Chapitre 18 : La forteresse
Après encore plusieurs heures de route et de petites galères en voiture, Charlotte et Renard arrivèrent enfin à leur destination. Le véhicule s'arrêta au pied d'un immense rempart, vestige d'un autre temps, remanié avec modernité. Immédiatement, ils furent visés par des snipers postés en haut de ce mur de pierres.
La porte blindée s'ouvrit lentement dans un grincement désagréable, juste ce qu'il fallait pour laisser passer deux hommes et une femme en treillis usés.
— Bonjour, commença Renard en descendant du 4x4 après avoir coupé le moteur. Nous venons en amis. Je suis sous les ordres de Pascua Giaoli. De la Légion Étrangère.
— Quelle nationalité ? demanda l'un des hommes, soupçonneux.
— Je suis français. Réformé depuis deux ans pour blessure. Je suis non-officiel. Ce sont les seuls qui ont voulu de moi.
— Et elle ? demanda la femme en pointant Charlotte, encore assise derrière son siège.
Renard lui fit signe de descendre, et elle s'exécuta immédiatement. Elle était impressionnée d'être la cible de ces tireurs.
— Elle n'était pas prévue au départ, reprit le beau brun. Elle...
— Alors elle n'a rien à faire ici, le coupa la femme.
— Mon compagnon de route est mort dans le bombardement du camp dans lequel nous étions réfugiés en attente d'un départ sous ordres, s'imposa-t-il. Elle a réussi à se sauver, mais elle n'avait plus nulle part où aller. Je l'ai prise avec moi. Elle m'a aidée dans deux sabotages, elle est loyale.
Renard avait quelque peu enjolivé la vérité, mais il l'avait fait pour sauver la mise à Charlotte. Le cœur de l'éducatrice s'emballa. Pourvu que ça ait fonctionné, pria-t-elle intérieurement.
Les deux hommes en treillis se tournèrent vers la femme pour attendre son approbation. Cette dernière jugea Charlotte du regard en la détaillant de haut en bas. Puis, comme avec haine, elle lança :
— Ok, elle prend la place de ton binôme. Mais une seule vague de sa part, et elle sera chassée. On ne peut pas se permettre de garder des civils ici. C'est trop dangereux, et nous n'avons pas assez de ressources.
Elle fit une courte pause, puis elle ajouta simplement :
— Entrez.
— Avec la voiture ? demanda Renard tandis qu'elle s'éloignait à l'intérieur.
— Non. Elle reste ici, elle doit être fouillée avant.
À contrecœur, le duo abandonna le véhicule pour pénétrer dans la forteresse. À l'intérieur, des préfabriqués étaient alignés sur tout un côté de la cour. Contrairement à son apparence extérieure, ce n'était pas très grand. Tous les bâtiments semblaient avoir été posés les uns sur les autres. Des individus, principalement des hommes, allaient et venaient avec un but précis en tête, à en croire leurs démarches déterminées.
La femme, qui se présenta comme étant Justine, amena Charlotte et Renard à un préfabriqué qu'elle ouvrit sans avoir besoin de le déverrouiller.
— C'est chez vous le temps qui sera nécessaire, leur annonça-t-elle.
Ils pénétrèrent dans une kitchenette qui donnait sur deux modestes chambres et une pièce d'eau. Au regard de la situation, c'était le grand luxe.
— Je vous laisse vous installer, dit Justine qui s'était légèrement détendue maintenant qu'elle ne percevait plus de menace directe. Avez-vous des affaires ?
— J'ai un sac dans la voiture, lui répondit Renard, mais il contient juste un change et quelques produits d'hygiène. Elle, elle n'a rien.
— On va vous faire parvenir tout le nécessaire. J'imagine que vous avez hâte de prendre une bonne douche chaude.
— Oh oui !
— Pas trop longtemps. Il en faut pour tout le monde.
— Évidemment.
Justine marqua une pause avant de lancer :
— J'imagine aussi que vous souhaitez garder votre identité pour vous. Vous évitez soigneusement de prononcer vos noms. Avez-vous au moins un sobriquet avec lequel on peut vous appeler ?
— Renard et Lapine. Ce sera bien.
