Chapitre Vingt
20.
Point de vue de Kayla
Je sens qu'on me caresse les cheveux et je n'ai jamais été aussi détendue que maintenant. J'ai l'impression d'être en paix avec moi-même et mon sourire ne cesse de s'étendre sur mon visage.
Je finis par ouvrir tranquillement les yeux et je suis tellement surprise de l'identité de la personne qui me caresse la tête que je reste là, à la fixer bêtement pendant une bonne minute. Je trouve enfin le courage de parler.
-Ma... Maman?
Ma mère sourit et se penche vers moi pour embrasser mon front.
-Oui, Kayla. C'est moi.
Je me relève précipitamment et me recule tout de suite. Je la regarde étrangement.
-Qu'est-ce que... Je suis où? Comment... Dis-je tellement vite que j'entremêle mes mots.
-Chérie, détends-toi... Tu sais bien que rien de bon ne se produit quand tu es pressée au point que je n'arrive pas à te comprendre. Allez, respire.
Je la regarde puis je fais ce qu'elle m'a appris. Une inspiration, une expiration. Et je recommence jusqu'à ce que je sois calme.
-Comment se fait-il que j'arrive à te voir? Et... Où suis-je? Ça veut dire que...
La constatation me frappe de plein fouet et je me redresse d'un seul coup.
-Oh non! Je suis morte! C'est ça! Je suis morte! Valère m'a tuée et...
-Kayla! T'énerver ne te servira à rien.
-Mais... Je... J'ai tout raté Maman... Et... Les autres... Je... Je les ai perdus... C'est de ma faute...
Ma mère me fixe un moment et se relève pour venir devant moi. Je la regarde rapidement. C'est vrai que je lui ressemble, du moins, physiquement. Elle est comme dans mes souvenirs, son ventre de femme enceinte en moins. Elle se contente de me serrer contre elle et c'est là que je craque et que je commence à pleurer. Elle me caresse une fois de plus la tête.
-Je sais que c'est dur à encaisser... Mais crois-moi, te lamenter sur ton sort ne va pas t'aider. Je suis avec toi, d'accord?
Je hoche la tête et relève la tête. Elle essuie rapidement mes joues.
-Mais... Où est papa, dans ce cas?
Elle sourit légèrement.
-Je vais tout t'expliquer en temps et lieu. Pour l'instant, marchons.
Je hoche la tête et nous commençons à marcher toutes les deux.
-Tu n'as pas envie de parler? Me demande-t-elle au bout d'un moment.
-Et bien... Je ne sais pas vraiment ce que je peux dire...
-Tu pourrais commencer par ce que tu ressens face à tout ça, tu ne crois pas?
-Au fait que je sois morte? Surtout de la frustration, je crois.
Devant ses yeux insistants et son silence, je poursuis.
-J'ai l'impression que j'ai failli à mon rôle d'Alpha, que je n'ai pas été à la hauteur. Que je fais honte à toute la lignée.
-Et pourquoi ça?
-Bah... Parce que lorsque je suis devenue Alpha... J'ai fait la promesse que j'allais tout faire pour protéger tout le monde! Et... Tout ce que j'ai fait, c'est de les mettre encore plus en danger en plus de séparer tout le monde. Au final, je suis morte et à présent, ils sont à la merci de Valère et de sa bande... Je ne serai plus en mesure de les protéger...
Elle hoche la tête.
-Tu sais, pour être honnête, je ne pense pas que tu aies fait pire que ton père.
-Ça doit me rassurer?
Elle pousse un petit rire discret.
-Tout ce que je veux dire, c'est que chaque personne a une manière différente de se comporter face à une certaine situation. Et personne n'est invulnérable face à la possibilité de faire une erreur.
-Oui, mais...
-Je vais partager un des regrets de ton père, quant à son état d'alpha. Tu sais quelle a été la première chose qu'il m'a dite en me retrouvant?
-Je sais pas... "Tu m'as manquée?"
-Ça aurait pu... Mais non, ce n'est pas la première chose qu'il m'a partagée.
