Chapitre 8 - Fin de soirée (Léon)




L'ascenseur s'envole vers les étages.

Apolline fixe les boutons, qui s'allument un à un. Notre ping-pong verbal m'a amusé. Cette fille est amusante, intelligente, et elle m'intrigue. En plus d'avoir des yeux à couper le souffle, elle possède un je-ne-sais-quoi qui m'attire. Galvanisé par ma double victoire, et parce que je me sens pousser des ailes ce soir, je m'entends soudain demander :

— Ça t'arrive souvent d'entrer dans les vestiaires des hommes sans t'annoncer ?

Ses joues se colorent. Je m'attends à ce qu'elle baisse la tête et se confonde en excuse, mais à ma grande surprise, elle rétorque :

— Je n'ai vu aucun homme dans un vestiaire, juste un gosse qui sait nager.

J'éclate de rire. Les portes s'ouvrent à ce moment-là et révèlent un couloir. Je suis arrivé à mon étage, Miss-Océan doit encore monter, mais je n'ai pas encore envie de la quitter. Je me place entre les portes pour empêcher l'ascenseur de bouger et croise les bras d'un air nonchalant.

— C'est une menace ? demande-t-elle aussitôt. Je dois me méfier.

Elle désigne les portes et je secoue la tête avant de sourire.

— Un gosse, vraiment ?

Elle ne va pas s'en tirer comme ça. Son petit sourire en coin m'amuse.

— Un poisson, si tu préfères ?

— Les journalistes disent que je suis un lion, le roi même.

— T'as pas peur de prendre la grosse tête ?

— Si.

L'étonnement s'inscrit sur son visage. Je sais ce qu'elle pense. En tout cas, je crois le deviner. Elle est persuadée que je ne touche plus terre, que je vais prendre la grosse tête et devenir prétentieux. Ça pourrait arriver, c'est vrai, mais mes parents, mes coachs et tous les autres sportifs m'ont appris qu'il valait mieux savourer une victoire, plutôt que de chercher toujours plus, et ne jamais être satisfait. J'ai envie de gagner d'autres médailles, mais je ne veux pas devenir aigri si jamais j'échoue. Alors, j'essaye de rester terre à terre et de profiter de ce que j'ai, au moment où je l'obtiens.

— Les journalistes ne tarissent pas d'éloges sur toi, reprend-elle, ils n'ont que ton nom à la bouche.

— Je sais.

— Tu n'as pas peur que ça s'arrête ?

— Ça s'arrêtera. Mais au pire, qu'est-ce qui se passera ? Rien. Les jeux ne durent qu'un temps. Une fois qu'ils seront finis, je retournerai en Arizona, je continuerai à m'entraîner, je poursuivrais ma carrière.

— Et lorsque tu perdras ?

— Je changerai de voie, tout simplement.

Je hausse les épaules. Une carrière de sportif ne dure qu'un temps, les victoires sont éphémères. Je compte bien marquer l'Histoire, battre des records, devenir champion du monde, mais j'ai conscience qu'un jour, quelqu'un me remplacera. Comme j'ai remplacé Michael Phelps, j'espère être suffisamment humble pour soutenir celui ou celle qui prendra ma place derrière. C'est pour cela que je n'ai pas interrompu mes études pour nager, et que je cumule les deux. Mes parents et mon coach y veillent. Je suis sportif de haut niveau, je sais que l'on passe vite du rêve à la déchéance, qu'une carrière ne dure qu'un temps, et je veux en profiter tant que je le peux.

— Qu'est-ce que tu fais à la piscine au fait ?! reprend-je. À part distribuer des bouteilles d'eau ?

— Je dépose des serviettes dans les vestiaires, réplique-t-elle.

Un sourire étire mes lèvres. Elle croise les bras et envoie ses cheveux voler sur son épaule. Sa queue de cheval bat derrière sa nuque. Elle porte toujours son t-shirt de bénévole, noué sur son ventre, au-dessus d'un short laissant voir ses jambes. Je côtoie évidemment des filles à l'université, mais à cause de mes entraînements, je n'ai pas beaucoup de temps pour l'amour et les rencontre. Et aucune ne m'a jamais fait cet effet-là. Cette fille est une inconnue (que j'emprisonne dans un ascenseur) et elle m'intrigue sans raison apparente.

— Et... au sujet des vestiaires, reprend-elle.

— Oui ?

— Je n'ai pas fait exprès de te voir... comme ça... j'étais venue chercher ma gourde, je l'avais oublié.

— Comme ça ? C'est à dire ?

Son sourcil s'arque en circonflexe. J'aime.

— Quoi ? Tu veux que je dise que j'ai vu tes attributs masculins, c'est ça ?

— Attributs ? Intéressant.

Elle lève les yeux au plafond.

— J'ai déjà vu des fesses tu sais, les tiennes n'ont rien d'exceptionnel.

Dommage.

— Des pénis aussi, il y en avait plein de dessiner sur les tables au lycée.

Je ris, cette fille est géniale. Drôle et piquante.

— Ouais, le folklore de la vie lycéenne.

— Les mecs devraient apprendre à dessiner autre chose, des clitoris par exemple, ça changerait.

— C'est vrai.

Disons que les hommes sont très primaires, surtout les ados.

— Bon, tu peux t'écarter de la porte s'il te plaît ? J'aimerais aller me coucher.

J'opine du chef, elle a raison. Moi aussi, il faut que je regagne mon lit, sinon Bob et mon père vont me tuer demain matin.

— On se verra demain ? m'assuré-je.

— Peut être champion, peut-être.

— T'oublieras pas ma bouteille d'eau et ma serviette ?

— C'est mon travail. Toi tu nages, moi je livre.

— Et à part ça, tu fais quoi dans la vie ?

— Fac de lettres. Bon, tu t'écartes de la porte oui ou non ?

Je hoche la tête. J'avoue avoir du mal à la quitter, je serai bien resté discuter plusieurs heures, mais si je veux grappiller quelques heures de sommeil et me lever tôt pour aller m'entraîner demain, et être prêt pour ma demi-finale, je dois me reposer et récupérer.

Je renonce donc à ma discussion dans l'ascenseur et m'écarte.

Les portes se referment sur Apolline, la fille aux yeux océans.

Durant les minutes qui suivent, je reste à les observer, mon cœur battant à tout rompre.

Ce soir, je suis triple médaille olympique.

Et j'ai des papillons dans le ventre quand je pense à cette fille.

*

J'espère que vous avez apprécié ce chapitre 😏
Et juste parce que c'est drôle. Regardez le tweet que quelqu'un m'a transmis, il a été posté par Leon Marchand. Le hasard fait que la petite fille en question s'appelle Apolline 🤣

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