Chapitre 24 : La garce

  Renard se rendit, pour la énième fois depuis leur arrivée à la forteresse, dans la caserne qui abritait tout le QG militaire. C'était l'épicentre décisionnaire. L'endroit le plus important du camp installé dans une vieille bâtisse d'époque. Et il était dirigé d'une main de maître froide et calculatrice. Par Justine.

— Bonjour ! lança joyeusement Renard en pénétrant dans le vaste préfabriqué rempli d'armes, de matériel et de cibles d'entraînement.

— Bonjour, répondit froidement Justine.

— Un problème ? demanda-t-il prudemment.

— Oui, et un gros.

— Les ennemis se rapprochent à nouveau ?

— À priori, non.

— Que se passe-t-il alors ?

   Justine ne répondit pas tout de suite. Elle fit d'abord le tour de la table de stratégie, frôla Renard d'encore une fois beaucoup trop près, et elle ferma la fenêtre qui était ouverte pour être sûre de n'être entendue par personne de l'extérieur. Elle manigançait quelque chose, c'était évident.

— Elle ne peut plus rester ici.

— Pardon ?

— Je pense que tu as très bien compris. Nous ne pouvons plus nous permettre de garder ta Lapine.

   Elle avait craché les deux derniers mots avec une haine certaine. Elle ne s'en cachait même plus.

— J'aimerais bien comprendre pourquoi, commença à s'énerver Renard.

— Tu n'es pas sans savoir que nous sommes en difficulté pour nous approvisionner en ce moment à cause des routes détruites et des barrages ennemis.

   L'ex-militaire opina du chef. Il connaissait déjà parfaitement leur situation, c'était plutôt la suite qui l'intéressait.

— Lapine n'est pas indispensable ici.

— N'importe quoi ! Elle abat une énorme quantité de travail chaque jour. Elle fait en sorte que la vie au camp se déroule pour le mieux pour tous. Elle s'épuise chaque jour un peu plus pour nous tous, elle...

— Ce qu'elle fait, le coupa-t-elle en haussant le ton, tout le monde peut le faire. On mettra tous un peu plus la main à la pâte, et on se partagera ses tâches.

— C'est injuste. Je risque ma vie chaque jour passé ici en acceptant toutes tes missions. Je pense que je paie largement le prix pour deux. Tu ne peux pas faire ça.

— Les temps ont changé.

— Non, tu as changé.

— Je te demande pardon ?

— Tu as changé d'avis hier soir quand je suis sorti me promener avec elle. Tu crèves de jalousie, ça saute aux yeux.

— Je t'interdis de dire de telles bêtises. Je vaux bien plus que ça. Ce n'est pas parce qu'elle est jalouse, que je dois l'être aussi. Je ne suis plus une gamine depuis bien longtemps.

— Tu me veux dans ton lit depuis le début. Et tu enrages car tu n'y arrives pas. Combien de fois ai-je repoussé tes avances ? Combien de fois ai-je éloigné ta main baladeuse de mon corps ? Elle est là la vraie raison. Je suis insensible à ton charme, et tu ne l'acceptes pas.

   Sans prévenir, la main de Justine s'abattit sur le visage de Renard qui ne bougea pas d'un pouce. Sa joue prit instantanément une couleur rubiconde, permettant de distinguer parfaitement les cinq doigts qui venaient de le heurter avec haine. Le bruit avait résonné dans le bâtiment ancien, imprégnant chaque mur de toute cette violence.

— Tu es allée trop loin, dit-il sur un ton cassant. Ce n'est pas toi qui renvoies Lapine. Ce sont nous qui partons.

— Tu rêves, cracha-t-elle entre ses dents.

— Ah oui ? Tu penses ? Et bien tu verras ça quand nous aurons quitté le camp.

— Et comment comptez-vous faire ? Tu ne crois quand même pas que je vais te rendre ta voiture et toutes tes affaires ? Elles nous appartiennent depuis le moment où vous avez posé les pieds ici.

— Tu n'oserais pas.

— Tu veux parier ? C'est moi qui décide dans ce camp. Ils sont tous à ma botte. Personne ne t'aidera. Vous n'irez pas bien loin sans aucune ressource.

   Renard ne répondit pas à cette nouvelle provocation.. L'échange de regard qui avait lieu entre les deux interlocuteurs était brûlant de haine et se suffisait à lui-même. Il ne cèderait pas au coup de pression qu'elle essayait de lui mettre. Il était bien plus résistant que ça.

— J'ai une proposition à te faire, finit par dire Justine en se détournant avec un sourire qui n'augurait rien de bon.

— Je t'écoute.

— Je vous autorise à partir avec chacun un sac de survie rempli de tout ce qu'il vous faudra pour faire la route jusqu'au prochain camp, à une condition.

— Laquelle ?

   Toujours avec son sourire de charognard, Justine se rapprocha de Renard jusqu'à se coller à lui. Une fois qu'elle fut tout contre son corps tendu de haine, elle posa sa main sur son torse musclé à travers son t-shirt, puis elle la fit glisser lentement jusqu'à atteindre son entrejambe.

— Je veux passer la nuit avec toi, susurra-t-elle langoureusement.

   Renard voulut attraper la main ignoble de la blonde pour la lui faire avaler, mais il se retint, conscient que la balle n'était pas dans son camp. Conscient que chacun de ses faits et gestes pourrait tout changer pour Lapine et lui. Et il ne voulait pas la mettre en danger.

— J'accepte, finit-il par dire à contrecœur. On partira demain à la première heure. Mais j'ai aussi une condition.

— Tu n'es pas en mesure de négocier, mais je t'écoute.

— Ça ne se passera pas chez moi.

— Et pourquoi ?

— Les murs sont fins. On va réveiller Lapine alors qu'elle a besoin de dormir. Toi, tu vis seule, on ne gênera personne si on va chez toi.

— Je n'ai pas envie de souiller mes draps. Ce sera chez toi, et c'est non négociable.

   Le poing de Renard se serra et desserra à un rythme soutenu. Il prenait sur lui pour ne pas le mettre sur le nez de la blonde en face. Elle s'en fichait de ses draps, elle voulait juste faire du mal, beaucoup de mal. Il était loin d'être dupe.

— Alors tu me rejoins tard dans la nuit, tenta-t-il la mâchoire serrée de rage. Quand elle sera endormie.

— Je verrai.

   Puis elle quitta la caserne, tête haute, sourire au coin des lèvres. Renard avait envie de vomir. Il avait vécu des horreurs innommables, mais jamais on ne lui avait fait un tel chantage. Cette nuit sera sûrement l'une des pires de sa vie.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top