×six×

Quatre heures à parler d'absolument tout et d'absolument rien.
Discuter de livres, de Marseille et de leur vie, comme de vieilles connaissances.

Parler sans tout dévoiler, dire qu'il part à Marseille, qu'il a dix-neuf ans et qu'il n'a aucune famille, qu'il veut se faire une nouvelle vie, recommencer de zéro. Ce n'est pas vraiment faux, c'est une vérité arrangée.

L'écouter parler de Maria, la perle de sa vie, l'amour de son coeur, qui se trouve à Marseille et qui l'attend. C'est le nom de son bateau, qui reste dans le port, qui ne bouge pas pendant son absence. S'emerveiller devant son envie de revoir sa Maria et de partir avec elle en mer, aller pêcher et "tout l'reste".

Et finalement trouver dans le hasard de cette rencontre, un tant soit peu de réconfort. Raconter à ce vieil homme une partie de son histoire.
Lui dire qu'il part pour une nouvelle aventure, qu'il part au hasard de sa route, qu'il n'a pas de lieu où dormir mais qu'il trouvera bien un moyen.

Et entendre le rire sourd et auréolé de fossettes de cet homme qui aime son bateau autant qu'un être humain.
Répondre vaguement quand le vieil homme s'intéresse à ses projets, et finir par avouer dans un souffle indifférent qu'il n'en a pas, qu'il n'en a plus besoin et qu'il verra plus tard.

Accepter avec une sincère joie la proposition de Monsieur Jean de l'héberger pour la durée de son séjour à Marseille et se sentir soudain libre dans le train qui laisse défiler le paysage sur ses flancs.
Dévorer de ses yeux les arbres qui se tordent avec la vitesse, le ciel grignoté par moment de bâtisses, les nuages cotonneux qui semblent peint sur une toile azur.

Et puis sourire toujours, avoir l'air d'un enfant, en être un, après tout.
Se demander, malgré tout ça, si c'était la bonne solution; douter pendant que Monsieur Jean roupille contre le dossier du siège et se dire qu'il ferait mieux de rentrer, de sauter du train en marche et de courir, nager, voler, retrouver la maison.
Laisser le temps d'une seconde le doute envahir son esprit, se méfier de cet homme.

Puis hausser les épaules

Et puis de toutes façons, c'est trop tard.

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