La reine Allisara
Allisara gouvernait le royaume de Mordryn, et était aussi la sœur d'Ariel, la Grande Reine d'Athel Loren. Depuis leur jeunesse, elles étaient toutes les deux reconnues pour leurs talents de mages, et pour leur intelligence peu commune. Quand la déesse Isha prit le corps d'Ariel et devint la reine de la Forêt, elle confia la garde du royaume le plus occidental de la forêt à sa sœur, afin que ces terres voisines du royaume des hommes soient dirigées avec droiture et sagesse. On disait parfois que c'était Allisara elle-même qui avait demandé à vivre sur les terres les plus à l'ouest d'Athel Loren, pour une raison inconnue. Depuis des siècles, Allisara s'était acquittée de sa tâche de reine et gouvernante de Mordryn avec loyauté et efficacité.
Quand le message du seigneur Raenor lui parvint, Allisara décida de quitter son palais et de rejoindre Vlena à vive allure. Elle partit avec une escorte réduite, car elle ne voulait pas dégarnir les troupes de sa capitale. A son arrivée, les habitants lui firent grand accueil, car elle était appréciée de son peuple. Mais elle ne s'attarda pas avec la population, car elle avait pressenti d'après l'alarme de la lettre de Raenor que Weldenmaëla était au plus mal. Elle accouru au chevet de la Princesse de Loec, constata son état, et dit au seigneur Raenor :
« L'état de votre invitée est précaire. Elle pourra vous être reconnaissante de la diligence avec laquelle vous m'avez prévenue, car je crois pouvoir la soigner. Laissez-moi tranquille quelque temps. »
Alors le seigneur fit garder la chambre avec ordre de maintenir à distance les curieux. Dame Allisara ne fut dérangée qu'une fois pendant la nuit et la journée qu'elle passa auprès de Weldenmaëla, quand on transporta Finiarel auprès d'elle. Le danseur, pâle et tremblant, ne s'était pas encore levé, malgré les soins prodigués par les médecins de Vlena. Allisara se détourna un court instant de sa tâche, apposa ses mains sur le malade, et celui-ci retrouva les couleurs qu'il avait perdu. Sa guérison fut accueillie avec grande joie par Aiedail, Erisdar et Ignasia, qui pour la seconde fois avaient cru le perdre.
Le lendemain matin, quand Weldenmaëla s'éveilla enfin, elle remarqua quelqu'un sur le balcon de sa chambre. La cheffe de clan se leva rejoignit l'inconnue sur le balcon.
« Bienvenue en Mordryn, Princesse de Loec, l'accueillit l'inconnue.
- Est-ce vous que je dois remercier pour nous avoir fait quitter les terres enneigées ? demanda Weldenmaëla avec respect.
- Je n'y ai pas contribué, Princesse de Loec. Vous devez votre chance à votre hôte et votre fille je crois, répondit Allisara avec douceur.
- Si vous n'êtes ni mon hôte, ni celle qui nous a sorti du froid, peut-être vous dois-je les soins qui m'ont remise sur pied ?
- Pour cela, j'accepte vos remerciements, concéda la reine sobrement.
- Je ne me suis pas senti aussi bien depuis bien longtemps. Merci mille fois. Sans doute avez-vous appris de la reine Allisara dont on m'a vanté les dons. J'aimerais me rendre auprès d'elle dès que possible.
