You can leave your hat on
Dylan O'Brien est accoudé au bar, l'enjeu journalistique du jour posé sur le même tabouret que la veille. Il sourit lorsqu'il me voit arriver et se lève pour me tendre une main que je serre avec fermeté.
— Bonsoir. Alors, on boit cette deuxième bière finalement ? dit-il en levant la main vers le barman.
— Avec plaisir.
Il nous commande deux pintes sans me demander mon avis. La bière que l'on nous sert est plus forte que celle d'hier mais il y a un parfum épicé qui revient en notes de fond. Une bière de Noël très certainement. On ne se parle pas beaucoup. Il me semble que nous sommes sur nos gardes l'un et l'autre, intimidés aussi. Le nez dans mon verre je l'observe à la dérobée.
C'est amusant à quelle point la fiction est loin de la réalité. Il ne se ressemble pas tant que ça. Je suis à coté d'un jeune homme assez discret. Sans maquillage et sans éclairage professionnel il a un visage régulier et doux dans lequel j'ai pourtant du mal à retrouver l'insolescence de mon Léopard. Je respire mieux en le constatant.
— Tu avais peur de le trouver désirable ? souffle le Dragon.
Il ouvre les hostilités après avoir tourné autour du pot pendant trois ou quatre gorgées de bière.
— J'ai commencé à lire ton livre hier soir.
- Ah ?
— C'est marrant.
Je pince un sourire gêné mais je le laisse développer.
— En fait je suis assez surpris. Tu te mets bien dans la peau d'un homme, moi je l'ai bien ressenti le ton masculin que tu prends. Comment tu fais pour trouver les mots justes pour que ça semble écrit par un mec et non pas par une femme ? Je suis à peine capable d'écrire un sms mignon à ma copine.
— Et toi comment tu fais pour jouer un agent des forces spéciales alors qu'à la base tu es un garçon sans histoires du New Jersey ? Moi j'ai déjà du mal être moi-même certains jours alors jouer le rôle d'une autre.
Il sourit et lève son verre à mon intention. Je le rejoins dans son geste.
— Aux fictions et aux protagonistes, dit-il.
— Aux mensonges et à ceux qui y croient, je réponds.
On partage un rire avant de boire. Les pintes descendent plus vite que je ne l'imaginais. Échauffée par les deux verres de vin que j'ai bus avec Anastasia je sens mes inhibitions tomber une à une et j'acquiesce lorsqu'il me propose une seconde bière. Sa compagnie est agréable nous comparons nos goûts cinématographiques, il me pose encore des questions sur le "Léopard", me demande pourquoi je l'ai imaginé gay alors que j'aurais pu lui inventer une histoire avec une femme. Je lui explique que j'aurai rêvé inventer un monde féerique ou une dystopie extraordinaire. Un truc avec des Dragons ou un mal incurable qui ronge l'espèce humaine. Mais qu'au final je n'y arrivais pas. Quitte à écrire sur quelque chose que je ne connais pas, prendre la place d'un homme était finalement une dimension assez fantastique.
L'alcool me picote sur les ailes du nez. On parle et on commence à ricaner pour un oui ou pour un rien. Il suggère une troisième bière et je me laisse aller en me disant que c'est un ascenseur qui me ramène ce soir. Celle qui ne conduit pas c'est celle qui boit.
—Celle qui boit c'est celle qui ne me contrôle pas, résonne le Dragon dans ma tête.
Mais je passe un bon moment surtout qu'il ne mentionne pas la fameuse affaire "cul d'enfer" et je n'ai pas envie de prendre garde aux relances de ma conscience.
Mon second rôle masculin commande deux autres pintes et avant même que j'ouvre la bouche pour protester il demande deux shooters de whisky. Je n'aime pas ce genre d'alcool et encore moins bu de cette façon.
— Je n'aime pas le whisky mais je tiens à faire honneur à mon personnage dans ton livre !
— Je n'aime pas ça non plus mais je ne suis plus en état de refuser un verre, dis-je déjà à moitié avachie sur le comptoir.
Cliquetis des verres l'un contre l'autre. Doigts trempés par le débordement. Dans la bouche. Le mauvais goût terrassé par le feu de l'alcool.
— Comment tu as pu écrire une telle scène de cul entre hommes alors que tu ne sais même pas ce que ça peut faire de bander ? me demande-t-il sans détours.
—Comment peux-tu jouer un agent secret, tueur de la CIA alors que tu ne sais même pas passer inaperçu dans une librairie ? rétorqué-je sans ciller.
Dylan passe sa main sur son visage et m'offre un rictus malin qui dévoile ses canines. Il a un air coquin que je ne lui ai jamais trouvé sur le net.
— Veux-tu faire un jeu avec moi ?
Je sens le Dragon éveillé par ma curiosité. Un jeu ? Mais encore...
— Échangeons nos challenges pour une soirée, je t'apprends comment jouer un agent secret qui vole des dossiers classés secret-défense et en échange tu m'apprends à écrire quelques lignes.
