Chapitre 8 : Quand Aiedail était perdue


Quand Aiedail revint à elle, elle ne reconnut pas la forêt qui l'entourait. Elle avait fini par tomber de cheval sur un tapis de feuilles ocres, et la monture broutait à quelques pas de là. Elle ne se souvenait pas de son départ, et l'absence de ses compagnons l'inquiéta.

Elle se leva, et marcha jusqu'au cheval car elle n'avait pas ses armes, et elle pensait encore avoir besoin de combattre. Dans les affaires que portrait le destrier, elle trouva deux épées, qu'elle trouva splendides, et elle les admira un long moment. Elle prit la lame sombre à la main, et rangea la longue lame claire car elle brillait trop dans le crépuscule qui tombait sur la forêt. Alors Uvyh lui apprit que la lame sombre s'appelait Brumeuse, et Aiedail s'étonna car la voix était chargée d'émotions. Aiedail ne retrouva pas le talisman que lui avait offert Dame Draya en Tal Drost, car celui-ci était resté dans les affaires de sa précédente monture.

Sans comprendre ce qui lui était arrivée, la jeune elfe s'inquiéta pour Ignasia et pour sa mère, car elle les pensait encore en vie, et elle se mit à leur recherche. Elle retrouva la piste qu'avait suivi sa monture, et la remonta jusqu'à un ruisseau, où la trace disparaissait. Alors elle se rappela l'embuscade qui se refermait sur elles, et fut prise d'une angoisse intense, car elle ignorait comment elle s'était retrouvée si éloignée au plus fort du danger. Elle appela sa mère à pleine voix, et se mit à chercher au hasard des bois une piste à suivre, comme un limier en détresse. Désespérée, car la nuit tombait, elle en appela à Uvyh :

« Toi qui sais tant de choses, dis-moi où sont ma mère et Ignasia ! »

Uvyh mit du temps à répondre, car la voix cherchait ses mots :

« Aiedail d'égarée, je ne peux pas t'aider à les retrouver, et personne ne le pourra. Ta quête est vaine. Va à Fyr Darric, car il n'y a que là-bas que tu trouveras quoi faire.
- Parle clairement, je ne comprends pas tes paroles. Réponds- moi ! »

Mais la voix ne dit rien de plus, comme si la colère d'Aiedail l'effrayait. Alors Aiedail se remit à chercher une piste. Et quand la nuit devint noire, l'elfe s'était complètement perdue dans la forêt.

Alors une brume épaisse se leva et engloutit sa vision. Mais Aiedail continua de chercher : elle était accroupie, presque collée au sol, et essayait de retrouver à tâtons les pistes dans l'humus. Mais ses efforts étaient vains, la brume s'épaississait, et elle ne retrouvait plus ni son chemin, ni la moindre trace pouvant l'aider. Uvyh l'implora alors :

« Aiedail, cesse tes recherches ! Elles ne t'apporteront rien de bon ! Va à Fyr Darric, la terre de tes ancêtres, où tu pourras trouver la joie !
- Assez, Uvyh ! Je ne veux pas de joie, je veux ma mère ! Si tu ne peux pas m'y aider, va-t'en ! »

Alors Uvyh se tut, et la brume se dissipa. Mais La nuit était tombée, et Aiedail restait perdue. Seule, elle se tapit contre un tronc et pleura. Hormis ses sanglots, la forêt resta silencieuse toute la nuit.

Au petit matin, elle fut réveillée par le craquement de feuilles mortes. Elle se leva en sursaut, prit ses armes, et courut vers le bruit. Arrivée au sommet d'une petite crête, elle aperçut à quelques pas en dessous d'elle deux créatures qui se disputaient. Mi-homme, mi-chèvre, bêlantes et caquetantes, l'une couverte de plumes, l'autre d'une fourrure sale, elles étaient à n'en pas douter des rejetons du Chaos. Aiedail se jeta sur les créatures. Elle frappa par surprise la première bête dont la tête s'envola. La seconde bloqua de justesse la lame de l'elfe , et s'enfuit entre les arbres en gémissant. Aiedail se lança à sa poursuite, s'enfonçant encore plus profondément dans les bois.

La créature fuyait vite sur ses jambes caprines. Elle était endurante, la traque d'Aiedail dura longtemps. Mais l'homme-bête ne connaissait pas la forêt comme la petite elfe. Le monstre trébuchait sur les racines qu'enjambait sa poursuivante. Il était aveuglé par les feuilles et les toiles d'araignées dans lesquelles il courrait, alors que l'elfe écartait ces obstacles qu'elle voyait venir. Inexorablement, Aiedail se rapprochait. Quand le rejeton du Chaos déboucha dans une clairière entourée d'arbres à l'aspect menaçant, il comprit qu'il ne trouverait pas d'échappatoire, et se retourna. Mais l'elfe était déjà sur lui, et immédiatement, elle enfonça Brumeuse dans le front de la créature, entre ses cornes. Aiedail retira son épée, et la bête tomba en avant. Puis, l'elfe s'accroupit pour nettoyer son épée dans la mousse au sol.

En se relevant, elle réalisa qu'elle avait faim. Elle aperçut un buisson de mûres en lisière de clairière, et en avala la plupart tant elle était affamée. Elle avait les mains et la bouche rougies par le jus des fruits. Ce repas lui fit du bien.

C'est alors qu'un craquement dans les sous-bois la fit sursauter. Elle se remit en garde et glissa entre les arbres silencieusement pour se rapprocher de la source du bruit. Elle aperçut alors au loin un homme-bête qui courait. Alors le sang de l'elfe ne fit qu'un tour, et elle se lança à la poursuite du monstre.

Aiedail ne réalisa pas que la bête qu'elle poursuivait était identique à celle qui gisait morte dans la clairière derrière elle. En fait, c'était la même créature, exactement la même, qui fuyait à nouveau Aiedail. L'elfe la rattrapa à nouveau, et la tua. Puis, elle nettoya son épée, entendit un bruit, se relança à la poursuite d'une nouvelle créature du Chaos.

Et ce cycle se répéta des dizaines, des centaines de fois. Parfois la bête s'essoufflait rapidement, parfois elle courait des heures, mais invariablement, la course s'arrêtait dans la clairière revenue à l'identique.

Et Aiedail se perdit dans cette chasse sans fin.

Elle ne parlait plus, car elle ne poussait que des cris de guerre. Elle oublia la grammaire de sa langue, puis les mots eux-mêmes.

Et finalement, avec les années, elle oublia son nom, et la raison de sa venue dans cette région d'Athel Loren.

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