Chapitre 10 : Jared
Il était arrivé à Horaria après un jour et demi de voyage et il avait amarré son bateau dans l'une des places restantes au port nord-est de la ville. Ce n'était pas le port le plus proche de là où il se rendait mais le port au sud de la côte était plein et il était hors de question qu'il perdre du temps à faire le tour de l'île pour rejoindre le port situé à l'ouest. Il ferait le chemin jusqu'au sud à pied. Cela lui permettrait de se dégourdir les jambes et de réfléchir à son voyage.
Toujours rien. En trois ans, il n'avait rien trouvé, pas même le début d'une piste et cela le rendait dingue. Il descendit de son bateau en trombe tout en aboyant des ordres à son équipage. Ils savaient ce qu'ils avaient à faire de toute façon et Jared avait une confiance aveugle dans tous les membres de son équipage.
Il se dirigea vers la pointe la plus au sud de l'île parce qu'il avait fallu que son imbécile d'ami s'installe forcément là. Jared poussa un soupir de soulagement lorsqu'il eut enfin l'atelier de son ami dans son champ de vision. C'était la deuxième fois que Jared venait ici et certaines choses avaient changées. Il avait agrandi l'atelier en rajoutant une dépendance sur le côté où tous les outils étaient exposés. Son ami avait aussi fait pousser des fleurs tout le long de sa maison. Jared ne connaissait pas leurs noms mais les observa attentivement.
— Ne les touche pas, tu vas les faire mourir ! s'exclama son ami.
Jared pouffa de rire et laissa retomber la main qu'il avait levé pour effleurer de ses doigts les pétales de la fleur bleue ravissante.
— Moi aussi je suis ravi de te voir Basil, répondit Jared.
Son ami se rapprocha de lui et lui sourit avant de le prendre dans ses bras. Il ne l'avait pas vu depuis plus d'un an mais il n'avait pas changé d'un pouce. Toujours aussi grand et aussi fin qu'un brin d'herbe et toujours pas l'ombre d'un muscle à l'environ. Ses cheveux roux avaient été coupés depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus et son bronzage laissait ressortir ses tâches de rousseurs. Ils restèrent un moment dans les bras l'un de l'autre, profitant de la présence familière qu'ils s'offraient.
Basil rompit leur contact en premier et jeta un coup d'œil derrière Jared, comme à la recherche de quelqu'un. Jared eût un pincement au cœur. Il avait proposé à Luc de venir mais celui-ci avait décliné. Jared ignorait ce qu'il s'était passé entre eux deux depuis leur dernière entrevue mais aucun des deux n'avait voulu cracher le morceau et il avait accepté leurs décisions. Cependant, il se retrouvait dans cette situation, où il était incapable de les aider. Et peut-être que ce n'était pas sa place. Tout ce dont il était sûr c'était que tous les deux avaient des sentiments pour l'autre et que tous les deux se donnaient un mal de chien pour le cacher. Basil l'invita enfin à rentrer.
L'intérieur était peu décoré mais assez pour qu'on se sente à l'aise. Basil avait fait du bon travail pour aménager l'intérieur. D'autres fleurs se trouvaient déposées un peu partout dans la maison et dégageaient une odeur de pré. Celui-ci ouvra une porte de placard et en sorti une bouteille de rhum. Jared haussa les sourcils, surpris.
— Si tôt ? demanda-t-il.
— Tu préfères que je te serve une tasse de thé peut-être ? répondit Basil. J'ai de tout. Du thé noir, vert, au jasmin, à la menthe, à l'eucalyptus, au...
— Ça va j'ai compris, souffla Jared. Je vais prendre du thé au rhum s'il te plait.
Basil déboucha la bouteille et leur servi deux verres en ignorant la boutade de Jared. Il glissa le verre le long de la table jusqu'à son ami qui l'attrapa quand il arriva à sa hauteur. Il avala une gorgée sans même attendre de lever son verre à sa santé.
Basil s'assit en face de Jared.
— Pourquoi es-tu venu Jared ?
— J'avais besoin d'une pause, répondit celui-ci.
Il s'était mis à faire tourner le liquide dans son verre et avait laissé son regard se perdre dans le mouvement.
— Toujours rien ? demanda son ami.
Jared fit non de la tête. Toujours rien en trois ans de recherche.
— Tu trouveras un jour, commença Basil.
Jared poussa un soupir. Il commençait à croire que c'était peine perdue. Il décida de changer de sujet.
— Comment tu te sens ici ?
Basil leva les yeux au ciel mais n'insista pas.
— C'est tranquille, lui répondit-il. Et je suis libre de faire ce que je veux, quand je veux, à la vitesse où je veux. Je crois que je ne m'y habituerai jamais, ajouta-t-il.
Jared acquiesça. Il savait ce que son ami voulait dire. Ils avaient été esclaves pendant la plus grande partie de leur vie et la liberté était quelque chose de tout nouveau pour eux. Il fallait encore qu'ils s'adaptent.
Il observa Basil. Il avait l'air satisfait. Ils finirent leurs verres et décidèrent de faire un tour au centre ville de l'île.
— Tu vas rester combien de temps à Horaria ? demanda Basil.
Jared haussa les épaules. Le temps qu'il faudrait. Probablement pas plus qu'une semaine. Il n'aimait pas la foule et cette capitale était juste le pire endroit pour rester sur le long terme. Lui, c'était la mer son refuge. Là où il se sentait bien. Rien de mieux qu'une longue traversée en mer pour lui remettre les idées en place.
Le soleil avait commencé à se coucher et la foule était moins dense qu'en pleine journée, au grand soulagement de Jared qui aurait détesté devoir affronter trop de personnes au même endroit.
— Arrête de faire la tête, ils ne vont pas te manger, lui dit Basil.
— Je ne fais pas la tête. Je garde mes distances.
Basil ricana. Soudain, un cri strident se fit entendre et une table passa devant eux à une vitesse phénoménale. Elle vint se cracher sur le mur d'en face. Un peu plus et elle serait tombée sur eux. Par réflexe, Jared sortit son épée de son fourreau, tous les sens en alerte. Ils se retournèrent pour voir d'où le cri venait mais tout le monde s'était mis à courir dans tous les sens et ils leur furent difficile d'analyser la situation. C'était tout simplement le chaos total.
— Qui est-ce qui a balancé la table ? demanda Basil perplexe.
Jared n'eut pas le temps de lui répondre qu'il n'en avait pas la moindre idée, qu'une masse noire vint s'encastrer dans le mur à leur gauche. Des morceaux de pierre s'effondrèrent et un trou béant s'était formé. Du trou s'échappa une créature qu'ils n'avaient jamais vu auparavant et tout bonnement monstrueuse.
— Je crois que tu as ta réponse, souffla Jared, qui n'en revenait pas.
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