Chapitre Dix-Neuf
19.
Point de vue de Kayla
-Tu ne peux pas y aller, Kayla! C'est de la folie!
Je regarde Calum pendant qu'il me dit ça. J'ai l'impression qu'il ne comprend pas le fait que je mesure pleinement le danger qui m'entoure, surtout lorsque je vais me rendre dans la forêt, comme le demande Valère.
-Je n'ai pas d'autre choix, je dois y aller. Je dois faire ce que Valère me demande. Et je dois y aller seule.
-Non! C'est un terroriste qui fait tout pour...
-Et tu penses VRAIMENT que je n'en ai pas conscience? Je n'ai aucune envie de me rendre dans cette forêt, mais je dois le faire. Je ne peux pas le laisser faire du mal à des innocents.
-Mais qu'est-ce qui te garantit que ta présence les empêchera de leur faire du mal? La situation est délicate puisque ce sont mes parents... Mais Kayla... Je ne supporterai pas de vous perdre tous les trois.
Je souffle et lui caresse la joue.
-Crois-moi, tout ça ne m'enchante pas plus, mais je ne peux pas rester là les bras croisés. Je dois essayer. Je ne peux pas les laisser continuer comme ça. Ils ont déjà fait assez de mal.
Il souffle à son tour.
-Alors tu vas vraiment le faire?
-Oui.
-Dans ce cas, laisse-moi te passer quelque chose.
Je hausse les sourcils pendant qu'il s'éloigne et monte dans notre chambre. Il revient rapidement. Il tient une petite puce.
-Mets-ça dans ta poche.
-Qu'est-ce que c'est?
-Une puce de localisation.
-OK... Et je peux savoir pourquoi tu as ça et que je ne le savais pas?
-Ne t'en fais pas, je m'en sers surtout pour les objets auxquels j'accorde beaucoup d'importance. Du genre de mon ordinateur ou de mes costumes pour le théâtre... Mais j'aimerais que tu le portes sur toi, discrètement. En espérant qu'ils ne te demandent pas d'y aller pour te tuer, nous serons en mesure de te localiser pour ensuite te retrouver.
Je souris légèrement.
-Tu sembles oublier un détail.
-Lequel?
-En supposant que je ne sois pas tuée et qu'ils m'emmènent... Vous ne pourrez pas venir me chercher sans vous transformer. Ça peut compromettre notre couverture. À tous. Pas qu'aux yeux de tes parents, mais aux yeux de tout le monde. Je peux prendre cette puce, mais elle ne servira à rien.
-Et alors quoi? C'est comme ça que tout finit? On les laisse gagner? Je te perds?
-Tu ne me perdras jamais... Arrête de rendre les choses plus difficile.
-Mais comment tu veux que je fasse ça? Tu...
-Écoute, peu importe ce qui arrive ce soir, je veux que tu saches que je t'aime. Ça ne changera jamais.
-Ça ressemble beaucoup trop à un adieu, Kayla...
-Je te promets que je ferai tout pour m'en sortir. Je ne resterai pas les bras croisés.
Je me mets sur la pointe des pieds et l'embrasse tendrement. Je le sens pleurer et je fais la même chose. Tout ça est difficile, mais je dois le faire. Quand on s'écarte, je prends sa puce de localisation que je glisse dans la poche avant de mon jean.
-Je dois y aller.
Il hoche la tête et je me tourne. Je quitte la maison sans lui jeter un dernier regard. Je me dirige le plus lentement possible vers la forêt. Lorsque je suis devant, je prends une grande inspiration et me glisse à l'intérieur.
Je me déplace doucement, ne sachant pas vraiment où je dois me rendre. Je me contente simplement de regarder où je mets les pieds et d'éviter les branches qui me bloquent le chemin.
D'habitude, j'adore venir dans la forêt la nuit. C'est le moment le plus calme où je suis vraiment libre de faire tout ce que je souhaite sans avoir à me cacher pour éviter de croiser des humains. Je suis détendue et je peux hurler à la lune sans avoir à me retenir.
À présent, l'ambiance n'a jamais été aussi lourde. J'ai l'impression que je suis observée de partout: par les arbres, par les feuilles, par les quelques oiseaux et insectes encore présents à cette période de l'année. Je ne me sens pas en sécurité.
Je finis par entendre quelque chose derrière moi et je me tourne directement. Je le vois.
-Tu es venue.
Je dévisage Valère à l'aide du peu de lumière que je reçois de la lune. Son visage est le même que dans mes souvenirs, le même que j'ai pu voir lors de ma "vision". Je remarque qu'il a quelques cheveux gris en plus.
-Où sont-ils? Demandais-je.
-Déjà cette question? Tu sais pourtant qu'il est impoli de ne pas dire "bonjour"...
-Et toi, tu devrais savoir qu'il est impoli d'enlever des gens.
Il rigole.
-Assez parlé. Rufus, approche.
Je me crispe et je le vois assez vite. Je reconnais ses yeux portant la haine qu'il me dévoue. Il n'a pas changé non plus.
-Je t'explique rapidement ce que nous allons faire. Nous allons nous battre tous les trois.
-C'est tout? Pas de piège?
-Non. Tous les autres sont en train de surveiller tes chers beaux-parents.
-D'accord. Et pourquoi nous battons nous?
Valère étouffe un rire.
-Pour t'achever. Sans Alpha pour les défendre... Ils sont perdus.
