3. Bienvenue en Enfer !
Maxime.
Une vague brûlante lèche mon corps, telle une langue de feu et l'impression de me consumer m'oblige à sortir du sommeil.
Lorsque j'émerge, il me faut plusieurs secondes pour réaliser où je me trouve.
Bon sang ! Où est-ce que j'ai encore atterri ?
Je serre les paupières plusieurs fois pour permettre à mes yeux de s'habituer à la pénombre. Je n'ai aucune idée de l'endroit où je suis, mais ce qui est sûr, c'est que la couche de la vieille soigneuse parait presque luxueuse à côté de ça.
Tout est sombre, plongé dans une sorte de nuage étouffant, provoqué par la chaleur intenable qui nous entoure. L'humidité me colle à la peau et des perles de sueur brillent à la lueur des appliques qui diffusent sur moi une lumière blafarde.
J'examine les lieux. C'est une vaste pièce, d'au moins cinq milles mètres carrés, au-dessus de laquelle plane un brouillard sombre. L'équipement est sommaire, principalement composé de tables, chaises et nombreux lits de fortune dont j'occupe l'un des matelas.
Quand je me redresse pour prendre la mesure de ce qui ressemble à un immense gymnase, le tableau m'arrache une grimace.
Entre les poutres d'acier, les murs de béton suintent la terreur et portent les stigmates de violences récentes. Tout ici respire le mal. Même l'odeur tenace et pestilentielle du souffre semble faite pour nous rappeler notre infortune.
Mais alors qu'elle irrite mes narines, elle ne dérange nullement les nombreux prisonniers qui vaquent à leurs occupations. Certains jouent aux cartes. D'autres encore s'adonnent à des combats improvisés ou des séances de musculation dans des espaces dédiés.
C'est le parfait stéréotype de ce qu'on retrouve dans les grandes prisons américaines que l'on voit dans les films.
C'est ça... Cet endroit est une gigantesque cellule dont l'architecture moderne contraste avec l'atmosphère funeste des geôles du Moyen-Age.
Je tente de me lever mais aussitôt, la douleur irradie dans mon dos. La sensation de deux entailles, comme marquées au fer rouge, me brûle sur chacune de mes omoplates. Les paroles de la vieille retentissent alors dans ma tête, comme pour me rappeler mon châtiment.
« Sacrifier ses ailes entraine des séquelles irréversibles... »
Mes mains se mettent à trembler.
Merde ! Je n'ose même pas me retourner de peur de découvrir l'impensable. La panique me donne des suées que j'efface d'un revers de main fébrile, avant d'effleurer mon dos.
Bordel...
A la place de mes ailes, se trouvent deux trous, assez profonds pour que je puisse y glisser les doigts.
La bile remonte brusquement dans ma gorge et je dois me pencher en avant pour vomir mon angoisse.
— Hey ! Regardez qui revient parmi nous !
Je me redresse péniblement, les yeux larmoyants et la gorge enflammée par l'acide.
Le type qui me surplombe est un vrai géant, bâti comme un gladiateur. Ses muscles aux proportions hors normes tendent sa peau comme du latex. Et l'expression de son visage est aussi monstrueuse que les veines qui saillent sur ses bras.
Oh bon sang ! J'espère qu'il ne vient pas me chercher des noises parce que je ne suis pas vraiment en état, là.
Je réprime un nouveau haut-le-cœur en essuyant ma bouche, puis je me recroqueville sur moi-même, espérant ainsi qu'il abandonne tout intérêt pour ma pauvre personne.
Je veux qu'on me laisse mourir en paix.
Peine perdue...
D'un coup de pied, le mec fait basculer le lit et je me retrouve brusquement au sol. La douleur fuse comme une décharge électrique.
Putain, mais laissez-moi crever !
Malheureusement, le salaud semble parfaitement insensible à mes gémissements car il m'attrape fermement par le col.
Je ne pèse pas moins de quatre-vingt-cinq kilos. Et pourtant, il parvient à me soulever de terre comme si je n'étais pas plus lourd qu'une plume.
Il approche sa tête si près de la mienne que je peux sentir son souffle. Sa bouche se déforme dans un rictus dégoûté, libérant une haleine fétide qui ravive mon écœurement.
