Chapitre 4 : Jared
Le reste de la journée passa en un éclair et Jared put trouver un peu de quiétude sur la plage d'Azha où il passa plusieurs heures seul avec ses pensées. Pouvait-il passer vraiment à autre chose comme il l'avait suggéré à Luc ce matin ? Il en doutait. Il avait passé sa vie à se demander d'où il venait, qui il était. Et maintenant qu'il était en mesure de trouver les réponses à ses questions, elles refusaient de pointer le bout de leur nez. A la place, il restait dans le flou et ses nuits restaient tout aussi agitées.
Il rumina ses pensées bien trop longtemps pour pouvoir rester sain d'esprit mais heureusement pour lui, ce cercle vicieux fut interrompu par Luc qui lui signala qu'il était presque l'heure du rendez-vous. Il se releva et laissa derrière lui ses idées confuses.
— Tu as fini de ruminer ? demanda Luc quand Jared arriva à sa hauteur.
Jared l'ignora dans un premier temps. Puis il soupira.
— Je pense partir à Horaria demain.
— Pourquoi faire ? demanda Luc surpris.
— Changer d'air.
Luc ricana.
— Tu ne supportes déjà pas Azha et maintenant tu veux te rendre à Horaria ? Je ne te donne même pas une semaine avant de revenir encore plus bredouille. Tu devrais plutôt partir sur une île déserte.
— Très drôle, répondit Jared, bougon.
Luc lui lança un regard et écarta les mains l'air de dire qu'il avait raison. Il avait raison. Rien que de penser aux rues bondées de la capitale le rendait malade. Mais il fallait qu'il voit Basil. Luc lut dans ses pensées car il dit :
— Essaye de le convaincre de venir avec nous pour une petite expédition.
Cela fit sourire Jared. Jamais ils n'arrivaient à convaincre Basil de venir chercher des trésors aux quatre coins du monde avec eux. Mais il pouvait toujours le tenter. Pour la centième fois.
— Dis-lui qu'une pierre ou deux pour décorer ce qui lui sert de maison ne pourrait pas faire de mal, se moqua Luc.
En effet, Basil, leur ami, vivait dans une maison qu'il était en train de construire et la dernière fois qu'ils s'y étaient rendus, ils avaient dû dormir dehors car il n'avait pas encore construit le toit. Résultat, ils avaient été piqués par des bêtes en tout genre et Luc avait fini avec un énorme bouton au niveau du front. Mais ils étaient quand même restés deux mois pour l'aider à terminer sa maison et avaient endurés les piqûres.
— Tu lui passeras le bonjour de ma part, dit Luc.
— Tu n'as qu'à venir, répondit Jared.
— Non, j'ai des affaires à régler à Azha d'abord. Mais une prochaine fois, avec plaisir.
Jared n'insista pas, même s'il voulait en dire plus. A la place, il acquiesça et ils continuèrent leur chemin en silence. Ils avaient rendez-vous, Luc et lui, à leur endroit habituel. Dans une taverne. Au curieux crabe. Ils durent se rendre presque jusqu'à à la sortie de la ville. Quand ils s'approchèrent de l'endroit, une légère musique les accueillit. Ils pénétrèrent à l'intérieur et ils se dirigèrent à leur table habituelle où se trouvait déjà Linus, avachis de tout son long sur la banquette. Il se redressa néanmoins lorsque Jared apparut dans son champ de vision.
Linus lui sourit et Jared put apercevoir le petit saphir qu'il s'était collé sur une canine. Comme à son habitude, il portait que du noir et seulement des petits saphirs venaient égailler ses vêtements. A chaque nouveau rendez-vous, il en avait un de plus. Les trois-quarts se trouvaient sur sa veste en velours mais Jared put apercevoir une nouvelle pierre au niveau de son col. Linus vit qu'il l'observait et dit d'un air triste :
— Tu ne me payes pas assez pour que je puisse en mettre une autre de l'autre côté.
En effet, Jared trouvait son accoutrement ridicule, mais ce qui détonnait encore plus était que les deux côtés n'étaient pas symétriques au niveau de son col, alors que toutes les autres pierres étaient déposées en miroir. Jared s'installa en face de lui.
