Chapitre 7 - Soirée entre amis (Apolline)




— Je vous prends quoi ?

La phrase de Sophie reste suspendue dans les airs. Ce n'est que lorsqu'elle la répète une seconde fois que je réagis.

— Hein ? Euh... Un mojito.

— Pour moi aussi, ajoute Olivia.

— Bon, ben trois alors.

J'essaye de ne pas regarder en direction de Léon Marchand, mais c'est plus fort que moi. Ce garçon a remporté DEUX titres olympiques, deux médailles d'or, en moins de deux heures. C'est incroyable, du jamais vu. Il a marqué l'histoire à tout juste 22 ans. Et le pire, c'est qu'il n'a pas l'air aussi prétentieux que je le pressentais. J'ai écouté son interview après la seconde compétition, il était calme, posé. Rien à voir avec Yohan, son air guindé et sa grosse tête. Lui, il est d'un calme olympien. Comme en ce moment, assis au milieu de ses amis. Alors qu'ils sont tous excités, il se contente de sourire, de hocher la tête, de répondre avec prévenance et politesse en sirotant son cocktail.

— On s'assoit où ? demande Olivia.

— Eh ! Mais c'est Léon Marchand, non ? s'exclame Sophie.

Sans rire !

Je ne peux m'empêcher de me dire que s'il est là, assis avec ses amis, c'est qu'il a trouvé la serviette que je lui avais préparé dans les vestiaires (ou alors il s'est essuyé avec autre chose ! Au bordel, pourquoi je pense à ça ? C'est ridicule !).

— Ouais, je crois que c'est lui.

Olivia arque un sourcil, je fais mine de ne pas l'avoir remarquer et récupère mon verre en désignant une table. Nous nous y installons, et immanquablement, les filles se remettent à discuter des JO. Nous n'avons que ce mot à la bouche depuis des semaines. Sophie extirpe son portable pour voir les résultats du jour (pas ceux concernant Léon, il existe d'autres athlètes figurez-vous). Elle nous annonce qu'on a obtenu une médaille de bronze au BMX, une médaille d'or au triathlon pour les femmes, et une de bronze pour les hommes. Nous sommes troisième au classement général pour le moment : les chinois sont premier, suivis des Etats-Unis. Nous totalisons plus de médailles que la Chine, mais ce sont malheureusement uniquement celles en or qui comptent au classement général. Et trois sur huit viennent de Léon.

— Il nage demain ? demande Sophie, ses yeux déviant vers Léon.

— Oui, demi-finale du 200m 4 nages.

— T'as appris ses compet' par cœur ?

Je lève les yeux au ciel.

— Inutile, mon père en a parlé tout à l'heure.

En tant qu'organisateur des jeux, il est au fait de qui s'inscrit à quoi et ne cesse de me bassiner avec ça. Mes frères m'ont rappelé que je l'avais cherché en décidant de passer l'été avec lui au lieu de venir en vacances sur la Côte. En pensant à mes frères, je me souviens que Jack m'a demandé un autographe de Léon, il faudra que je trouve une occasion. Je pourrai y aller maintenant, mais je ne veux pas le déranger alors qu'il est en famille.

— Vous êtes à l'Arena demain ? demande Olivia.

— Moi oui, confirmé-je, je change la semaine prochaine. Et vous ?

— Le canoë pour moi, soupire Sophie.

Heureusement, Olivia sera avec moi.

— Dommage, j'aurais bien aimé regarder Léon.

— Tu veux que je demande à mon père qu'il t'échange avec un autre bénévole ?

Sophie secoue la tête.

— T'inquiète, j'aime bien le canoë aussi.

C'est vrai que ce sont de superbes épreuves à regarder. J'aime beaucoup les sports d'eau en général, notamment la natation, le kayak, le canoë et l'aviron. Mon père, Tony Estanguet, est triple champion olympique lui aussi : Sydney en 2000, Athènes en 2004, Londres en 2012. Bon, il n'a pas obtenu toutes ces médailles en quelques jours, lui, mais ça fait quand même un beau palmarès.

— Vous pensez qu'on peut avoir quelque chose à manger ? demande soudain Olivia, me sortant de mes pensées. J'ai quasi rien avalé ce soir.

Je me retourne vers le comptoir et jette un regard sur le bar. Mon père a une chambre ici durant les jeux, et je partage sa suite alors que les filles vivent chez des amis qui les logent dans Paris. Je connais mieux l'hôtel qu'elles, aussi je propose d'aller négocier auprès du barman. Il doit bien avoir quelques cacahuètes ou amuses bouches de côté.

Je m'avance vers le comptoir.

— Salut Tom, tu aurais quelque chose à manger ?

Le dénommé Tom, qui s'occupe aussi du petit déjeuner, lève les yeux au ciel.

— Ton père ne te donne rien manger ?

— C'est pour mes amies.

Je pointe les filles du doigt. Il ne va pas laisser trois filles mourir de faim quand même ?

— Je vais voir ce que je peux faire, soupire-t-il.

— Vous pourriez aussi me préparer un deuxième cocktail sans alcool ? Le premier était délicieux.

Je me fige.

Tourne doucement la tête sur le côté.

Léon m'observe avec un sourire en coin.

— Si vous voulez, vos amies et vous peuvent se joindre à nous, on a de quoi manger.

Il me désigne sa famille et ses amis réunis autour d'une table plein de victuailles. Mon ventre se met à gronder et j'ouvre la bouche pour répondre que « Non, merci, ça va aller, je ne suis pas une profiteuse et puis même, je ne vais pas te déranger », sauf que le barman lance :

— Ça c'est une bonne idée !

