Chapitre 2 - Oliver - Petit tour à la casse

Je mourrais d'envie de vous poster la suite, donc la voilà. J'espère que vous apprécierez, n'hésitez pas à me laisser votre avis :)

Ce chapitre a été entièrement relu et corrigé.

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La journée a été mouvementée, la soirée, beaucoup plus calme. Il est allé boire un verre avec Romy, comme à chaque fois qu'il passe une journée chargée et fatigante. Ils sont allés dans le bar des habitués, près de l'hôpital où il travaille. Oliver aime son boulot d'interne. Les urgences, y a que ça de vrai. On n'a pas le temps de s'attacher à qui que ce soit, donc si quelqu'un y vient pour mourir, tant pis. Et puis, son mentor est génial.

Ce qu'il y a de bien, c'est que ce vieux bar à l'aspect carrément merdique est situé à égale distance du commissariat, de la caserne de pompier, et de l'hôpital. C'est le bar le plus chanceux de Berlin. Rien ne peut arriver ici. Pas de feu, pas de débordement, pas de coma éthylique. Les lieux sont toujours blindés de flics éreintés, de pompiers qui puent la cendre, et de médecins en quête d'antidépresseur liquide.

La seule personne qui ne va pas avec le décor, c'est elle. Sa colocataire, Romy. C'est pas son vrai nom, lui a-t-elle dit un jour, mais Ollie s'en fout. Il l'appelle, voilà tout. Romy n'est ni médecin, ni pompier, encore moins flic, bien qu'il lui arrive de travailler avec eux. Ce soir, il le sait, elle n'a pas exécuté un contrat pour le compte de Schneider. Elle l'aurait ramené vivant, en plein milieu du bar, pour que ce pauvre type ait encore plus la honte. Oliver n'a rien vu, et tant mieux, il ne veut pas savoir. Mais c'est le moment de la soirée où son amie pourrait avoir besoin d'aide, et il est justement assis à la place passager pour ça.

Elle arrive d'ailleurs, fouille ses poches pour prendre les clés qu'il a déjà dans la main. Il sent son élan de panique, ses mains frémissantes qui cherchent plus rapidement, plus profondément dans les précipices toujours aussi vides. Elle lève les yeux vers le pare-brise, croise son regard dans le rétroviseur.

Dans le noir, elle ne semble pas le reconnaître. Elle s'approche prudemment de la portière conducteur, sur ses gardes. Elle n'est jamais armée pour aller au bar. Romy ne pourrait pas faire face à un homme qui a une arme à feu. La jeune femme glisse ses doigts dans la poignée, ouvre la porte lentement, et se laisse tomber sur le siège. Sa main reste sur la portière, pour pouvoir se relever en vitesse si ça tourne mal. Ollie sourit. Elle est futée. En fait, il adore sa colocataire. Bien qu'il ne la connaisse pas très bien sur certains points, il sait qu'elle n'aspire pas à faire le mal. Qu'elle est beaucoup plus craintive qu'elle en a l'air. Courageuse, mais pas téméraire. C'est ce qu'il répondrait si on lui demandait de décrire Romy.

- C'est ça que tu cherches ? fait-il en brandissant le trousseau cliquetant à hauteur de son visage.

Le soupir de soulagement de Romy est imperceptible. Elle glisse ses deux jambes sous le volant, claque la portière, et abaisse sa capuche. Sa main gantée s'avance vers les clés. La jeune femme reste silencieuse. Elle a envie d'insulter Oliver.

Lui se cale bien dans son siège, boucle sa ceinture.

- Tu fais quoi là ? questionne-t-elle sans le regarder.

C'est ce qui plaît à Oliver. La voix de Romy ne va pas du tout avec son caractère. Elle est sucrée, presque enfantine. Quand il l'a au téléphone, il a la sensation de discuter avec une petite fille de dix ans à peine. Romy essaye d'être autoritaire, mais sans succès. Il restera sur le siège passager, qu'elle le veuille ou non.

- J'attache ma ceinture pour ne pas mourir si on a un accident, élude-t-il.

