Chapitre 7.1 - Romy - Le bon vieux temps

Je voulais attendre pour vous publier ce chapitre, vu que l'extrais n'est sorti qu'hier... mais j'ai absolument aucune volonté. On en apprend un peu plus sur Romy et sa relation avec Oliver... on en apprend aussi sur le genre de cauchemar qu'elle fait... je vous laisse faire vos suppositions ! Et j'attend que vous me les partagiez aussi, qui sait... peut-être que vous aurez des réponses à vos questions prochainement :)

Bonne lecture !

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Tout autour d'elle, il fait noir. Peu importe la direction qu'elle prend, elle finit toujours au même endroit. Ou peut-être pas. Mais tout est pareil, c'est très difficile de s'y retrouver. Au loin, il y a un vieillard en fauteuil roulant. En s'approchant, elle entend une voix familière l'appeler par ce prénom. Le vrai, celui qui la fait frissonner. Celui qui lui glace le sang.

"Approche..."

Elle obéit. Ses pieds la mènent devant un visage affaissé, les paupières tombantes, et pourtant, pas si ridé. L'homme tient une couverture sur ses jambes. Ses cheveux grisonnants sont en bataille, ses chaussettes, dépareillées. Romy approche sa main de celles du vieil homme. Elle veut le réconforter, elle ne lui en veut plus. Un sourire presque attendrissant se dessine sur sa bouche fendue, quand la main caleuse aux doigts tordus par l'arthrose lui saisit fermement le poignet. La jeune femme sursaute, tente de reculer. Rien à faire.

Ses pieds s'enfoncent dans le sol noir, laiteux, et elle n'a plus la force de reculer. L'homme lève la tête pour la regarder. Celui qu'elle s'attendait à voir n'est plus là. Son visage a été remplacé par celui d'un autre homme, plus vieux, avec un nez fin comme celui d'un poisson, une bouche fine et blanche, dénuée de couleur, comme ses cheveux, et comme ses yeux. Même les cicatrices qui lui déforment la face ressemblent à de longs vers qui coulent et ondulent sous sa peau.

Romy veut crier, mais aucun son ne sort de sa bouche. Plus elle gesticule pour partir, plus ses jambes s'enfoncent. L'homme sourit et dévoile une dentition monstrueuse. Une armée de dents pointues, sur trois rangées, s'avancent beaucoup trop vite vers elle. Romy ferme les yeux. Fort. Très fort.

Et se réveille haletante dans son lit. Elle plaque une main sur sa bouche sans trop savoir si elle a réussi à ne pas crier, ou si elle doit s'attendre à une remontrance de la part d'Oliver, qui devait certainement dormir sur ses deux oreilles. La deuxième main se pose sur sa poitrine, couverte de sueur, dans laquelle bat anarchiquement son cœur, qu'elle peine à calmer.

La jeune femme tourne la tête vers son réveil, qui lui indique 2h17 du matin. Si Ollie a été tiré de son sommeil, il la butera sans qu'elle puisse y faire quoi que ce soit. Romy prend une grande inspiration, tente de chasser les images de sa tête.

- Putain...

Ça mettra du temps à disparaître. La jeune femme allume la lampe de chevet, pose ses pieds par terre comme si le sol pouvait à tout moment se transformer en lave, et se dirige silencieusement vers la chambre d'Oliver, de l'autre côté du salon. Elle arrive près de la porte, hésite à frapper. Quand elle lève le poing, une voix se fait entendre de l'autre côté du bois.

- Tu peux entrer, je dors plus.

La main s'abaisse, ouvre la porte. Romy adresse un sourire gêné à Oliver qui frotte son bouc de ses doigts flemmards.

- Je t'ai réveillé ? demande-t-elle d'une petite voix.

- A chaque fois, oui.

- Pardon...

Ollie tapote la place vacante dans son lit double, l'invite à le rejoindre.

