Chapitre 5 - Richard - Première erreur
Hello !
Voici enfin le chapitre 5, que je vous ai teasé depuis un petit moment. J'espère qu'il sera à la hauteur de vos attentes (si vous en avez du moins...)
Je suis encore en vacances mais je m'attelle au chapitre 6 dès que possible ;)
Je vous laisse déjà supposer quel personnage va être le principal protagoniste de la suite, et j'attend vos avis avec impatience !
Bisous,
Alice.
-----------------
Richard émerge contre un oreiller dont il ne reconnaît pas l'odeur. Ça sent les fruits, quelque chose dont il n'a pas l'habitude. Chez lui (parce que visiblement il ne l'est pas), son oreiller sent la clope. Sa femme lui dit sans arrêt qu'il finira avec le même cancer que sa fille, mais à l'inverse d'elle, lui l'aura bien cherché. Richard aime sa femme, de tout son cœur. Mais quand elle lui dit ce genre de chose trois fois par jour, la seule envie qui lui prend, en plus de s'en griller une, c'est de courir se réfugier dans les bras de la première venue.
Le pompier se lève difficilement, se masse le bas du dos, qu'il a douloureux. L'oreiller est moelleux, mais le matelas est, pour lui, semblable à du béton. Il enfile silencieusement son caleçon, son pantalon d'uniforme, et s'apprête à passer sa tête dans le col de sa chemise, quand un froissement se fait entendre derrière lui.
- Le devoir t'appelle déjà ? Marmonne la brune.
- Pas vraiment, mais j'aimerais prendre une douche chez moi avant d'y retourner.
Elle reste muette un instant, l'observe boutonner son haut.
- T'as l'air boudeur.... ça t'a pas plus hier soir ?
- Si, si, répond Richard.
- Alors pourquoi tu comptais t'en aller sans dire au revoir ?
Parce que je suis marié, est-il tenté de répondre. Mais même sans l'alliance, ça la foutrait mal. Il n'a pas envie d'en parler, encore moins d'y penser. Il va aller travailler, éteindre des feus, venir en aide à des vieilles en détresse, et oublier ce qu'il trouvera chez lui une fois rentré le soir.
- Richard...
Il bout de l'intérieur, mais ne dit rien. Il n'a pas envie de se battre avec elle. S'il se retourne, il croisera son regard de merlan frit, et il aura envie d'exploser. Mais son prénom sortant de la bouche de la policière (dont il évitera de montrer qu'il a oublié le nom) lui donne envie de hurler. Ils s'étaient mis d'accord : c'était l'histoire d'une nuit, et il repartirait le lendemain comme si rien ne s'était passé. Elle était d'accord. Alors pourquoi maintenant elle lui fait les yeux doux en espérant le faire rester ?
- Tu veux pas rester encore cinq minutes ? Minaude-t-elle.
Richard serre les dents, mais c'est trop. Elle lui tape sur les nerfs.
- Écoute Machine, je t'avais prévenu. Je dors ici mais j'me casse dès qu'il fait jour. Et oh regarde ! Si j'ouvre le rideau, qu'est-ce que je vois ? Le Soleil ! Donc je met mes bottes, et je prend la porte ! Si toi tu veux rester là à rien foutre, grand bien t'en fasse. Mais je t'avais dit que je m'en irai et c'est exactement ce que je vais faire, là tout de suite. Bonne journée à toi.
Il déteste s'énerver contre les gens qui n'ont rien demandé. Il a d'ailleurs, une fois sur le seuil de l'appartement, très envie de faire demi-tour pour lui présenter ses excuses et lui expliquer pourquoi sa vie est ce qu'elle est en ce moment. Mais non seulement ça n'avancerait à rien, mais en plus, il n'a pas envie de croiser les yeux larmoyants de la brune, encore au lit. Il préfère garder son image de grand salopard, ça lui fera moins mal de le détester parce qu'il est parti sans aucun remord que de détester un type qui sait mieux faire le regard de chien battu qu'elle.
Il descend donc les escaliers jusqu'à l'entrée de l'immeuble, s'empresse d'allumer une cigarette, et regarde le ciel. Il est nuageux, en fait. Et puis quelque chose le tracasse : ce matin, il n'a pas faim. D'habitude, il ne rate jamais son petit-déjeuner. Non. En fait, ça fait déjà un moment que Richard n'a plus du tout faim.
Il se dirige d'un pas rapide vers la caserne de pompier. Malheureusement pour Richard, celle-ci n'est pas trop loin de chez la demoiselle, et il s'y retrouve en dix minutes de marche. Il a menti. Il ne rentrera pas chez lui pour prendre sa douche : il se lavera ici, dans les douches collectives. Le pompier profite de l'absence de ses collègues. Ceux du service de nuit sont encore dans la salle de repos, il est sept heures du matin, et il est tranquille. Tranquille, avec ses pensées merdiques. C'est tout de suite moins amusant.
Sous le jet tiède, Richard baisse la tête. Il a envie d'envoyer des grands coups de front dans le mur pour arrêter de penser. Il voudrait remonter le temps pour trouver ce qui pourrait avoir donné le cancer à sa fille. Contrairement à ce que pense Marguaux, ce n'est pas son tabagisme qui l'a provoqué. Il n'a jamais fumé à côté de sa prunelle. Mais depuis l'annonce, sa femme n'est plus la même. Lui non plus. Il s'est réfugié dans son travail, en premier lieu. Il s'est acharné à faire des gardes, puis des services de jour, a refusé catégoriquement les jours de congé qu'on lui a proposé pour se remettre de sa situation, prendre du temps pour lui. Sa femme, elle, a choisi un coupable. Elle a nié totalement, depuis le début, que la vie pouvait être ainsi faite et avoir choisi la victime la plus innocente de cette planète. Marguaux a choisi Richard, et surtout ses clopes, en se persuadant que si son mari n'avait jamais touché au tabac, Maxime ne serait pas dans cet état.
