applaudissant la brune.
- Oh Elsa, juste, tais-toi !

Elsa se leva soudainement pour mieux faire face à Inès. Elle esquissa un petit sourire amusé avant de croiser ses bras sur sa poitrine.

- Je ne te permets pas de me parler comme ça, ma p'tite.
- La p'tite, elle t'emm-
- Inès ! Juliette enfin ! râla Mathéo en regardant la fillette qui fixait la scène avec de grands yeux intéressés.
- Hum hum. Quoi qu'il en soit, tu n'as rien à me dire. Mais étant donné que nous sommes tous libres de dire ce qu'on veut, pourquoi tu n'expliques pas à Thomas que tu le trompes ? Oups ! Fallait pas le dire !
- Toi, j'te jure que... grogna Elsa en se contractant.
- Liberté d'expression ! se "défendit" Inès en levant les mains en l'air avec un sourire innocent.

Le visage d'Elsa s'endurcit d'un coup, son corps tout entier tremblait de rage. Inès venait de détruire l'image de femme parfaite qu'elle essayait tous les jours de présenter à son cher et tendre. Et puis elle en avait marre, avec Thomas, ils ne faisaient plus rien. Elle n'existait même plus pour lui, elle ne supportait plus cette situation. Alors oui, elle allait voir ailleurs. Elle aurait bien demandé le divorce, mais le "métier" de femme au foyer ne paye pas des mines. Et ce n'était pas comme si Paul pouvait lui offrir la même vie qu'elle obtenait chez Thomas. Alors, elle se rendit compte que les sentiments pour son mari n'étaient plus aussi forts qu'avant et qu'elle restait avec lui par intérêt seulement.
Elsa en tomba des nues. Elle s'assit sur sa chaise toute tremblotante, sans oser regarder Thomas, elle tenta de s'expliquer :

- J'en ai marre Thomas. J'ai l'impression de vivre toute seule avec Juliette. Quand je vais me coucher, tu travailles, quand je me lève, tu travailles encore. J'en suis à me demander si des fois tu dors. Et puis même pour manger, tu viens dans la cuisine, tu te fais un truc vite fait que tu vas manger dans ton bureau ! Tout ça pour ce fichu poste que tu n'auras même pas !

Juliette fixait la scène sans vraiment comprendre ce qu'il se passait, mais en ressentant la détresse de sa génitrice, des larmes commencèrent à couler le long de ses joues puis elle brailla sans que personne n'ose lui apporter du réconfort.
Puis, comme si elle pensait que l'heure était aux tristes révélations, Valérie s'adressa à son mari, cette fois en se retournant vers lui pour mieux l'affronter.

- Léopold, je demande le divorce.

Mathéo qui était en train de boire de l'eau à ce moment précis, recracha tout sur Thomas qui semblait être dans un état second, totalement perturbé par ce qu'il venait d'entendre. Inès se leva d'un coup et s'appuya sur la table, fixant sa mère.

- QUOI !?
- Bah oui... J'en ai marre de nos disputes. Tous les jours, c'est comme ça.
- Mais enfin ma chérie, c'est comme ça dans un couple ! poursuivit Léopold.
- TOUS LES JOURS Léopold ! TOUS LES JOURS. Tout le monde se plaint lorsqu'on invite et qu'on se dispute ! Tu trouves ça normal peut-être ?
- Non mais ce n'est pas une raison pour divorcer !

Inès était sur le point de faire un malaise. Déjà Thomas et Elsa, maintenant ses propres parents ? Encore, elle aurait accepté que Thomas et Elsa se séparent parce qu'elle ne pouvait pas voir la femme en peinture, c'était plus fort qu'elle. Cela aurait été difficile pour Juliette évidemment. Mais là... Ses propres parents ! Et il fallait qu'Iris en rajoute une couche :