-D'accord... Mais ce n'est pas très égal, deux contre un.
-C'est justement ça l'objectif, pauvre sotte. Crache Rufus.
Je lève les yeux au ciel. Il ne changera jamais, c'est clair.
-Donc on s'y met?
-Oui. Nous pouvons laisser nos habits... Juste ici. Indique Valère en désignant le pied d'un arbre.
D'un commun accord, nous nous déshabillons et posons nos vêtements au pied de l'arbre. Sans plus attendre, nous nous transformons.
Ma peau devient noire et je tombe à genoux pendant mes os se déplacent et change de forme. Le poil pousse d'un seul coup et me recouvre entièrement. J'ouvre les yeux et je vois mes deux adversaires, également transformés. Cette fois, on ne rigole plus. Je me place en position de combat et essaie de me motiver. Je dois gagner. Pour ma meute. Pour Calum. Pour toutes les personnes qui comptent pour moi. C'est mon devoir.
Rufus me saute dessus et je l'évite. Surtout, je ne dois pas agir impulsivement, je dois calculer tous mes mouvements. Je suis contre deux personnes, je dois faire attention.
Valère renchérit en me griffant le ventre et je me concentre sur lui. Rufus en profite pour se rajouter et bien qu'ils me malmènent, j'arrive finalement à en éjecter l'un d'entre eux qui s'écrase contre un arbre. Je me concentre sur l'autre en me défendant tant que je le peux, mais celui que j'avais projeté plus loin revient et me mords le ventre.
Je m'apprête à donner un coup de patte quand je sens une douleur dans ma jambe et je m'effondre. J'y jette un coup d'œil et celle-ci est lumineuse.
-Tu es en dernière phase de surpuissance! Ça, c'est la meilleure! S'écrie Valère.
Je me relève, en essayant d'ignorer sa remarque. Je ne dois pas montrer de faiblesse. Je tente de lui mettre rapidement un coup de patte, mais il l'esquive et se sert de mon propre poids pour me projeter au loin. Je sens mon dos frapper le tronc d'un arbre et mon souffle se coupe pendant quelques secondes pendant qu'on me saute de nouveau dessus. Je suis en train de m'affaiblir de plus en plus, je me fatigue.
Je tente de me tirer d'eux et y arrive, mais ils me frappent de nouveau et j'atterris sur l'une de mes pattes si fort que je l'entends se briser. Je couine sous la douleur. Je sens un nouveau coup de griffe sur mon ventre et je sens ma plaie brûler. Je tente de me relever à nouveau. Je ne veux pas mourir. Je ne peux pas mourir.
J'utilise ma dernière force pour sauter sur l'un d'entre eux pour le mordre et j'y arrive. Je m'accroche aussi fort que possible et je sens mes dents s'enfoncer plus profondément dans la chair. Mais ce n'est pas suffisant puisque d'un seul mouvement, je me décroche et atterris plus loin. Je me retrouve sur le dos, alors je me retourne. J'essaie de me relever, mais m'appuie sur ma patte blessée et m'effondre tout aussitôt. Je grince et souffle lourdement. Je les sens m'encercler. Ma dernière phase de surpuissance déconne encore: comme on me l'avait dit, je peux parfois être très forte et parfois pas du tout.
-Je pense bien que tu es en train de perdre, Kayla... C'est marrant...
-Ce... Ce n'est pas terminé...
-Ah non? Tu sais à qui tu me fais penser? Ton père.
Je me crispe. Il n'a pas le droit de parler de lui comme ça.
-Le scénario est presque le même... Je m'en souviens comme si c'était hier... C'est vrai que tu lui ressembles pas mal.
-Ferme... Ferme-la...
-Ne t'en fais pas, bientôt, tu ne m'entendras plus du tout. Je vais même faire en sorte que tu ailles le rejoindre.
Ils me sautent tous les deux dessus et me ruent de coups de patte et de morsures qui m'affaiblissent de plus en plus. Je suis complètement étourdie et je n'arrive plus à réagir. Je n'arrive plus à me défendre. Je ne pense plus qu'à ma meute... À mes amis... À Calum. J'ai envie de pleurer. C'est donc comme ça que tout finit?
-Une dernière parole?
-Va te faire foutre... Tu ne t'en sortiras pas comme ça...
-Rien de mieux? C'est dommage.
Il finit par enfoncer ses griffes dans mon cou et l'entaille. Je glapis de douleur. Cette fois, je ne bouge plus. Je n'y arrive pas. Je respire autant que je peux, mais je m'étouffe en raison du sang.
-C'est bon, allons-y. Nous n'avons rien de plus à faire.
Je les entends se détransformer et se rhabiller. L'un des deux en profite pour me donner un coup de pied dans le ventre, puis ils s'éloignent, me laissant seule, agonisante. J'ai de plus en plus mal à respirer. J'essaie d'appeler à l'aide en hurlant, mais aucun son ne me quitte. J'utilise le peu de forces qu'il me reste pour me tourner sur le dos et observer le ciel. Je tousse de plus en plus, tentant de chercher un peu d'air, mais la tâche devient de plus en plus ardue.
C'est ironique parce que ce soir, le ciel est magnifique. Il ne comporte aucun nuage et la lune est entièrement visible, même à travers les arbres. Je souffre, mais j'essaie de me concentrer, une dernière fois. Je ne pense qu'à Calum.
Je suis désolée...
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