- Ça fait combien de temps que tu fais ces cauchemars maintenant ? Une semaine non-stop ? Dix jours ?

- Je sais plus... trop longtemps.

Romy n'a toujours pas bougé de l'embrasure de la porte. Elle ne sait pas si l'invitation de son colocataire était juste par pure politesse ou s'il la porte assez dans son cœur pour réellement vouloir qu'elle termine sa nuit à côté de lui.

- Allez, dit-il. Viens. Tu peux pas rester comme ça à te fatiguer pour rien. Tu pourras pas travailler correctement après.

La jeune femme esquisse une grimace, referme la porte derrière elle et vient se glisser sous la couette. Un morceau pointu vient lui piquer la fesse. En farfouillant, elle trouve un épais livre sur l'enseignement spécifique de cardiologie.

- J'en connais un aussi qui devrait un peu laisser le travail derrière lui, réplique la blonde en posant le livre par terre, surtout quand il n'est pas de garde.

- Que veux-tu... en tant que passionnée, tu devrais savoir ce que c'est.

La jeune femme ricane, son voisin éteint la lumière. Pendant un instant, le silence est maître. Romy ne dit rien, Oliver a trop de chose en tête pour savoir par où commencer.

- Ça faisait longtemps que t'étais pas venue dormir avec moi, finit-il par dire.

- C'est vrai.

Le silence revient à nouveau. Aucun des deux n'a envie de le dire, mais ils y pensent.

- Pourquoi on a arrêté de dormir ensemble, en fait ? demande finalement Romy.

- Parce que t'as décidé que tu voulais qu'on reste amis. Qu'on prenne nos distances et qu'on couche avec qui on veut, mais pas tous les deux.

La jeune femme étouffe un rire. C'est vrai. Tout est de sa faute. Mais ils l'avaient senti tous les deux : ils étaient fait pour s'entendre, pas pour s'aimer comme ça. Il avait fallu remettre les points sur les i, et c'est à présent chose faite.

- On finira jamais ensemble hein ?

- Non Ollie, on s'entre-tuerait je pense.

- Mais comme amis ça passe.

- Va savoir, je pense que oui. Il y a quelque chose qui manque quand on est amis, et qui serait présent si on était ensemble, qui nous détruirait.

Des principes, quelque chose comme ça. Romy a beau avoir une gueule d'ange, son boulot reste d'arrêter voire de tuer des gens, et elle le fait sans aucun état d'âme, ou presque. Oliver fait tout pour que personne ne meurt. Parfois ça rate, et dans ces moments-là, elle sait qu'il est un peu en colère contre elle, parce qu'il pense à ce qu'elle fait, aux vies qu'elle retire. Même si certains le mériteraient, le jeune homme ne peut se résoudre à accepter que ça arrive.

La blonde est perdue dans ses pensées, les yeux rivés sur le plafond, qu'elle ne voit pas. Il fait noir, tant mieux. Une main sèche la sort de ses pensées. Les doigts d'Oliver lui caressent la joue.

- Romy, il faut pas que tu t'en veuilles. On est différents, c'est tout. On pourrait pas se marier, avoir des enfants. Mais je t'aime quand même beaucoup.

- Tu m'aimes comment ?

- Comme la meilleure amie que j'ai jamais eu. Avec un bonus pour le sexe.

La blonde tourne la tête vers lui, chasse la main de son ami et se rapproche pour se blottir contre lui. Son torse nu sent vite quelques gouttes chaudes s'écraser sur sa peau.

- Bah Romy, faut pas pleurer pour ça...

- J'suis désolée, Ollie.

- Mais... mais enfin de quoi ?

De trop de choses, a-t-elle envie de répondre. De beaucoup trop de choses.

- D'être méchante...

Le jeune homme la serre un peu plus contre lui et glisse ses doigts dans ses cheveux pour la réconforter.

- T'es pas méchante. Clairement pas.