- Weldenmaëla, je suis Allisara. »
Alors immédiatement Weldenmaëla s'agenouilla. Mais la reine la fit se relever et reprit, la voix emplie de tristesse :
« Weldenmaëla, je connais la raison de ta venue en mon royaume. Mais hélas, j'ai essayé tout ce que je pouvais, et je ne suis pas parvenu à enrayer le mal qui te ronge. Tu vivras encore une poignée de mois, et tu auras pendant ce temps la force de ta jeunesse. C'est là tout le sursis que mes trop maigres talents peuvent t'offrir. Mais ta survie est hors de mon pouvoir, et je le crains, hors de ceux de quiconque en Athel Loren. »
Alors Weldenmaëla se figea. Et elle ne parvint pas à prononcer le moindre mot, car ses derniers espoirs de survie s'étaient éteints. Elle resta interdite un long moment. Finalement, ne trouvant pas quoi ajouter, Allisara décida de la laisser seule. La cheffe de clan lui adressa alors quelques derniers mots :
« Si je le pouvais, je vous serais éternellement reconnaissante d'avoir essayé. Je vous dois bien plus qu'une poignée de mois de gratitude. »
Allisara quitta la pièce en masquant ses larmes. Elle ne dit pas un mot de l'échange qu'elles avaient eu, si ce n'est que Weldenmaëla était éveillée. Allisara quitta la ville immédiatement après, et retourna dans sa capitale avec la tristesse et la frustration de ne pas avoir pu sauver une vie. Quand elle apprit que sa mère était debout, Aiedail alla immédiatement la voir, et ne ressortit de sa chambre que le lendemain.
Dès qu'elle le put, Weldenmaëla se rendit auprès du seigneur Raenor, et lui annonça qu'elle souhaitait rester un peu à Vlena, avant de repartir. Elle pria aussi son hôte de lui donner accès à la forge du hall. Le seigneur accepta, car Allisara lui avait demandé d'accéder à toutes les sollicitations des voyageurs.
La nuit suivante, Erisdar dormit mal, car ses rêves étaient sombres. Il rêva des menaces qui planaient sur Athel Loren, et ces présages l'inquiétèrent immensément. Il sentit que la raison de son voyage au nord devenait urgente. A l'aube, éveillé en sueur, il accourut aux écuries, et demanda un cheval. Puis, il quitta la ville et s'en fut. Quand ses compagnons apprirent la nouvelle de son départ, ils en furent surpris. Mais Weldenmaëla, qui connaissait le magicien, ne s'en offusqua pas, car elle savait quelles genre d'affaires pouvaient parfois agiter les gens de magie. Erisdar l'avait prévenu lors du départ d'Edur Edoc'sil qu'il avait ses raisons de faire le voyage, et elle comprenait qu'il suive son chemin. En revanche, elle regretta âprement de ne pas avoir pu échanger de dernières paroles avec son ami.
Finiarel se rétablit complètement en quelques jours, et profita de sa convalescence pour s'entraîner à ses danses. Dès qu'il le put, il sortit dans les halls de Vlena et joua quelques pièces faciles aux habitants. Ceux-ci n'avaient que rarement la visite des dévots de Loec, et ils accueillirent ces spectacles avec grande joie. Le seigneur Raenor lui-même vint assister à quelques-unes de ces représentations avec amusement.
Aiedail assistait parfois Finiarel dans ces spectacles en aidant ses préparations et parfois en l'accompagnant dans les rôles secondaires des pièces jouées. Mais ses pensées étaient tourmentées par le silence de sa mère, qui n'avait rien dit de son entrevue avec Allisara, et malgré l'insistance du danseur de guerre, elle ne voulut pas l'accompagner sur le devant de ses scènes.
Certains jours, la jeune elfe quittait le hall et allait explorer les bois alentour. C'était la première fois qu'elle s'aventuraient seule ailleurs que dans les futaies sombres de Cythral. En explorant les bois de Mordryn, elle parvenait à chasser ses pensées en étudiant la flore de ces terres inconnues d'elle.
Parfois, lorsqu'elle était seule dans la forêt, la voix lui donnait les noms des plantes qu'elle voyait, et lui racontait les légendes des lieux qu'elle découvrait. Aiedail posait parfois des questions pour tenter d'en apprendre plus sur la voix qui lui parlait, mais celle-ci répondait alors de manière évasive, puis se taisait pour le reste de la journée.
« Appelle moi Uvyh, l'ombre, car je ne peux pas apparaître devant toi » dit-elle une fois, et Aiedail ne put en apprendre plus. Mais dans la solitude de ses explorations, elle appréciait la compagnie d'Uvyh.
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