Plus nous nous approchons, mieux je distingue le petit village illuminé dans la nuit.
Et je m'aperçois vite qu'il n'a rien à voir avec tous les autres petits villages que j'ai pu rencontrer dans ma vie jusqu'à présent.

Une tour simple, étrangement lisse, s'élance vers le ciel et surplombe le reste du village, construit tout autour, tout en l'illuminant de ses reflets bleutés. Elle a l'air d'être entièrement faite en cristal, ou même d'en être un, un immense cristal jaillissant de la colline autour de laquelle est construit le village. La lumière de cet édifice, très pure, ne semble connaître aucun obstacles. J'ai l'impression qu'il fait office de phare, même si nous ne sommes pas en pleine mer... enfin, en tout cas c'est cette lumière que j'ai distinguée au loin.

Le reste des bâtiments, que je ne parviens à distinguer que quelques secondes après, s'étalent sur les flancs de la colline. La plupart sont des maisons, qui me font penser aux habitations du moyen âge, mais en plus propres. Les rues sont très organisées, parallèles ou perpendiculaires les unes aux autres. Enfin, quelques jardins sont dispersés par ci par là, donnant un peu de verdure à l'allure de la ville.

Si j'ai le temps d'observer en détail ce village semblant sortir tout droit de mon imagination, c'est que ma monture se fait de plus en plus lente.

En effet, lynx-Arthur semble se fatiguer, même s'il continue à courir. Son corps se lynx n'est certainement pas fait pour supporter le poids d'un être humain, tout en courant pendant de longues minutes.

«On est plus très loin, je peux descendre si tu veux...»
J'attends quelques secondes, toujours accrochées à son épaisse fourrure, mais aucune réponse ne vient. Bon, c'est peut-être parce qu'il ne peut pas parler. Si ça se trouve il ne peut même pas m'entendre. Bon et puis ça m'est égal, si il veut qu'on continue à pied il a qu'à s'arrêter pour qu'on continue à pied, c'est un grand garçon!

Mais je sens soudain qu'il accélère, et je comprends.
Il a peur que je pense qu'il est faible. Ça me semble totalement ridicule. Mais bon, après tout s'il veut continuer à se fatiguer il fait comme il veut. On est sur le point de rentrer dans le village maintenant.

Effectivement, nous ne tardons pas à l'atteindre. C'est la nuit, mais quelques personnes flânent néanmoins dans les rues.

Arthur reprend enfin sa forme humaine, dans un léger bruissement.

«C'est pas trop tôt!
-De quoi?
- J'ai bien vu que tu te fatiguais, j'aurai pu descendre et courir! On serait arrivé plus tôt.
-Pff. C'est parce que t'es trop lourde.
-Charmant! Mais quand on a pas de repartie on se défend comme on peut pas vrai?
-...
Bon, je te rappelle que y a le feu quand même alors faudrai qu'on prévienne le maire.
-Le maire? Pourquoi lui?
-Je t'ai déjà dit qu'on avait pas de plombiers, alors on fait comme on peut! Le maire s'occupe de tout. Aller on se bouge, suis-moi et dépêche toi.»