Chapitre 6 : Rose
Même en sachant exactement où se rendre, Rose et sa famille mirent presqu'une heure pour y arriver tant la capitale était grande. L'odeur de la mer se mêlait à l'odeur dégagée par les fleurs tout autour d'eux. D'ailleurs, chaque quartier de la capitale pouvait être associé à une fleur particulière et son odeur, ce qui permettait à beaucoup d'habitants de la capitale de s'orienter sans avoir à utiliser une carte ou à demander son chemin. Ils s'orientaient grâce à l'odeur qui émanait des rues.
Alors qu'ils se rapprochaient du point où se rejoignait quatre quartiers, l'odeur du jasmin qui les avait accompagnés jusqu'à présent commença à se faire plus discrète. A la place, d'autres odeurs prirent le relais. Des odeurs florales, mais pas seulement.
Une odeur de nourriture venait de pointer le bout de son nez et qui annonçait que le repas du midi était proche. La population affluait de plus en plus vers la place principale de la capitale. Rose commençait à l'apercevoir car elle surplombait le reste de la ville et de nombreux escaliers devait être empruntés pour y accéder.
Au centre de cette place se trouvait ce qui était anciennement l'Académie. Avant la guerre, elle était le centre de l'attention de ce monde et était très respectée. Aujourd'hui elle était tombée en ruine et peinait à reprendre vie malgré la motivation de beaucoup de personnes de la reconstruire. Beaucoup la considérait comme une preuve du passé et de ce qu'ils avaient vécu et beaucoup préféreraient qu'elle soit démolie plutôt que l'inverse. Rose avait toujours été fascinée par ce bâtiment aux allures de maison hantée et détonnant complètement du paysage. C'était un bâtiment imposant mais pourtant très moche aujourd'hui avec ses murs qui avaient tournés au gris sale. Les fenêtres étaient brisées et certaines portes sortaient de leurs gonds et avaient finies au sol, rongées par le temps, alors que certaines tentaient de tenir le coup mais avaient l'air bien mal en point.
Alors qu'elle le trouvait immonde, ses parents étaient d'accord pour dire qu'autrefois, c'était le plus bel édifice. Il avait dû en baver pour ressembler à ce tas de pierres aux couleurs tristes et mornes comparé à ce qui se trouvait aux alentours.
Rose bifurqua dans une ruelle à droite et détourna le regard de l'Académie. Ils étaient arrivés à destination. Devant eux, se tenait une porte de plusieurs mètres de large, toute peinte de bleu. Elle finit par s'ouvrir devant une femme et un homme familiers.
— Mes loulous, s'exprima son grand-père en s'agenouillant pour prendre dans ses bras ses plus jeunes petits-enfants. Qu'est-ce que vous avez grandi en si peu de temps ! s'étonna-t-il.
Même en étant à genoux au sol, son grand-père les dépassait d'au moins deux têtes. Il était grand, très grand, tout comme sa femme et dépassait de loin toute la famille. Leur taille était d'ailleurs leur seul point commun. Alors que son grand-père, Victor, avait la peau et les cheveux couleur ébène, sa femme, Esma, avait la peau la plus pâle que l'on puisse avoir, à la limite du blanchâtre, et avait des yeux verts qui pouvaient vous hypnotiser.
Mis l'un à côté de l'autre, c'était un spectacle remarquable et surprenant. Et c'est ce qu'étaient ses grands-parents, remarquables et surprenants. Victor avait été un marchand prolifique qui avait voyagé partout dans le monde et Esma avait été une couturière renommée dès ses débuts. Ils avaient décidé de s'associer et fabriquer une marchandise qui était en vogue à l'époque : les tapis. Ils avaient parcouru le monde et étaient tombés amoureux l'un de l'autre au fil du temps, revenant régulièrement vendre leurs tapis à Horaria.
Lorsque la guerre avait éclaté ils étaient à l'autre bout du monde et étaient revenus pour trouver une terre ravagée par la détresse et la tristesse. Ils avaient alors décidé de rester pour aider à reconstruire et maintenant, ils n'étaient plus marchands, et avaient, à la place, un petit restaurant sur la place principale.
Ils étaient de ceux qui participaient activement à la mise en place de la reconstruction de l'Académie. Mais les dons se faisaient rares, ce qui les ralentissait considérablement et les fonds n'étaient pas suffisants pour le moment. Ils étaient convaincus que seul l'Académie à nouveau sur pied pourrait relancer l'économie de la capitale, mais aussi des contrés, ce qui ferait revenir les marchands étrangers, mais aussi des voyageurs.