-Et donc, c'était quoi?
-La remise en question.
Je fronce les sourcils. Remise en question?
-Pour faire simple... Son premier regret, c'est de ne pas avoir eu assez confiance en lui-même pour prendre des décisions selon ce que son coeur lui disait. Il pensait trop au pire, tellement qu'il n'avait plus confiance en ses propres capacités.
Je hoche la tête. Je comprends complètement, j'éprouve la même chose. En permanence.
-Oui... Mais pourquoi tu me dis ça? Je veux dire... C'est pas comme si je pouvais changer les choses... Aucun retour en arrière n'est possible.
-En es-tu bien sûre?
-Je te suis pas, Maman...
-Regarde ta main, pour voir.
-Quoi? Mais...
-Aies confiance. Regarde ta main.
Bien que je ne comprenne pas, je relève ma main et je fronce les sourcils. Je vois à travers elle. Pas complètement, mais suffisamment pour voir que c'est la même chose pour mes pieds. Je relève ma tête vers ma mère. Dans son cas, je n'arrive pas à voir au travers d'elle.
-Mais... C'est normal?
-Et bien non...
-OK... Mais tu sais ce que ça veut dire, ou pas?
Elle hoche doucement la tête.
-Tu n'es pas morte, Kayla.
-Quoi? Mais...
-Enfin... Pas entièrement. Tu es entre deux états.
-Mais... Comment c'est possible? Je ne devrais pas être ici, alors...
-Je me suis mal exprimée. Tu es, théoriquement, morte. Mais une partie de toi s'accroche à la vie et ce qui va suivre ne dépend que de toi.
-Comment ça? Bon sang, c'est compliqué, la mort...
-Tu te souviens de ce que t'avais dit la chamane?
-Oui, sur le fait que j'avais le loup de Papa en moi... Oh.
Tout s'assemble dans ma tête. Ma mère se rapproche de moi.
-Attrape ma main.
-Pour quoi faire?
-Kayla, arrête de remettre tout en question. Fais-le et c'est tout.
Je hoche la tête et attrape la main de ma mère. Celle-ci est chaude, comme dans mes souvenirs. En un instant, nous sommes dans la forêt et je vois mon corps, toujours transformé en loup, au sol. J'ai les yeux fermés et ma fourrure est à présent rouge tellement je saigne. Je grimace en voyant ma patte brisée. Elle va dans l'autre sens,
Cependant, autre chose attire mon regard. À côté de moi, il y a un deuxième loup. L'ayant vu plein de fois lorsque j'étais enfant, je le reconnais tout de suite. C'est mon père. Il tourne autour de moi et lèche plusieurs parties de mon corps. Il essaie de me guérir. En décernant une autre présence, il relève la tête et nous observe. Je tourne la tête vers ma mère qui sourit en le voyant et hoche la tête. Devant cette approbation, il continue d'essayer de me sauver.
-Tu ne dois pas oublier que vous êtes deux, à habiter ton corps. Et tant que l'un d'entre vous y reste, tu ne seras jamais entièrement morte. Cependant, ton père ne peut pas tout faire tout seul. Tout ce qu'il peut faire, c'est refermer tes plaies.
-Mais... Je ne vois pas ce que je peux faire pour l'aider...
-Écoute, tout ne dépend que de toi. Tu es la seule qui peut t'aider.
-Comment?
-Par ta volonté. Ton désir de vie, ton désir de mener la meute à bien. Ton désir de protection, de sauvetage... Et même ton désir d'amour. Je suis morte jeune, Kayla. Mais toi, tu peux faire en sorte que ça ne t'arrive pas. Tu peux vivre une longue et heureuse vie, si tu le souhaites.
-C'est pas que je veux pas... Mais comment je peux savoir que je serais à la hauteur, cette fois-ci? Je suis entre la vie et la mort présentement... Qu'est-ce qui me dit que je ne serai pas que morte, la deuxième fois? Je ne veux pas abandonner les autres.