— C'est tiré d'une fable ?
— Sans doute celle qu'on est en train d'écrire.
Justine retint un petit rire moqueur.
— Bien, dit-elle. Si c'est ce que vous souhaitez, il en sera ainsi. Mais préparez-vous aux boutades. Ici, ils sont sans foi ni loi.
— Aucun problème, répondit Renard avec son assurance à toute épreuve.
— Dans ce cas, je vous laisse. La cloche sonnera lorsque l'heure du repas sera venue. Vous pouvez choisir de manger ici ou avec nous. Pour le premier soir, il est mieux de privilégier la communauté, histoire qu'on fasse plus ample connaissance.
— Très bien, à ce soir.
Justine quitta donc le duo. Lorsqu'elle passa devant Renard, Charlotte aurait juré apercevoir un regard langoureux. Et une pointe de jalousie naquit dans le creux de son ventre.
Encore une fois, elle fut honteuse de ressentir une telle émotion. C'est vrai quoi, il n'y avait aucune raison d'être jalouse. Renard ne lui appartenait pas et elle n'en était pas amoureuse. Hors de question.
Mais cette Justine était belle, vraiment belle. Une grande blonde, parfaitement proportionnée. Sûre d'elle, son menton volontaire lui donnait l'air d'avoir un caractère affirmé. Ses fines lèvres cachaient un sourire à tomber. Ses yeux d'un bleu profond scrutaient sans gêne tout ce qui leur passait devant.
Charlotte ne s'aperçut pas qu'elle rougissait, trop troublée par ses émotions ridicules. Renard, quant à lui, ne l'avait pas raté.
— Qu'est-ce qui t'arrive ?
— Hein ? Quoi ? Rien pourquoi ?
— Tu as l'air d'avoir un coup de chaud. C'est Justine qui te met dans cet état ? Je pensais que tu aimais les hommes quand tu m'as parlé de Gabriel l'autre jour.
— Mais oui j'aime les hommes ! Enfin, pas tous, enfin, je ne suis pas homosexuelle, c'est tout.
— Ça va, je te taquine. Tu n'as aucun humour, c'est désolant. Tu pourrais être lycanthrophile que je n'en aurais rien à faire.
— Lycan...?
— Un crush pour les loups-garous. Paraît que c'est à la mode les histoires d'alphas, ou je ne sais quoi.
— Mais c'est degueulasse !
Renard se marra.
— Bon ! reprit-il plus sérieusement. Tu prends quelle chambre ?
— Ce sont les mêmes, lui répondit-elle après avoir jeté un œil aux deux pièces.
— Ok, je prends celle près de la porte d'entrée. Au cas-où il faudrait fuir rapidement, je sauve ma peau le premier.
— C'est encore de l'humour, c'est ça ?
— Bien ! Tu progresses à grands pas. Encore quelques années et tu auras accès à autre chose que le premier degré.
Charlotte leva les yeux au ciel et alla s'enfermer dans sa chambre. La jeune femme se laissa lourdement tomber sur le matelas dont les draps n'avaient pas encore été mis, simplement posés au pied du lit, parfaitement pliés. Ce petit confort la fit presque fondre en larmes. À ce moment, elle réalisait à nouveau pleinement tout ce qu'elle avait perdu.
Délicatement, elle sortit les deux photos et le petit cœur en métal de sa poche. Elle les câlina de ses doigts, alternant avec le collier de perles. Une larme s'échappa et alla rouler sur sa joue. Tout était devenu si difficile.
Un dernier regard sur ses objets chéris, et elle les rangea précieusement dans sa poche. Les photographies commençaient à s'abîmer avec les mouvements de la jeune femme et les frottements du tissu. Il ne faudrait pas précipiter leur destruction qui serait si douloureuse...
Peu de temps après, on frappa à la porte du préfabriqué. Un gros homme chauve, mais barbu, leur apporta une caisse avec des vêtements et des produits d'hygiène. Chacun leur tour, le duo prit une douche aussi brûlante que revigorante. C'était bon de se sentir à nouveau propre.
À présent, l'heure du repas était arrivée. Il était maintenant temps de faire connaissance avec le reste du clan.
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