Victor relâcha Moran et Dylis pour enlacer Denel et Alis, qui attendaient leur tour. Enfin, il détourna son regard et s'approcha de Rose. Il prit son visage entre ses mains et déposa deux bisous sur ses deux joues, tendrement.
Victor et Esma n'étaient pas ses vrais grands-parents, mais ils avaient toujours prétendu que si, et avaient toujours traité Rose de la même manière que leurs autres petits-enfants. Elle était tout autant gâtée de gâteaux et sucreries en tout genre qu'Esma s'obstinait à mettre dans leur sac en cachette quand ils repartaient de chez eux.
— Toi en revanche, tu n'as pas grandi, rigola Victor.
— Je crois qu'il n'y a plus d'espoir pour que cela arrive un jour, répondit Rose, en haussant les épaules.
— Non en effet.
Esma vint ensuite lui dire bonjour à son tour, puis invita tout le monde à rentrer. Leur maison était en forme de L et tout autour de la bâtisse se trouvait un jardin avec au centre un bassin. Toutes sortes de fleurs et d'arbres s'y trouvaient, mais ce qui dominait l'espace au final, c'était l'imposant oranger au centre. Au fil des années, il n'avait fait que prendre encore plus de place et ses branches faisaient parfois plusieurs mètres de long et atteignaient le mur de la maison.
Ils s'installèrent dans plusieurs chambres différentes, Rose étant avec Alis et Denel comme à son habitude, puis se rendirent dans le jardin pour prendre leur repas. Rose était toujours étonnée de voir que même si leur maison se situait en plein milieu de la capitale, leur jardin était un havre de paix, mis en avant par la nature et où presque aucun bruit venait du dehors et de la place principale à seulement deux pas d'ici.
Elle se jeta sur la nourriture après avoir régurgité plusieurs fois les repas qu'elle avait tenté de prendre à bord du bateau. Tout lui donnait envie : les fruits, les légumes marinés avec différentes herbes mais surtout le pain. Esma, qui le faisait elle-même, n'avait pas lésiné sur la quantité et maintenant, Rose ne savait plus où donner de la tête et quelle sorte choisir. Victor, qui voyait son hésitation, lui dit tout simplement :
— Tu n'as qu'à prendre un petit bout de chaque, rigola-t-il.
Et c'est ce qu'elle fit. Son père pouffa de rire.
— A ce rythme-là, un jour tu vas te transformer en pain, il ne faudra pas se demander pourquoi.
— Laisse-la tranquille, veux-tu, répondit Esma.
Esma prenait toujours la défense de ses petits-enfants. Surtout quand il s'agissait de prendre leur défense contre leurs parents.
— J'espère que tu n'as pas encore prévu de les gaver de gâteaux en tout genre. Autant de sucre, ce n'est pas bon pour eux, dit Rozenn à sa mère.
Esma balaya la remarque de sa fille d'un revers de la main. Elle s'en fichait complètement de ce que Rozenn pensait et allait passer outre les dires de sa fille. Et elle allait adorer le faire.
— Maman...commença Rozenn.
— Ma fille...termina Esma.
Tout le monde rigola, ce qui eut le don d'énerver encore plus Rozenn. Alors qu'elle allait rajouter quelque chose, Konan déposa une main sur l'épaule de sa femme et lui fit signe de ne pas insister. Elle se résigna car de toute façon c'était un combat qu'elle avait perdu d'avance, et ce depuis des années déjà.
Après le repas, alors que tout le monde s'activait pour ranger et nettoyer, Rose vit que son père prit à part son grand-père. Alors elle tendit l'oreille pour écouter la conversation tout en faisait mine de s'occuper pour ne pas que son père la remarque.
— Victor, j'aurais besoin de rencontrer Elmonz. Est-ce que vous sauriez où il se trouve après toutes ses années ? Quand j'étais encore en contact avec lui, il était resté à Horaria, demanda son père.
— Elmonz, oui, il est resté ici et il vient nous rendre visite lors de certaines réunions que nous organisons pour l'Académie, répondit son grand-père. Il habite près du port au nord de l'île. Je vais te donner son adresse. Laisse-moi aller la chercher, je ne la connais pas par cœur.
Konan acquiesça et remercia son beau-père. Rose, qui s'était arrêtée dans ses va et vient de la cuisine à la terrasse, se trouvait en plein milieu du couloir. Son père vit qu'elle l'observait et la pointa du doigt.
— N'y penses même pas, dit-il.
— Mais...
— Non Rose. C'est une affaire privée, et ton nez un peu trop curieux restera en dehors de ça.
Elle croisa les bras.
— Je suis sérieux. C'est hors de question.
Il se retourna pour aller rejoindre Victor et Rose lui tira la langue.
— Pathétique, lui répondit son père, déjà loin.
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