Chapitre 18 - Un relais en bronze (Léon)

Ce soir, c'est ma dernière compétition. Après cela, les jeux seront finis pour moi. Assis avec les trois autres nageurs français, dans la call room, je mesure la chance que j'ai de partager cette course avec ces trois hommes talentueux : Florent Manaudou, Yohann Ndoye-Brouard, Maxime Grousset. La France n'a jamais remporté de médailles sur le relais.

J'espère que nous marquerons l'histoire ce soir.

Encore une fois.

La France est déjà en phase d'avoir le plus de médailles, toutes couleurs confondues, depuis les JO de Pekin. C'est historique. C'est beau, et je mesure la chance que j'ai de participer à cela et de faire partie de ce pays, de ces jeux que l'on a tant critiquer, et qui rassemble aujourd'hui des milliers de spectateurs.

Paris n'a jamais autant fait rêver que cet été.

Avant de rejoindre les tribunes, Apolline est venue me trouver. Elle m'a apportée une bouteille d'eau et promise une serviette douce après la course. Cela m'a fait sourire. Je continue de sourire comme un idiot depuis que je l'ai embrassé. Même Bob n'a rien trouvé à redire, en voyant que cette idylle me galvanisait. Apolline me fait pousser des ailes, je suis sûr de pouvoir devenir plus performant grâce à elle, pousser par ses encouragements et notre amour naissant.

Evidemment, les réseaux sociaux ont parlé de nous. Les clients du restaurant nous ont pris en photo, on s'est vite retrouvé à la Une d'un deuxième magazine et de nouvelles vidéos sont apparues sur Tiktok. Apolline me les a montrés, l'air désolé. Elle n'y est pour rien si les gens s'emballent vite. J'ai discuté de cela avec mes parents et mon tout nouvel attaché presse. Lui dit que cela remonte ma côte de popularité, mais qu'il faut rester prudent (on ne sait jamais, des fans pourraient s'en prendre à Apolline).

Notre histoire n'en est qu'à son balbutiement. Elle, comme moi, sommes convenus de ne pas nous étaler dessus. Nous laisserons les journalistes tisser leurs bêtises, les gens se faire leurs idées, et nous avancerons, petit à petit. Je ne sais pas où tout cela nous conduira, mais nous ne sommes pas pressés. Je sais seulement que pour l'heure, cette fille fait battre mon cœur et cela me suffit.

Pour l'instant, je dois vivre la dernière compétition de ses JO, et Bob a raison. Ma priorité : c'est de rester concentrer et de vivre les choses à fond.

— Vous êtes prêts ? lance Florent.

Je lève le pouce et fais face aux trois nageurs en face de moi. Les autres nations sont réparties autour de nous, concentrés.

— Prêt ! clame Yohan.

— Je pense qu'on a nos chances, ajouté-je.

— On est où ? demande Maxime.

— Ligne 4, répond-je.

— Ce soir, on gagne les gars ! assure Maxime.

— Bien sûr qu'on va gagner, surtout avec Léon dans l'équipe, lance Yoan en me donnant une tape sur l'épaule.

— On ne sait pas ce qui va se passer, rappelé-je. C'est une finale, tout peut se jouer. Mais l'important, c'est d'en profiter.

— Et de participer, rappelle Florent en utilisant la devise des jeux olympiques. C'est la dernière course des jeux en France. On est à la maison les gars ! Alors on fait honneur à notre pays.

— Ça va être fou ! On va kiffer.

Je souris. La pression se fait sentir. Nager seul est une chose, nager en équipe en est une autre. Nous sommes prêts à débuter le 4x100m 4 nages, et j'espère être à la hauteur.

Le micro nous appelle, il est temps d'y aller.

Nation par nation, nous sortons de la call room et nous avançons vers les bassins. Comme toujours, j'aperçois mes parents et Oscar, en première ligne dans les tribunes. Cette fois, Apolline est avec eux. Elle lève un panneau avec mon nom dessus, comme mon petit frère, et les voir complices me fait sourire. Ses amies aussi m'encouragent. Je vérifie que mon bonnet est en place, mes lunettes aussi et retire ma doudoune avant de m'échauffer.

Yohann se place en position, c'est lui qui débute.

Bip !

Le top départ est donné.

Yohan s'élance et je me tiens prêt pour prendre la suite. Quand il revient dans la ligne d'eau, je plonge. Mon corps rencontre la surface de l'eau froide et je pousse sur mes muscles, mes bras et mes jambes, le plus rapidement possible. Je me sens bien, l'eau n'a pas d'emprise sur moi, je suis comme un poisson, ou un requin, pourfendant les vagues. La foule scande mon nom, me donnant la force d'avancer plus loin et plus vite. Je remonte. Florent prend la suite, puis c'est au tour de Maxime. Papillon, dos, brasse, crawl. Nous pouvons y arriver.

