Chapitre 4 (2/3)
Naxim n'observait plus les étoiles à présent : c'était le Lac qui attirait son regard. De plus en plus de Frères, et surtout de Sœurs, se mettaient à l'eau, à demi-nus pour les moins frileux, entièrement dévêtus pour les plus audacieux. Néanmoins, le jeune garçon n'avait d'yeux que pour une seule personne : une jolie jeune fille du clan du Sable.
Mince et élancée, elle portait un bustier végétal qui cachait son torse aux regards concupiscents. Une longue jupe de cuir fin flottait autour de ses jambes. Sa beauté naturelle n'avait nul besoin d'ornements, hormis peut-être la fleur qu'elle plaçait toujours dans ses longs cheveux noirs ondulés. Son joli sourire et ses grands yeux vert-d'eau étaient empreints de douceur.
Elle s'immisça d'une démarche souple, déjà féminine, dans cette eau dont la température pourtant fraîche sembla lui convenir, habituée qu'elle était à se baigner en toutes saisons le long de sa Plage, au pied des Falaises. Elle avait préféré s'immerger en gardant toute sa tunique, ce qui rassura Naxim sans qu'il sût précisément pourquoi. Était-ce qu'il ne voulait pas que tous les autres eussent pu voir son intimité ? Ou bien qu'il eut dans le cœur l'espoir qu'elle conserverait pour lui seul les mystères de son corps ? L'espace d'un instant, elle tourna son visage vers lui. Ses jolis yeux qui lui donnaient ce regard intense et perçant croisèrent les siens. Ils jouaient ensemble dans la Vivenuit depuis leur enfance mais, à mesure que les saisons passaient, ces yeux et ce regard le mettaient de plus en plus en émoi.
La jeune fille continua d'avancer lentement jusqu'à faire disparaître sa poitrine naissante dans l'onde froide, laissant flotter derrière elle une masse de cheveux noirs bouclés. Elle le salua d'un coup de menton, lui sourit, puis s'enfonça totalement dans l'eau sans attendre de réponse, disparaissant à la vue du jeune homme.
— C'est elle ? Je comprends mieux pourquoi la Froidure t'a semblé si longue, le taquina Kobré dans son dos. Comment s'appelle-t-elle, déjà ? Océane ? Coquillage ?
Naxim savait que son ami connaissait parfaitement le nom de la jeune fille, mais il joua le jeu.
— Perle, dit-il dans un souffle.
— Tu vas lui parler, ce soir ? Je trouve le moment parfait.
— Peut-être...
Il laissa errer son regard encore quelques instants à l'endroit du Lac où la jeune fille avait disparu puis demanda brusquement :
— Alors, tu fais des affaires, toi ?
Le changement de conversation était grossier mais l'amitié entre les deux garçons remplaçait les non-dits.
— J'ai noué des contacts intéressants, confirma Kobré. Je saurai à qui demander lorsque je voudrai mon manche de pioche.
— Nous allons bientôt devenir traqueurs : nous avons encore quelques saisons devant nous avant de devenir chasseurs.
— Hé bien un manche de couteau alors. Et toi, tu n'en cherches pas ?
— Sans doute, en effet. Il m'en faudra bien un...
Kobré sourit en le voyant aussi évasif.
— À quoi penses-tu ? Je te connais assez pour savoir que tu as une autre idée en tête.
Naxim se releva pour être à hauteur de son ami et pouvoir ainsi baisser la voix.
— Je me disais que si je trouvais un gars du clan de la Terre pour me faire un petit gilet en cuir de shôlône, ou plutôt une fille en fait, pour que ce soit plus joli. Tu vois ? Quelque chose de léger... Puis qu'ensuite j'en trouve une de la Forêt pour ajouter de beaux lacets, des petites cordelettes et autres accessoires, je pourrais l'offrir à Perle. Tu crois que ça lui plairait ?
— Évidemment qu'elle aimera, parce que ça viendra de toi, tiens, Tête-de-Pierre !
— Ce sera long à préparer, mais...
— Non, pas nécessairement, l'interrompit Kobré. On ira troquer ensemble durant cette Ardente. Je suis certain que mes nouveaux amis ont des sœurs qui s'en chargeront. Nous amènerons des lames de couteaux avec nous. Tout le monde a besoin de lames !
Naxim acquiesça. Il remarqua alors qu'un attroupement un peu plus important que les autres s'était formé à quelques pas d'eux. Cela signifiait souvent qu'une bonne histoire était racontée ou qu'un jeu amusant venait de démarrer, mais cette fois-ci les visages se tournaient régulièrement vers Kobré et lui.
— Qu'est-ce qu'ils ont ? demanda Naxim.
— Oh, je crois savoir, soupira Kobré. Cela doit bien faire dix fois que l'on me pose des questions, que l'on me demande si c'est vrai. Hé oui : ce soir, mon Frère, nous sommes célèbres ! Enfin, surtout toi, en fait. Après tout, c'est toi qui as tué une vouje géante.
L'histoire de l'incident du matin avait en effet fini par se savoir des autres clans. Lorsque Kobré et Naxim eurent rejoint le groupe, ce dernier dut raconter, à la demande générale, sans omettre le moindre détail excepté le délicat passage de la fuite en hurlant, de quelle façon son ami et lui avaient survécu au monstre reptilien.
D'un rapide coup d'œil, le jeune homme s'assura que Perle suivait bien le récit, et il sembla qu'en effet elle l'écoutait avec une grande attention, impressionnée. Il dépeignit la scène aussi fidèlement que sa mémoire le lui permettait puis tenta de rétablir la vérité quant au dénouement, sans pour autant se dévaloriser. Certes, c'était finalement son grand frère qui avait achevé la vouje, mais cela ne tint qu'au fait que chez ceux de la Pierre, seuls les chasseurs portaient la pioche. Il est bien évident que s'il avait été armé à ce moment-là, il aurait lui-même eu raison de la bête, et peut-être même que si les grands lui en avaient laissé le temps, c'est à coups de pierre qu'il l'aurait tuée !
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