-Je ne peux rien te garantir, mais tu ne dois en aucun cas te laisser abattre. Tu es une bonne Alpha, ce n'est pas que dans tes gênes, tu l'es! Tu as toujours été une bonne meneuse et tu as toujours su prendre les bonnes décisions et les risques nécessaires. Je n'ai jamais été alpha moi-même, mais tu dois essayer de ne pas te laisser emporter par toute la pression. Sinon, tu prends les mauvaises décisions. C'est pour quoi ton père n'est plus concrètement avec toi aujourd'hui.
-Il a pris la décision sur un coup de tête?
-Si on veut. Mais pendant son combat final, le fait qu'il soit dans sa... je sais plus le nom, ne l'a pas aidé non plus.
-Attends... Papa était en pleine phase de surpuissance quand il est mort? Demandais-je, surprise.
-Oui.
Pas étonnant que Valère ait dit que je lui ressemblais, sur ce coup. Je commence alors à comprendre un peu plus ce qui lui est arrivé. Il a utilisé le fait que le niveau de sa force était changeant pour l'achever. Je hoche la tête pour moi-même.
-Tu as raison, Maman. Je ne peux pas laisser continuer tout ça. Valère doit payer pour tout ce qu'il a fait. J'y veillerai personnellement. Il ne fera plus de mal à qui que ce soit. Lui, mais aussi toute sa ban...
Je m'arrête pis croise mes bras sur ma poitrine.
-Un problème, chérie?
-Oui... Si je finis par tuer Valère... Est-ce que ça ne me rendrait pas tout aussi pire qu'il l'est? Quand on tue un meurtrier, le nombre total ne change pas.
-Kayla... Valère est plus qu'un meurtrier. C'est un avide de sang. Il a tué beaucoup trop de personnes innocentes... Il ne s'arrêtera pas tant qu'il ne sera pas mort. C'est un mal qu'il faut se donner pour un bien. Les options sont limitées, à présent. Il est irrécupérable. C'est par expérience, que je parle.
Je hoche la tête, me rappelant qu'elle a vécu la même chose, avant de trouver refuge dans ma meute, après que mon grand-père l'ait accueillie avec ses parents. Ils étaient les derniers survivants de son ancienne meute.
-D'accord. Je sais ce qu'il me reste à faire, à présent.
Ma mère sourit, puis s'éloigne...
-Attends, Maman! Je veux juste faire une dernière chose, avant d'y retourner...
-Oui?
Je me rue sur elle pour lui donner un câlin qu'elle me retourne aussitôt. Je sais que ce n'est pas la même chose que lorsqu'elle était vivante, mais c'est mieux que rien.
-Au revoir, Kayla. J'espère que tu vivras une longue et merveilleuse vie avant que tu viennes me rejoindre.
L'instant suivant, elle me pousse et je tombe au sol.
Seulement, j'ouvre les yeux et je réalise que je suis de retour dans mon enveloppe corporelle. Le loup de mon père est toujours devant moi. Il fait quelques pas et pose son museau contre le mien. Je ferme les yeux, puis sens un coup de vent. Rapidement, je vois le loup de mon père s'estomper pour revenir dans ma jambe.
Je tente de me relever, mais grimace en me souvenant de ma patte brisée. Je mets toute mon énergie pour la réparer. Quand je sais que j'ai terminé, j'ouvre les yeux. Il fait à présent jour. J'entame alors mon processus de détransformation et retrouve mon corps d'humaine. Cette fois, en regardant à l'intérieur de ma cuisse, je remarque un changement sur ma marque mûre. Celle-ci n'est plus mauve et bleue, mais entièrement noire. Ce qui signifie que ma dernière phase de surpuissance est à présent terminée. Cela dit, la partie vert est toujours présente. Je comprends donc qu'elle ne me quittera jamais. Du moins, tant que l'esprit du loup de mon père est en moi.
Je me rhabille et marche pour sortir de la forêt. Je rentre à la maison. Cette fois, j'ai un plan et je compte bien mettre un terme à cette histoire, une fois pour toutes.
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