Subtil. Elle sent l'ironie, fronce le nez.

- Dans ma voiture Ollie. Qu'est-ce que tu fais dans ma voiture ?

- Et bien j'ai remarqué que tu faisais des heures sup' ce soir, si tu vois ce que je veux dire. Et comme je sais que Schneider n'apprécie pas trop que tu fasses des extras, plus vite tu te seras débarrassé de ton encombrant, plus vite tu seras tranquille.

Romy soupire encore, mais prend bien soin de lui faire savoir son mécontentement.

- Je t'ai déjà dit dix fois, Oliver, que-

- Je sais. Tu ne veux pas que je mouille dans ton « business ». Moi je sauve des vies, toi tu les retires. La seule question que je me pose, c'est...

La jeune femme reste silencieuse, attendant la suite. Elle se cale correctement dans son siège, attache à son tour la ceinture. Elle n'en aurait techniquement pas besoin, vu qu'elle est à moins de vingt mètres de sa destination, mais le bar est proche du commissariat. Lui comme elle ne doivent pas attirer l'attention sur eux.

- Il a fait quoi pour mériter ça ?

- Il a battu sa femme à mort sous les yeux de sa fille, et s'en est tiré sans rien.

- C'est elle qui t'a demandé ?

- Ouais.

- Et elle te paye combien pour ça ?

- J'ai pas encore décidé. J'ai dit que je lui ferai un prix, parce qu'elle a pas les moyens. Un euro symbolique suffira peut-être.

Ollie éclate d'un rire franc. La voilà qui se transforme en justicière masquée. C'est quelque chose qui l'a toujours aidé à ne pas être rebuté par le « métier » de sa coloc' : elle ne tape que ceux qui le méritent.

Romy allume le contact, sort de la place, et enclenche la marche arrière pour aller se mettre derrière le bar. Elle coupe le moteur moins d'une minute plus tard et descend de la voiture, accompagnée d'Oliver, qui reste en retrait. Il ne sait pas quoi faire, et ne veut pas non plus prendre une initiative qu'il regrettera.

- Tu peux m'ouvrir le coffre ? demande Romy tout en déplaçant quelques sacs.

Ollie s'exécute, puis se tourne vers elle, toujours affairée à chercher quelque chose dans les ordures. Sans doute le corps de ce pauvre type, que personne ne pensera à aller chercher ici, sauf quand le macchabée sentira plus fort que les poubelles.

- Pourquoi t'attends pas que le bar ferme ?

- Parce qu'un ivrogne fait des choses auxquelles tu t'attends pas. Et si on se dépêche on peut être parti d'ici avant qu'un client vienne se soulager sur les sacs.

Elle se penche, soulève difficilement la masse inerte qui est sagement restée cachée, et le hisse sur son dos. Ollie s'approche pour l'aider, mais elle lui fait signe de la main. Il ne porte pas de gants, il ne peut pas prendre le risque de le toucher. On ne sait jamais. Elle hisse le corps dans le coffre, il la regarde faire en silence. Le jeune homme ne l'a que très peu de fois vu à l'oeuvre. Une question lui trotte dans la tête à chaque fois qu'il la voit faire.

- Romy...

- Hm ? Répond-elle distraitement, vérifiant que rien ne pourrait bloquer la fermeture du coffre.

- Pourquoi tu fais tout ça ? J'veux dire... réparer les erreurs de la justice.

Un ange passe, Ollie regrette presque sa curiosité. Il sait que Romy choisit soigneusement les informations qu'elle donne sur elle, ça n'en fait peut-être pas partie.

- Parce que... j'ai l'impression que c'est la seule chose pour laquelle je suis douée.

Le jeune homme ne sait pas quoi répondre. Il est persuadé qu'elle est douée dans bien d'autres domaines, mais elle est têtue comme une mule. C'est pour cette raison qu'il ne paye aucun loyer, qu'elle fait toujours la cuisine les jours où il est de garde, pour qu'il n'ait pas à faire la queue à la cafétéria. Elle va forcément insister s'il lui dit que si, elle ferait une formidable professeure d'histoire. Romy adore lire des livres d'histoire et lui raconter les anecdotes qu'elle a découvert. Et Ollie pourrait l'écouter pendant des heures. Mais s'il lui dit, elle va le remballer. C'est sûrement son plus gros défaut : elle se sous-estime tellement qu'elle ne veut rien entendre au sujet d'une possible reconversion.