— Alors, dis-moi l'ange, qu'est-ce qu'une créature comme toi est venue foutre dans ces bas-fonds ? T'es perdu ? Tu veux qu'on t'aide à retrouver le chemin du Paradis ?
D'autres types, tout aussi bâtis, s'approchent en ricanant.
Je n'ai pas pour habitude de chercher les ennuis. Je fais plutôt partie de ceux qui apaisent la situation plutôt que de l'envenimer.
Mais à cet instant, je ne veux pas faire l'effort de réfléchir. Ce type est peut-être ma porte de sortie. La solution pour en finir rapidement. Je le provoque volontairement.
— Oh, c'est gentil de proposer, grommelé-je d'un ton moqueur. J'ai besoin d'une soubrette...
Son visage se décompose.
— Me cherche pas, où je te casse en deux, l'Ange.
Ma bouche s'étire dans un sourire sadique.
— Essaye, pour voir... J'ai toujours pensé que les types tout en muscles dans ton genre n'avaient que de la...
Le coup atteint ma joue avant même que je ne termine ma phrase, faisant exploser ma pommette. Ma tête bascule en arrière et le choc allume des étoiles devant mes yeux.
Bon sang, ça fait un mal de chien !
Mais c'est presque moins pire que lorsqu'il me jette au sol pour me balancer son quarante-quatre fillette dans l'abdomen.
Aussitôt, l'attroupement se resserre autour de nous et les voix s'élèvent, avides de violence.
— Vas-y, Kyros ! Détruis-ce minable !
Je me plie en deux pour accueillir un nouvel assaut, sur le flanc cette fois. Mais au dernier moment, le colosse dévie sa trajectoire et me frappe dans le dos.
La douleur fuse comme une décharge électrique, me tendant comme un arc. Elle est tellement forte qu'elle me paralyse. Alors, les coups se multiplient et je ne fais plus rien pour les éviter.
Mon immobilisme attise un peu plus la hargne de mon tortionnaire. Et bientôt, je finis par ne plus rien ressentir.
La souffrance poussée à son paroxysme a ce pouvoir anesthésiant auquel j'aspirais. Mon cerveau se mure dans un cocon protecteur, délaissant ce corps qui n'est plus que le réceptacle de la sauvagerie de mon adversaire.
Mais alors que ma vue commence à se brouiller, je vois Kyros basculer en arrière. Quelqu'un vient de le saisir à bras le corps pour l'empêcher de me finir.
Non !!!
Je n'ai même pas la force de crier et observe, impuissant, mon sauveur mettre fin à cette mise à mort programmée.
Si j'ai trouvé que Kyros était grand et fort, ce n'est rien à côté du monstre qui le maintient contre lui. Une véritable montagne de muscles, campée sur des jambes puissantes, avec un coup de taureau et des biceps à faire pâlir Arnold Schwarzenegger, lui-même.
C'est carrément inhumain !
Aussitôt, le silence s'abat sur la foule et celui qui, quelques minutes plutôt, jouait au punchingball avec ma tête, devient blanc comme un linge.
— Si tu touches encore à un cheveux de cet homme, je te fais bouffer tes couilles, Kyros, tu m'entends ?
Je tente de m'interposer, mais n'arrive qu'à me provoquer une douloureuse quinte de toux.
Sans y prêter attention, l'étranger se tourne vers l'assistance.
— Et c'est valable pour tous ceux qui oseront s'en prendre à lui, c'est clair ? Où alors, vous aurez affaire à Thanos, lui-même.
Sans attendre de réponse, il repousse violemment sa victime qui tombe au sol. Le fameux Kyros hoche la tête et s'éloigne en rampant, sans me lâcher des yeux. La haine qui transpire dans son regard est aussi vive que l'aversion qu'il m'inspire.
La montagne se penche alors vers moi, encore plus imposante vue de près.
Merde ! C'est qui ce monstre ?
— Moi, c'est Valerius, dit-il en me tendant la main pour me soulever de terre.
Il m'adresse un sourire diabolique avant d'ajouter.
— Bienvenue en Enfer, l'ange...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top