Chapitre 9 : Rose
Ils avaient quitté Elmonz. Enfin son père avait jeté un dernier regard rapide à Elmonz et était sorti en trombe de chez lui. Rose, qui avait voulu le suivre, s'était emmêlé les pieds dans tout le bazar au sol et s'était ramassée par terre. Elle avait tant bien que mal réussi à décoller les papiers de ses mains et avait enjambé les livres en lançant un rapide « au revoir » au vieil homme.
Elle essayait maintenant de suivre le rythme que son père imposait avec sa marche rapide. Elle fut à bout de souffle en moins de quelques minutes.
— Est-ce que tu peux ralentir ? demanda Rose.
Il ne ralentit pas. Au contraire il accéléra.
— Où va-t-on maintenant ? demanda Rose, alors qu'ils s'éloignaient du nord de l'île et venaient de passer devant l'ancienne Académie. Les rues s'étaient élargies, signe qu'ils étaient proche du centre.
— Il faut que je parle à ta mère. Et à ton grand-père.
— Je suis là si tu as besoin de parler, répondit Rose.
Son père s'arrêta brusquement.
— Ce n'est pas amusant Rose.
Elle fut prise de court. Elle n'avait pas voulu être drôle. Au contraire, elle était plus que sérieuse et voulait faire savoir à son père que s'il avait besoin de réconfort, elle était là pour lui.
— Ce qui est en train de se passer est grave. Je n'ai pas besoin de faire la conversation autour d'une tasse de thé, j'ai besoin d'avoir une conversation sérieuse avec ton grand-père et ta mère. Jusqu'à preuve du contraire, ton nom ne fait pas partie de la liste.
Sa réponse lui fit l'effet d'une claque. D'une claque monumentale. Elle ne reconnaissait plus son père depuis quelques jours et à ce moment-là, c'était comme si elle parlait à un étranger. Elle le dépassa et continua son chemin. Il se rendit compte de ce qu'il lui avait dit car il tenta une approche :
— Rose, excuse-moi, ce n'est pas ce que je voulais dire.
— Mais c'est ce que tu as dit. Et tu as été très clair.
D'un côté il reconnaissait qu'elle n'était plus une enfant et de l'autre, il l'infantilisait au possible et soulignait bien qu'elle ne faisait pas partie des personnes à qui il voulait parler lorsqu'il était dans la difficulté.
— Rose, je suis désolé. Je suis désolé si j'ai laissé sous-entendre que tu n'étais pas une personne de confiance. Bien sûr que j'ai confiance en toi, tu es ma fille...
— Non je ne suis pas ta fille, répondit Rose.
Au moment où ses paroles lui échappèrent, elle voulut les reprendre. Elle ne les pensait absolument pas. Son père fit un pas en arrière, peiné par ce qu'elle venait de lui dire. Elle sentit un pincement lui serrer le cœur et les larmes lui monter aux yeux. Qu'est-ce qui lui avait pris de dire une chose pareille, même sur le coup de la colère ?
Elle voulut s'excuser immédiatement, mais un grognement la figea sur place. S'en suivit une odeur de pourriture familière. Son père se retourna et Rose put apercevoir d'où provenait le bruit.
Quelques mètres plus loin se trouvait une créature toute droit sortie d'un pire cauchemar. Une créature allant au-delà de l'entendement. Un truc même pas imaginable. Rose poussa un petit cri d'horreur.
La créature faisait plusieurs mètres de haut et ce qui frappait en premier étaient ses yeux. Ils étaient d'un gris très clair et luisant. Un peu comme s'ils faisaient de la lumière. Sa forme ressemblait à celle d'une chauve-souris, mais en bien plus grosse et avec des serres de plusieurs centimètres de longs, de couleur similaire à ses yeux. Elles contrastaient avec la peau noire de la créature, ce qui ne faisait qu'accroitre la peur de Rose.
Soudain, elle déploya ses ailes, qui jusqu'à présent étaient restées tombantes. Avec ces ailes déployées, la créature occupait presque toute la largeur de la rue dans laquelle ils se trouvaient. Elle ne les quittait pas des yeux. Non. Elle ne quittait pas son père des yeux. Elle avait le regard avide, comme si elle avait enfin trouvé la proie parfaite pour son diner.
— Rose, va-t'en. Cours, murmura son père.
Il avait fait la même conclusion qu'elle et il voulait s'en servir pour donner l'occasion à Rose de s'enfuir et de se mettre en sécurité. Mais il en était hors de question. Elle fit un pas vers lui et la créature réagit tout de suite. Elle tourna sa tête dans sa direction et siffla comme pour lui signifier que c'était sa proie à elle et qu'il était hors de question qu'elle s'en approche.
Rose recula de plusieurs pas, totalement effrayée. Son père réitéra son ordre.
—Rose va-t'en s'il te plait.
Ce n'était plus tout à fait un ordre mais plutôt une supplique. La créature avança lentement dans leur direction. Ils se mirent à reculer à la même vitesse pour s'éloigner d'elle.
Son père avait réussi à garder son sang-froid, comme s'il avait été préparé. Connaissait-il cette créature ? Konan ne quittait pas des yeux l'atrocité devant lui et restait vigilant à ses moindres mouvements. Rose savait qu'il avait un couteau sur lui. C'était une petite arme, rien de trop extravagant, mais qu'il gardait sur lui en permanence. Un comportement que Rose avait toujours jugé comme un vestige de ce qu'il avait vécu pendant la guerre. Une mesure de protection qui faisait partie de lui.
Cependant il ne pouvait pas l'atteindre sans attirer l'attention de la créature en face. Elle le verrait automatiquement attraper son arme. Alors que Rose se demandait s'il y avait un moyen pour qu'elle puisse l'attraper sans éveiller les soupçons de la créature, celle-ci fit le premier pas.
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