Accrochés à la ligne d'eau, j'attends que Maxime revienne. La Chine finit première, les États-Unis sont second et... 

— La France est en phase de...

Nous finissons troisième.

— MÉDAILLE DE BROOOOOOONZE !

Le bip retentit dans l'Arena. La foule hurle. La France finit troisième de ce relais masculin. Je lève mon poing, ouvre la main. Cinquième victoire !

— Cinquième victoire pour Léon Marchand !!! Médaille de bronze pour le relais homme ! C'est historique. La France n'avait encore jamais remporté de médailles sur le relais. C'est incroyable !

Je sors de l'eau, bras levés, tous mes doigts écartés.

Cinq ! C'est fou !

La foule exulte. Moi aussi. J'ai le cœur qui bat plus fort que lorsque j'étais dans l'ascenseur avec Apolline, plus fort que lors de mes quatre précédentes courses. Jouer collectif, me battre avec les autres et pour les autres, c'est un sentiment totalement différent d'être en solitaire. Maxime, Yohan et Florent se précipitent vers moi. On se prend tous les quatre dans les bras, on hurle, on se frappe les épaules, on explose de joie, nous joignant aux hurlements des 15 000 spectateurs présents ce soir. Il n'y a pas à dire, il n'existe pas plus beau sentiment, plus belle sensation, que celle procurait par la victoire.

— Vive la France !!!!!! hurle Florent, le poing brandit.

— Ça fait du bien, déclare Maxime.

— On l'a fait les gars ! lancé-je.

— On a une médaille !!! Une dernière médaille ! exulte Yohan.

Il ouvre sa paume, nous plaçons la nôtre et hurlons en cœur en levant nos mains.

Le reste n'est qu'un enchaînement d'événements, auquel je ne me suis toujours pas habitué, même après quatre victoires en solo. Monter sur le podium, saluer le public, se voir passer la médaille autour du cou. Ce n'est pas de l'or qui brille sur mon torse ce soir, mais cette médaille de bronze a un goût particulier, parce que c'est une médaille acquise en équipe et que je suis fier d'avoir participé, et d'être auprès de ces quatre formidables nageurs.

Je lève mon regard vers les écrans, où nos visages sont reflétés. Ça y est, je fais partie du panthéon des nageurs olympiques, les meilleurs de ma génération. Ces jeux ont été fou. Je n'aurais jamais cru vivre cela avant de venir à Paris. Bien sûr, je l'espérais, mais on n'est jamais vraiment prêt. J'ai tout gagné. Tout. Pas seulement des victoires et des médailles, mais l'affection du public aussi.

Je suis fier de tous les sacrifices que j'ai fait et fier de rendre heureux mes proches et mon pays.

J'ai marqué l'Histoire chez moi. Ici, en France, à Paris.

Aucune autre victoire n'aura jamais ce goût-là.

Nous descendons du podium, les larmes aux yeux, le cœur battant à tout rompre.

— LÉON !

Je me retourne, sourire aux lèvres, m'attendant à voir mon petit frère ou mes parents, mais c'est sur Apolline et ses deux copines bénévoles que mes yeux tombent. Ma petite amie me fixe de ses yeux bleu océan et je vois briller la fierté dans son regard. Nous nous observons, aussi hésitant l'un que l'autre, mais soudain, je n'y tins plus. J'écarte les bras.

Elle court vers moi, se laisse tomber contre mon torse. J'hume son parfum de lilas et quand elle relève la tête, nos lèvres se retrouvent à quelques centimètres. Je viens les chercher, les yeux fermés. La foule scande encore mon nom et applaudit. Apolline recule, les joues rouges, sa queue de cheval battant dans son dos.

— Ne prends pas la grosse tête, champion, me lance-t-elle, taquine.

— Je n'en avais pas l'intention, répond-je avec un clin d'œil.

Je lui vole un nouveau baiser. La suite se passe comme dans un rêve. Les journalistes viennent me chercher pour une interview avec les autres nageurs, mes parents m'entraînent, Bob revient me féliciter. Apolline reste en retrait, je la vois disparaître avec les autres bénévoles, des serviettes et des bouteilles sous les bras, prêtes à faire la mission qui leur a été confiée.

Une mission sans laquelle je ne l'aurais jamais rencontré.

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