Son front s'abat quand même une première fois dans le carrelage blanc de la douche. Les larmes ruissèlent, entremêlées avec l'eau de la douche. Richard se fait violence pour ne pas sangloter, mais c'est difficile. En fait, il est à bout. Il sait pourtant que sa fille répond très bien au traitement, que pour une petite fille de dix ans, elle est très coriace et déterminée à guérir. Mais la voir ainsi, pâle, chauve, chétive, lui fait faire des cauchemars. Ça fait huit mois déjà, et c'est l'enfer.
Le pompier pourrait continuer pendant longtemps de se lamenter sous le jet d'eau intermittent, mais la porte du vestiaire qui claque le rappelle à la réalité. Le temps a filé, et ses collègues arrivent. Il passe sa serviette autour de sa taille et rejoint son casier. A côté de lui, son collègue Paul ne lui adresse pas un seul regard. Il semble fatigué, ralenti.
- Salut.
Richard tient à être poli. Paul hausse un sourcil, le toise.
- Salut...
Il parait peu sûr de lui, comme s'il était surpris que Richard puisse s'adresser à lui. Mais autour d'eux, les autres pompiers semblaient bien plus en forme. Seuls les deux hommes ont l'air tout droit sorti d'une tombe.
Paul claque la porte de son casier et s'en va sans un regard de plus pour Richard, qui enfile ses vêtements propres. Quand il rejoint ensuite le reste des pompiers pour voir avec qui il fera équipe aujourd'hui, il déchante vite. Il est avec deux de ses collègues qui n'ont aucune considération pour lui (il les soupçonne même de se foutre de sa gueule dans son dos), et Paul. Paul, dont il ne sait absolument pas quoi penser. Celui-ci lui lance un regard presque dégoûté, mais ne lui adresse pas plus la parole pour autant.
Et à peine se sont-ils préparés à rejoindre leur camion de secouriste que leur chef de brigade les envoie en plein centre de Berlin pour sauver un pauvre mec qui visiblement a voulu en finir à grandes doses d'héroïne. Richard laisse courir. Il fera son travail, peu importe l'ambiance qui va régner dans le camion. C'est ça qui prime, de toute façon : sauver les gens. Le reste importe peu.
C'est Paul qui prend le volant, Richard monte sur la place passager tandis que les deux autres montent à l'arrière, à côté du brancard encore vide et du défibrillateur. Le pompier en profite pour descendre sa fenêtre, et allumer une cigarette. Paul le regarde faire du coin de l'oeil, il le sent. C'est sa vie depuis quelques mois de toute façon : être jugé constamment sur son hygiène de vie. Et bizarrement, le fait que ce soit lui cette fois-ci, a quelque chose de rassurant. Comme si son collègue le comprenait un peu.
- Tu regrettes parfois ? finit-il par demander.
- Regretter quoi ?
- Tes sauteries intempestives. Richard fait semblant de ne pas avoir entendu la question, tire lentement sur sa cigarette. C'est une question qu'il ne s'est jamais vraiment posée.
- Des fois oui, des fois non.
- Mais t'es pas marié ? demande Paul.
- Si.
- Ah.
Il ne dit plus rien. Richard hausse un sourcil. C'est un "ah" sans aucun jugement, et pour une fois, il est rassuré. Paul ne le comprend pas, mais il ne cherche pas non plus à lui faire la morale. Ça lui change.
- Et toi ? T'es l'éternel célibataire de la caserne. Ça te dit pas de te caser ?
- Pas vraiment, fait-il en gardant les yeux rivés sur la route. Il conduit vite, il faut qu'il fasse très attention.
Richard ne cherche pas à en savoir plus. Visiblement, Paul n'est pas très enclin à parler de sa vie sentimentale, et il ne préfère pas le titiller pour avoir des détails.
Ils arrivent à une ruelle qui sent les poubelles de loin. L'équipe de pompiers sort en silence, chacun s'active à sa tâche. Paul et Richard vont vers la victime, qu'ils ont du mal à trouver. L'homme est pâle, il est enseveli sous les ordures. Comme si quelqu'un avait cherché à ce qu'on ne le retrouve jamais. Le pompier le met tout de suite sur le côté lorsqu'il le voit vomir. Paul sort le masque à oxygène, le place sur son nez après avoir essuyé les traces de renvoi. Derrière eux, un collègue a préparé une injection de naloxone, qu'il s'empresse de lui envoyer dans la veine. Le dernier de l'équipe lui branche les différents patchs pour le monitoring, et le pauvre homme aux pupilles dilatées est chargé dans le camion, direction l'hôpital.
Dans le fond, Richard n'est pas mécontent de se retrouver avec des collègues qu'il n'apprécie pas plus que ça (ou qui ne l'apprécient pas plus que ça) : chacun est concentré sur le patient, est attentif à ses besoins. La discussion est focalisée sur lui, et durant le trajet, le jeune homme semble reprendre doucement connaissance, à défaut d'être parfaitement lucide.
Paul se penche vers lui pour le rassurer à voix basse, et se redresse rapidement, le visage blême. Richard l'interroge du regard.
- Il a dit : "vous n'auriez jamais dû faire ça, maintenant, il va être en colère".
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top