La jeune femme claque le coffre et reprend sa place devant le volant. Ils roulent en silence, respectant les limites de vitesse. L'idée n'est pas de se faire prendre. Il est à peine minuit, ils auront le temps de revenir au bar pour oublier tout ça. Schneider ne sait pas qu'elle est venue un peu plus tôt, il ne se doutera de rien. Dans le pire des cas, Oliver est prêt à la couvrir. Ils arrivent à la décharge vingt minutes plus tard. Elle est abandonnée depuis des lustres, et depuis, elle sert de repère aux sans abris, qui eux aussi ont fini par fuir.

Romy sort le corps d'Henko et le rapproche d'un gros baril qui sert à faire du feu. Elle trouve du petit bois caché dans un coin, des vieux journaux qu'elle a toujours dans son coffre, et se sert du vieux tuyau à essence quelques mètres plus loin pour vider le réservoir d'un tacot trouvé un peu plus loin. Elle bourre le fond de papier et de petit bois, arrose le corps d'essence. Ollie retourne dans près de la voiture, s'appuie sur le coffre, et observe la porte. Il ne veut pas voir ce qu'elle fait, alors il surveille l'entrée. On ne sait jamais.

Le corps met longtemps à brûler. Romy s'est éloignée pour ne pas être imprégnée de l'odeur de l'essence et de fumée. Elle s'est assise sur le coffre, à côté de son ami. Ollie n'ose pas la regarder. Il a peur de la voir changée, de voir une véritable tueuse et non pas une femme qui rend la justice là où elle n'a pas été efficace.

- Moi j'suis persuadé que tu pourrais faire autre chose de ta vie, finit-il par lâcher. Romy tourne la tête vers lui. Il n'ose pas la regarder dans les yeux, alors tout ce qu'elle voit en le fixant, c'est sa joue rasée de près.

Il la toise du haut de ses deux mètres, ne sourcille pas. Il le pense vraiment, quoiqu'elle pourrait y répondre. Il la regarde. Romy est toujours Romy. Personne ne l'a remplacé par un monstre sanguinaire, donc elle peut réussir à faire autre chose, parce que la raison obscure qui la pousse à supprimer tous ces gens malveillants, c'est une bonne cause.

- Ollie, j'ai vraiment pas envie de parler de ça, soupire-t-elle. J'ai pas réfléchi à tout ça, et je sais même pas si j'ai envie de changer de boulot.

Ça a coupé court à la conversation. Oliver reporte son attention sur le ciel d'encre, tandis que Romy pose à nouveau ses yeux sur les volutes de fumée noire. Elle attend que ça se calme. Seul le crépitement des flammes empêche le silence total de régner en maître.

Oliver prend doucement la main de son amie, et la serre. La jeune femme esquisse un sourire, et pose sa tête sur l'épaule pointue du garçon.

Il se passe une heure de plus durant laquelle Romy s'affaire à faire disparaître le reste d'Henko. Quand tout est terminé, ils reprennent la route plus sereinement. Le bar n'est pas encore fermé, personne n'a dû remarquer leur absence. La jeune femme est tellement contente d'en avoir fini avec ça qu'elle met même la radio. Elle ne le sait pas, mais Ollie se sent mieux : il a l'impression de passer une soirée normale.

Ils entrent par la grande porte, et aussitôt, le barman secoue son énorme bras pour faire signe au jeune homme de venir commander. Romy s'apprête à le rejoindre, mais un homme la bouscule, renverse dix bons centilitres de bière sur son pull, ne s'excuse pas et s'en va en lâchant un « salope » à peine audible. La jeune femme soupire, détourne le regard.

Et croise ce regard paternaliste et glacial. Le seul qui peut la forcer à baisser les yeux.

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