Weldenmaëla rencontre Skolir


Mais la Forêt veillait sur ses enfants. Elle envoya des dryades, des créatures de sylve qui pouvaient voyager rapidement par des chemins cachés, pour ramener Weldenmaëla. Elles trouvèrent la princesse de Loec au sommet d'une tour en ruine, au milieu d'une citée en cendre. A quelques pas de son corps, il y avait une forme pourrie et déformée, les restes du magicien. Weldenmaëla était faible, mais en vie. Les esprits des forêts la portèrent en Athel Loren.

Elle fut confiée aux soins de Durthu, un des doyens des arbres, une créature sage et presque aussi ancienne que la Forêt elle-même. Mais malgré toutes ses connaissances, il ne parvint pas à dissiper la malédiction qui entourait Weldenmaëla. Lorsque l'elfe s'éveilla, elle fut immédiatement saluée par le géant de bois, qui la veillait avec patience des créatures de sève :

« Princesse de Loec, c'est un honneur de te recevoir, même si les circonstances sont funestes.
- Je vous reconnais, Durthu l'ancien. Est-ce à vous que je dois la vie ?
- Garde ta gratitude, car je n'ai pas réussi à te sauver. Pour éloigner ta malédiction, et éviter la mort qui te guette, tu devras rester cachée du monde au plus profond de la Forêt, où le pouvoir du Chaos ne pourra pas t'atteindre. »

Alors, en apprenant cela, Weldenmaëla maudit le Chaos, et tous ses sbires.

Quand elle put à nouveau marcher, Durthu la guida vers les bosquets les plus reculés du sud d'Athel Loren. Cette partie du bois s'appelait Cythral, et peu d'elfes y vivaient car au fond des bois chassaient parfois des créatures aigries et rancunières qui, au contraire du reste de la forêt, n'avaient jamais accepté la venue des asraï.

Les clans elfiques qui habitaient là avaient la tâche de surveiller ces bois sombres. Ils étaient plus fermés leurs congénères du nord d'Athel Loren et vivaient en petites communautés isolées, sous la suzeraineté lointaine de la reine du royaume de Cythral.

Durthu et Weldenmaëla arrivèrent dans les collines escarpées d'Edur Edoc'sil, au sud-ouest du royaume. Ces terres étaient sous la garde du clan de forestiers que l'on appelait Du Datia Yawë. Il était dirigé par le chef Skolir. Celui-ci connaissait la réputation de la princesse de Loec, et l'accueillit avec joie dans son clan.

Weldenmaëla habita d'abord chez Ignasia, la jeune guérisseuse du clan. Ainsi, elle pouvait recevoir des soins rapidement, car elle subissait parfois d'imprévisibles crises de douleur et de faiblesse qui la laissaient aux portes de l'évanouissement. Ignasia atténuait ces sursauts de sa maladie grâce à ses connaissances des herbes et des filtres, sans jamais totalement faire disparaître le mal.

Skolir s'inquiéta au départ que la sobriété du mode de vie des clans de Cythral ne répugne à cette guerrière à l'éclatante réputation. Ses craintes se dissipèrent rapidement, car la princesse de Loec ne montrait aucun signe de malaise ou d'ennui. Au contraire, elle semblait curieuse de tout ce qu'elle ne connaissait pas, et avide d'apprendre les coutumes des forestiers. Weldenmaëla s'était en parti résignée à sa nouvelle vie.

Skolir passait souvent chez Ignasia pour prendre des nouvelles de son invitée. Et plus le temps passait, plus ses visites s'allongeaient, et plus les discussions qu'il avait avec elle devenaient personnelles. Ignasia remarqua les yeux timides du chef du clan quand ceux-ci se posaient sur le visage et la chevelure de Weldenmaëla, mais la guérisseuse ne fournit que des réponses énigmatiques aux elfes qui l'interrogeaient sur son sourire amusé.

Aussi loin au cœur de la forêt, Weldenmaëla reprit rapidement des forces. Ses crises s'espacèrent de plus en plus. Son bras ne retrouva jamais la vigueur qu'il avait, mais elle apprit rapidement les méthodes subtiles des forestiers de Skolir. Elle reçut un arc afin de combattre de loin, et une cape pour se dissimuler, car telles étaient les tactiques pratiquées en ces contrées. Après un an, elle put participer aux surveillances et aux traques du clan qui l'avait recueillie. Skolir l'emmenait régulièrement dans les longues patrouilles que lui et les siens devaient faire dans les sentiers les plus sombres d'Athel Loren.

Une autre année passa. Les sentiments que Skolir avait pour Weldenmaëla devenaient de plus en plus visibles, et en retour celle-ci développa pour lui une affection réelle et profonde. Quand la neige tomba sur Educ Edoc'sil pour la deuxième année suivant l'arrivée de Weldenmaëla, Skolir lui demanda sa main. Weldenmaëla accepta avec joie, et ils se marièrent aux premiers jours du printemps. Skolir et Weldenmaëla devinrent alors chefs consorts du clan Du Datia Yawë. Ils étaient toujours proches lors des chasses dans les futaies sombres, et inséparables lors des fêtes dans les halls du clan.

Avec le temps, Weldenmaëla devint nostalgique de Fyr Darric. Elle ne pouvait s'empêcher de se rappeler de l'éclat des célébrations en l'honneur de Loec. Elle en parla à Skolir, qui lui proposa d'initier quelques forestiers au culte du dieu de la danse. Weldenmaëla le fit avec enthousiasme. Ces premiers danseurs s'empressèrent de démontrer leurs talents nouvellement acquis dans des démonstrations d'adresse qui remplirent d'admiration leurs spectateurs. Rapidement, on entendit parler des danseurs de guerre d'Educ Edoc'sil dans tout Cythral, et même au-delà. Ces nouveaux adorateurs de Loec en vinrent même à organiser quelques fêtes flamboyantes semblables à celles que Weldenmaëla avait décrite, et tous ceux y assistèrent furent éblouis. Une partie des combattants du clan laissèrent l'arc pour l'épée ou la lance des danseurs. Ils continuaient leur garde des bois sombres, mais ils s'opposaient aux créatures belliqueux par l'escrime et l'adresse, et non plus seulement par la flèche et l'embuscade.

Weldenmaëla se réjouit du succès de la diffusion de ses arts parmi les elfes du clan. Mais d'autres préférèrent conserver les anciennes pratiques, de crainte d'attirer l'attention d'ennemis qu'ils ne pourraient pas stopper. Skolir était de ceux-là. Il avait d'abord été favorable aux projets de son épouse, et ne s'opposa jamais à elle au sujet des danseurs de guerre, mais il ne pouvait pas s'éloigner lui-même des traditions qu'il avait suivies plusieurs décennies. Il lui arrivait parfois d'être mal à l'aise face à l'exubérance et à la splendeur déployée par la princesse de Loec et les siens.

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