Le duel de Finiarel
Weldenmaëla se fatiguait rapidement, et Ignasia faisait souvent arrêter le groupe pour pouvoir reposer la cheffe du clan. La guérisseuse en profitait quand c'était nécessaire pour lui faire boire une des petites fioles qu'elle avait apportées. Celles-ci redonnaient à Weldenmaëla assez de force pour atteindre l'étape du jour, mais alors la princesse de Loec était rattrapée le soir par la fatigue de la journée, dès que le philtre cessait de faire effet.
Les collines escarpées d'Edur Edoc'sil laissèrent place à un relief plus plat. Des petits cours d'eau ralentirent la marche, et ils devinrent plus nombreux, et plus larges, à mesure que les compagnons se rapprochaient du fleuve Brienne, qui délimitait la frontière nord du royaume. La forêt changeait aussi : les clairières devenaient plus grandes, et les chênes cédèrent la place à de petits conifères à l'écorce grise.
Alors qu'ils n'étaient plus qu'à trois jours de marche de Tal Drost, et qu'ils s'apprêtaient à monter le camp dans une clairière, les cinq voyageurs entendirent soudain le bruit d'une trompe. Ils étaient trop fatigués, les jambes trop lourdes, pour tenter de fuir. Ils se mirent en cercle et tirèrent leurs armes. Quelques instants plus tard, ils furent encerclés par une dizaine de rôdeurs. Les patrouilleurs étaient trop loin pour les frapper de leurs haches, mais ils s'étaient placés de manière à couper toute tentative de fuite.
Celui qui paraissait être le chef du groupe interpella alors les voyageurs :
« Je reconnais le visage de la cheffe Weldenmaëla d'Edur Edoc'sil, mais trop de changeurs de formes errent dans nos bois. Que chacun de vous s'entaille la main, et nous montre de quel sang il est fait. Si vous saignez, et êtes bien des elfes, nous vous laisserons partir.
- Septique protecteur des elfes, intervint Finiarel d'une voix courroucée, votre demande m'insulte. Je vois des histoires dans mes cicatrices, des preuves de coups reçus face à des évènements trop grands pour être évités. Que dirais-je si on me demande quelle aventure m'a infligé cette entaille que vous demandez ? Que j'ai cédé à un ordre lancé par un inconnu ? On se rira de moi !
- Votre remarque vous honore si vous êtes qui vous dites être, mais ne vous sauvera pas si vous ne l'êtes pas.
- Je vous propose un duel, porteur de hache, car il n'y a qu'ainsi que je pourrai justifier d'une blessure. »
« Porteur de hache » était un nom injurieux pour les asraï, le rôdeur accepta le défi. Il descendit dans la clairière et se mit en garde. Le reste de sa patrouille resta en place autour de la clairière.
« Ce rude patrouilleur n'est pas aussi civilisé que son langage le laisse paraître, confia Finiarel à ses compagnons avant le combat. J'ai blessé son orgueil en défiant son ordre, et il est peu probable qu'il se contente d'une goutte de sang pour mettre fin au duel. Si je perds, abandonnez-moi au sol, laissez mes affaires ici, et rejoignez Tal Drost au plus tôt. Je vous rattraperai. »
Puis, laissant ses compagnons sur ces dernières paroles, il marcha vers son adversaire. Finiarel était équipé très légèrement, à la manière des danseurs de Loec : habillé seulement d'un pagne et de quelques peintures de guerre, il avait tiré de son paquetage une courte épée au fin tranchant. Son adversaire maniait une bardiche capable de trancher aisément bois et os, et portait une armure de cuir bouilli. Ils coururent l'un sur l'autre. Le danseur de guerre était léger et rapide, et lança aussitôt plusieurs assauts tantôt à droite, tantôt à gauche. Mais le rôdeur était un combattant expérimenté. Il para tous les coups de Finiarel les uns après les autres, et ne ripostait que rarement en balayant l'espace de son arme. L'une des bottes du danseur de guerre lui permit de passer sous la garde du rodeur, et de planter son arme peu profondément sous sa hanche, avant d'être repoussé par un moulinet de la bardiche. Une gerbe de sang jaillit du flan du rôdeur et éclaboussa l'herbe au sol. Mais l'elfe blessé se remit immédiatement en garde, avec une grimace.
Le combat se prolongea quelques minutes, et il devint évident que Finiarel fatiguait, alors que son adversaire, endurant et immobile, ne montrait pas de signe de lassitude. Le danseur finit par faire un faux pas, et le rôdeur remarqua immédiatement l'opportunité qu'il attendait. Finiarel tenta de reculer, mais tous virent la bardiche passer sur son ventre de bas en haut. Le danseur tomba immédiatement face contre terre, et ne bougea plus. Le patrouilleur retourna le corps du pied, et son ventre était rouge de sang, et le sol en dessous aussi.
Satisfait, le rôdeur déclara avec ironie :
« Il était bien un elfe, et vous devez l'être aussi. Nous vous souhaitons bonne route. Prenez garde car ces chemins sont dangereux ».
D'un geste, il ordonna aux autres patrouilleurs de quitter la clairière. Les compagnons de Finiarel, suivant ses dernières consignes, le laissèrent là, et repartir immédiatement vers Tal Drost. Ils pressèrent l'allure, car ils savaient que les rôdeurs étaient restés dans les environs.
Pendant les trois jours et deux nuits que dura le reste du voyage, ils ne parlèrent guère. L'absence de Finiarel pesait sur leurs pensées. Ils traversèrent sans les voir les dernières vallées jusqu'à Tal Drost.
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