- Tu sais Ollie, t'es mon meilleur ami aussi. En fait, t'es le seul. Mais je fais des choses que t'aimes pas...

- Et alors ? J'me cure le nez et je demande pas pardon quand je pète.

- Et tu rabaisses pas la lunette non plus, mais je parle pas de ça. Je tue des gens, et au mieux je les tabasse. Je fais peur à tout le monde avec ma cicatrice, et tout le monde me voit comme une pestiférée.

- T'as demandé à tout le monde ?

- Comment ça ?

- On est sept milliards d'individus sur Terre. T'as demandé aux six milliards et neuf cent millions neuf

- J'ai compris, coupe-t-elle. Non, j'ai pas demandé à tout le monde.

- Alors t'es pas une pestiférée. Pas tant que tout le monde ne te l'a pas dit. Et moi j'suis pas d'accord de toute façon.

Un silence se fait pendant quelques secondes où Romy essuie ses larmes. Elle relève la tête vers son ami, qui repose sa main sur sa joue.

- J'peux avoir un bisou alors ?

- Tout ce que tu veux.

- T'as envie ? demande-t-elle d'une petite voix, toujours peu sûre de savoir comment la proposition va être accueillie.

Oliver ne répond pas. Ses doigts cherchent la cicatrice de la blonde, la caressent. Sa bouche se pose sur la sienne, l'autre main descend sur un sein ferme qu'il n'a pas touché depuis longtemps. Pas besoin d'en dire plus.

Quand la jeune femme émerge le lendemain matin, elle ne reconnaît pas l'endroit. Les draps sentent l'homme, elle est nu. Elle a beaucoup de mal à se rappeler ce qu'elle a pu faire de sa soirée, seulement qu'elle a pleuré.

Dans la pièce d'à côté, elle entend une machine semblable à un appareil de chantier se mettre en route, hésiter, se couper, puis reprendre.

"Cafetière de merde !"

Romy laisse échapper un rire. Tout lui revient. Elle n'a pas voyagé la nuit dernière, seulement traversé l'appartement. Sa main farfouille le sol à la recherche de son t-shirt. Elle cherchera l'élastique qui s'est enfui de ses cheveux plus tard. En se frottant les yeux, elle sort de la chambre, grogne alors que la lumière lui brûle la rétine.

- On va faire du thé je crois, lui dit Oliver alors qu'elle s'approche de la machine à café. Si je persiste à essayer de nous faire couler du kawa, je crois que je passe cette connasse par la fenêtre.

- Tu travailles pas aujourd'hui ?

- Non. T'as quoi de prévu, toi ?

- Aller voir Schneider pour lui dire ce qui s'est passé à l'hôpital. J'aurais dû lui en parler il y a longtemps, mais avec les contrats qu'il m'a refilé, j'ai pas eu une seconde pour me reposer et pour aller lui dire.

Chacun prend son petit-déjeuner sans dire grand chose. Romy lit un livre sur la guerre du Péloponnèse, Oliver a repris son traité de cardiologie que son amie a caché sous le lit la nuit passée. Les deux colocataires prennent leur douche séparément, la blonde se maquille même un peu.

Elle s'apprête à partir quand elle remarque derrière elle Oliver, deux têtes de plus qu'elle, qui enfile sa veste et lui emboîte le pas.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Je t'accompagne.

- J'ai pas besoin de

- Je sais, coupe-t-il. Mais j'y repensais tout à l'heure. J'ai jamais pris le temps de comprendre ce que tu faisais. Comment tu réfléchis dans ton boulot. Je vois juste le résultat. On n'a peut-être pas les mêmes valeurs, mais la moindre des choses, c'est que j'essaye de comprendre les tiennes comme tu as compris les miennes.

Romy ne répond rien. Elle lui sourit juste, et lève les clés de la petite Peugeot qui dort tranquillement sur le parking de l'immeuble.

- Tu conduis ? 

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