Maudit soit Tom ! Il va m'entendre au petit déjeuner demain.

Au passage, je ne savais pas que Léon Marchand se trouvait dans le même hôtel que moi, je n'ai pas eu l'occasion de le croiser. J'imagine qu'il se lève tôt pour aller nager.

— C'est très gentil, mais...

— Ça me ferait plaisir, insiste Léon. Une façon de vous remercier.

— Pour ?

— La serviette. Et l'eau aussi.

Hein ?

— Je n'ai fait que mon travail, lui rappelé-je. Et on peut se tutoyer. On a quoi ? Deux jours d'écart.

Qu'est-ce qui me prend d'être aussi assurée tout à coup ?

         Ses sourcils se froncent. Je rougis. Et mince. J'aurais mieux fait de me taire, mon mojito me monte à la tête. C'est alors que Léon se met à sourire et demande :

— Tu es née le 15 ou le 19 mai ?

— 15, avoué-je.

Je suis grillée, il a compris que j'avais lu sa biographie sur Wikipédia. Et que j'étais plus vieille que lui aussi (OK, de deux jours, mais quand même...).

— 2002 ?

— Meilleure année.

Un sourire étire ses lèvres et le mien en miroir. Mon cœur accélère avec frénésie alors qu'une mince complicité se tisse entre nous. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive, ni pourquoi ce garçon me fait cet effet. À la télé, ils parlent tous de « l'effet Léon », mais c'est censé être en rapport avec le sport, pas avec mon cœur.

— Tu viens alors ?

— Pourquoi pas. Au fait, je m'appelle Apolline.

— Je sais. Je l'ai entendu tout à l'heure quand tu es arrivé. Moi, c'est Léon.

— Je sais. C'est marqué partout à la télé et dans les journaux, répliqué-je sur un ton taquin.

Nos lèvres s'étirent en un sourire connivence. Pendant que je vais chercher les filles qui manquent de tomber des nus que je leur apprends que j'ai non seulement trouvé de quoi manger, mais aussi de nouveaux amis, Tom s'occupe de servir de nouveaux cocktails.

Une fois installée avec la famille et les amis de Léon Marchand, je me sens très gênée. À l'inverse, Olivia et Sophie sont comme deux poissons dans l'eau (c'est le cas de le dire), elles se mettent aussitôt à discuter avec deux garçons et Oscar - le petit frère - qui a l'air monté sur ressort.

Je sirote mon Mojito en jetant des regards vers Léon qui discute avec ses parents. Son calme olympien me fascine. Moi qui suis toujours très énergique - voire excitée, d'après mon père - je suis intriguée de savoir comment font ceux qui sont calmes.

— Tu as l'air fatigué mon chéri, tu devrais aller te coucher.

La remarque de sa mère m'arrache un sourire. La mienne a tendance à être surprotectrice, elle aussi. Elle m'a appelée trois fois aujourd'hui pour me demander si j'avais pensé à boire et si mon père ne m'exploitait pas trop.

— Je ne suis pas sûr de réussir à dormir, répond Léon.

— La compétition n'est pas fini, renchérit son père. Tu dois garder tes objectifs en tête et te reposer.

— J'irai au lit d'ici quelques minutes.

— Je te raccompagne si tu veux ?

Tous les regards se tournent vers moi. Je pique un fard.

Et flûte numéro 667... J'enchaîne les gaffes ou quoi ?

— Enfin... c'est juste que je loge à l'hôtel aussi, et je comptais aller me coucher.

Le pire, c'est que c'est vrai. Léon me sourit et hoche la tête.

— Avec plaisir.

Il accepte ? Les filles ont l'air aussi choqué que moi et je tente de reprendre mes esprits. Ce type est juste un nageur. On a le même âge à deux jours près, ce n'est pas un Dieu (malgré ce qu'on l'air d'affirmer les journalistes). C'est juste un étudiant comme moi qui doit aller se coucher parce qu'il bosse demain.

— Passez une bonne nuit.

Il embrasse tout le monde pendant que je salue les filles, leur rappelant qu'elles ne doivent pas se coucher trop tard non plus. Olivia me fait un clin d'œil, je crois qu'elle apprécie l'un des amis de Léon. Quant à Sophie, il discute avec une fille avec entrain. À mon avis, la nuit sera courte. Je ne serai pas étonnée de les retrouver demain avec des cernes sous les yeux, en train de m'expliquer qu'elles ont passé la nuit en boîte !

Nous quittons le bar, direction l'ascenseur.

Le silence s'installe entre nous pendant que nous attendons qu'il arrive.

Les portes finissent par s'ouvrir dans un Ting !

— Après toi ? propose Léon, galant.

— Non, toi.

— J'insiste.

— Je suis plus vieille, c'est moi qui commande.

— Je suis un homme, c'est normal que la femme passe en premier.

Je lève les yeux au ciel. Quel cliché !

— Et moi féministe : allez ! Grimpe dans l'ascenseur, monsieur le triple médaillé olympique.

Il éclate de rire et consent à passer le premier. Je suis fière de ma victoire !

Les portes se referment, nous enfermant tous les deux dans cet espace étroit et confiné.


*

Je vous laisse sur cette fin pleine de suspense :p

Vous me direz quels sont vos pronostics et scénarios ;)

Et j'en profite pour demander : si certain(e)s d'entre vous ont des talents artistiques, n'hésitez pas à me proposer des fanarts sur notre cher Léon et Apolline ;) (Moi je suis trop nulle en dessin, vous ne voulez pas que je déforme Léon, vraiment XD).

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