- Et vous ? Inès ? Mathéo ? Vous divorcez tant qu'on y est ?
- Iris... marmonna le frère. La ferme.
- Tonton ? l'interpella Juliette qui s'était visiblement calmée. Pourquoi tu parles d'une ferme ? Et c'est quoi un divorce ?
- Oh la la... se plaignit Inès, la tête entre ses mains. Mais pourquoi... ? Pourquoi dire tout ça maintenant... ?
- Il fallait bien que ça sorte un jour... expliqua Valérie à sa fille qui désespérait.
- On ne pouvait pas juste passer un simple Noël comme d'autres familles le feraient ?
- Nous ne sommes pas les autres familles, rétorqua Léopold. J'ai déjà un peu de mal à me dire que ton Mathéo en fasse partie alors ne me demande pas en plus, de bien me comporter en sa présence.
- Mais c'est dingue ça ! s'exclama Inès. Qu'est-ce qu'il a fait pour que tu le traites comme ça ?
- Inès, t'en fais pas, la rassura Mathéo en soupirant. Quoi que tu dises, ils ne m'accepteront jamais alors bon.
- NON ! Je veux qu'ils arrêtent leurs co... leurs idioties, se corrigea-t-elle en se souvenant que Juliette était présente. Et qu'ils t'acceptent enfin ! Sinon, qu'ils partent et ne reviennent plus jamais ! Déjà aujourd'hui, je n'ai plus l'impression d'avoir une famille !
- Ne dis pas ça Inès... lui chuchota Mathéo en essayant de la calmer.
- Et toi pourquoi tu dis rien ?
- Je n'ai pas à les supplier pour qu'ils m'apprécient. C'est à eux de faire des efforts.
- Et puis quoi encore ? râla le père d'Inès. J'ai déjà fait des efforts pour venir à la cérémonie de mariage ! Ne m'en demande pas plus !
- OH VOUS ME GAVEZ AVEC VOS HISTOIRES À LA CON ! hurla Iris en se levant et en renversant sa chaise. C'EST JUSTEMENT POUR ÇA QUE JE PRÉFÈRE RESTER TOUTE SEULE ! J'ME CASSE !

Chaque invité écarquilla les yeux à tour de rôle, Iris venait de prendre son verre d'eau et de le balancer dans la figure de Léopold. Elle le prit ensuite par le col du t-shirt afin de le mener à quelques centimètres de son visage :

- Et vous, Monsieur je-me-permets-tout-parce-que-je-suis-riche, vous manquez encore de respect à mon frère et je vous casse la figure ! Compris !?

Léopold hocha lentement la tête, tremblant de peur. Elle le lâcha, sortit de la salle à manger pour le bureau à l'étage, attrapa toutes ses affaires et quitta la maison Ginger sans que personne n'ose la retenir. Ce fut ensuite au tour d'Elsa de se lever afin de s'en aller. La petite Juliette s'était remise à pleurer et n'était pas prête de se calmer. Dans les bras de sa mère, elle regardait Inès et Mathéo qui voyaient leur réveillon brûler à petit feu. Thomas était encore sous le choc et ne savait pas s'il devait la rejoindre ou rester avec sa sœur et son beau frère. Cependant, il prit la décision de repartir avec Elsa et Juliette. Il devait réfléchir à tout ça. Pourquoi Elsa le trompait ? Ce qu'il allait faire s'il n'était pas le prochain dirigeant de l'entreprise Ginger...

Inès se tourna vers sa mère qui elle aussi s'était levée, elle vint déposer un baiser sur son front puis tapota l'épaule de Mathéo, comme si elle essayait d'enterrer la hache de guerre. Mathéo tourna ensuite la tête vers Léopold Ginger, l'homme qui avait tout fait pour que sa famille soit heureuse, lui qui ne voulait que du bien pour ses enfants, il venait de voir sa famille s'entredéchirer, en plus de se faire menacer par une gamine.
Il se leva lentement, la tête haute sous les regards attentifs de sa fille et de son gendre non désiré, puis quitta la salle à manger sans salut, sans un seul coup d'œil sur le visage malheureux de sa fille.

Lorsque Mathéo et Inès se retrouvèrent seuls, l'homme se tourna vers sa femme qui, immobile, n'y croyait pas. Tout le monde venait de partir sans qu'elle ne réussisse à dire quoi que ce soit.
Elle se leva doucement en se tenant à la table, comme si des vertiges pouvaient la faire tomber à n'importe quel moment.

- Je... Je vais me coucher.

Mathéo hocha la tête, laissant régner le silence dans la salle vide mais pourtant emplie d'un atmosphère à couper toute envie de faire la fête. Il se leva à son tour pour rejoindre la jeune femme dans le lit, qui ne se remettait toujours pas de cette soirée lamentable.

- Mathéo ?
- Oui ?
- Quand maman me l'a demandé, je n'ai pas voulu le dire parce que ça m'énervait qu'elle me pose toujours la même question, mais... Je suis enceinte.

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Et voilà !

Cette petite histoire est terminée !
J'espère qu'elle vous a plu même si à la fin, c'est un peu déprimant.

Je vous souhaite de bonnes fêtes, une bonne année et une bonne santé ! (Je ne serai pas trop présente puisque je pars chez une amie aujourd'hui même et que je reviens le 1er Janvier !

Bref ! A bientôt du coup, biz !

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