— Ne t'inquiète pas, j'ai ce qu'il faut pour y remédier.
Linus porta sa main à sa poitrine.
— J'aime quand tu me dis des mots doux. Moi aussi j'ai un petit cadeau pour toi, dit-il en faisant glisser un bout de papier sur la table.
Jared l'attrapa et le retourna pour le lire. Il haussa les sourcils en voyant le sceau en bas de la page. Il haussa encore plus les sourcils quand il lut le texte.
— Ne hausse pas autant les sourcils, remarqua Linus, ils vont s'envoler.
Luc, qui s'était assis à ses côtés, se pencha à son tour sur le bout de papier et sembla aussi surpris que son ami.
— Comment as-tu fait pour intercepter cette missive ? demanda Luc perplexe.
Jared se posait en effet la même question. Il tenait entre ses mains un message en provenance d'un aristocrate de Donos. Jared grimaça en pensant au personnage. Robart Mekart. Un homme de pouvoir ou plutôt un homme riche qui s'est acheté son pouvoir et qui maintenant dirige la ville qui lui sert de repère, Vescio. Une ville à donner la chair de poule, rempli de gangsters, malfrats, et voyous en tout genre. A côtés d'eux, Linus était un enfant de cœur.
Pour maintenir sa fortune, il engageait les pires bandits qui couraient les rues et arnaquaient les gens à la moindre occasion. Mais ce qui le rendaient atrocement riche c'était le trafic d'esclaves dans lequel il était impliqué. Et c'était là que leurs chemins se croisaient. Ce qui énervait profondément Jared.
Mais en ce moment, il tenait un bout de papier qui allait égayait sa soirée. Sur ce dernier se trouvait une date et une heure où un grand nombre d'esclaves seraient déplacés de Vescio jusqu'aux contrés lointaines. Mais ce qui faisait sourire Jared et Linus comme des enfants était le nom du bateau sur lequel ils étaient censés embarquer. Ce bateau, c'était celui de Jared. Ce qui signifiait qu'au moment où ils allaient lever l'encre, ces esclaves seraient à lui. Et ils ne verraient jamais les contrés lointaines. Linus avait mis des mois à infiltrer le cercle privé de Robart. Et aujourd'hui ils avaient une ouverture.
— On va enfin l'enfumer ? demanda Luc.
Linus explosa de rire. Ils allaient l'enfumer en effet, pensa Jared. Et la guerre serait déclarée. Ils avaient attendu cela pendant des années et ils y étaient enfin. Il était temps que Jared lui dérobe tout son argent.
— Du coup, je mériterai bien une petite récompense ? murmura Linus.
Jared esquissa un sourire. Il déposa sur la table sa part habituelle et ce qu'il lui faudrait pour transporter les esclaves. Et cette fois-ci, Jared déposa un petit plus, que Linus s'empressa d'attraper. Il écarquilla les yeux et apporta la pierre devant son visage pour mieux l'observer, tout en restant discret. Ce genre de trésor, ça attire trop souvent l'attention.
— Et je peux savoir où tu as trouvé un truc pareil ? dit Linus, son attention toujours sur le Kisar.
— Disons qu'on est tombé dessus par hasard, dit Luc à la place de Jared. Maintenant range-le, imbécile.
Linus s'exécuta avec une petite moue, triste de devoir le quitter des yeux mais imaginant déjà ce qu'il pourrait en faire.
— Envoie un message dès que tu seras en possession de la marchandise, dit Luc. Et un autre quand tu seras arrivé sur place, ajouta-t-il à l'attention de Linus qui balaya ses ordres d'un revers de la main.
— Je sais ce que j'ai à faire, le nain.
Luc soupira et Jared lui lança un regard pour lui demander de laisser tomber. Ils avaient confiance en Linus et il ne les avait jamais déçus.
— On joue gros cette fois-ci. Il ne faut juste pas foirer, dit Luc.
Linus se pencha au-dessus de la table pour chuchoter.
— Je ne foire jamais.
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