— L'enjeu est intéressant et je ne manque jamais l'occasion de vivre une expérience amusante.
Il boit sa bière et un voile sournois presque imperceptible passe alors sur son regard. Je me sens prise au piège de l'alcool et de mon désir de tromper l'ennui mais échanger le gueuloir de Flaubert contre la méthode Stanislavski est une occasion qui ne se représentera peut-être pas de sitôt.
— Tu es prête ? On joue maintenant ?
- Et toi tu es prêt à écrire tes premières lignes ?
— Avec plaisir, je ne me défilerai pas.
—Allons-y, que dois-je faire pour cette "mission top-secrète" ? Demandé-je, ivre et hilare.
— Et bien c'est très simple tu vas chercher quelque chose de compromettant et tu me le rapportes. Moi je te l'achète disons... 300£ ?
— Je ne comprends pas. Je te rapporte quoi ?
—Un truc qui va te mettre mal à l'aise comme si tu avais volé un dossier. Par exemple voyons voir... Tu vas aux toilettes, tu retires ta culotte et tu reviens me la mettre dans la poche sans que personne ne s'en rende compte.
Je manque de recracher mon whisky par le nez. L'alcool doit interférer avec mon anglais.
— Je... je crois que je n'ai pas bien compris. Répète ça ?
— J'achète ta culotte 300£ si tu me la mets dans la poche. Tu as exactement huit minutes pour t'exécuter après ce délai je m'en vais.
— Je ne suis pas certaine d'avoir envie de jouer ce genre de jeu.
— Dans ce cas tu me priveras d'une leçon d'écriture. C'est toi qui vois. Bientôt sept minutes, dit-il avec un sourire carnassier qui lui change le faciès. Le regard pervers et éthylique qu'il me lance éloigne le visage poupin de l'acteur teenage ; un homme très sûr de lui me fait désormais face.
—Qu'est-ce qui me dit que tu seras encore là lorsque je vais revenir ? Que je ne vais pas me retrouver comme une idiote avec mon slip dans la main ?
— Rien. Ça fait partie de l'expérience. Tu n'as aucune assurance. C'est une mission à haut risque avec implication personnelle. Difficile d'en ressortir indemne. Il te reste six minutes. Par contre j'ai à peine commencé ma bière, tu devrais avoir le temps de revenir avant que je l'aie bue.
Je bois et décide que je ne ferai pas ce genre de bêtises. Le Dragon décide autre chose.
—Pour une fois qu'on a l'occasion de faire un truc un peu dingue et marrant on fonce !
— Marrant ? De devenir la proxénète de ma propre lingerie ?
—Tu portes une culotte en coton Monoprix. Avec 300£ tu la remplaceras très bien chez Agent Provocateur demain. Au pire il sera parti, tu mettras ta culotte dans ta poche et t'auras un truc à raconter à Aurore qui la fera rire pour les dix prochaines années. Fonce. Y a rien de grave non plus, on va se marrer, et tu auras tout le loisir de te venger lors de la seconde manche du jeu...
Cinq minutes.
Il me lance un clin d'œil, passe sa langue sur ses babines avant d'avaler une lampée de son bock. Je ne le quitte pas du regard et sans perdre plus de temps à réfléchir je me lève de mon tabouret, bois une gorgée censée m'apporter un courage dont je n'ai pas besoin et me dirige vers les toilettes au fond de la salle.
Adossée au mur de la cabine une fois le verrou tiré, je passe la main dans mes cheveux en me demandant ce que je suis en train de faire là. J'en profite pour pisser un litre de bière et regarder ma culotte comme si c'était la première fois de ma vie que je la voyais. Est-ce de la prostitution que de vendre son slip à la fin de la journée dans un bar ? Je n'arrive plus à raisonner : je suis trop saoule pour ça.
— Oui ou non ? On joue ou pas ? On va pas passer la soirée dans les chiottes pour savoir si ta culotte vaut plus ou moins que 300 £ ? Si ?
Un pied. Puis l'autre. Je récupère le morceau de tissu noir et remets mon pantalon, je me sens légère de sous-vêtements et lourde de sous entendus. J'ai l'impression que parce que je le sais tout le monde s'en rendra compte quand je reviendrai dans la salle. Je me passe un peu d'eau sur le visage et sur la nuque avant de sortir des toilettes pour "ladies". Un cocktail bizarre me tord les tripes : excitation, honte, trouille et ivresse se mélangent. Une fois de retour dans la grande pièce le jeune homme se tourne vers moi et tapote sa montre du doigt avec un sourire pour m'inciter à presser le pas. Une violente décharge d'adrénaline me parcourt l'échine.
Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien.
Une fois arrivée à sa hauteur je plonge mon petit poing serré dans la poche de son pantalon, sa main saisit le linge à travers le tissu de son jean. Il garde une emprise sur mes doigts quelques secondes alors que je tente de les retirer en toute discrétion. Un rire nerveux m'échappe lorsque je récupère ma main.
- Bravo. Tu as accompli ta mission dans les temps.
Je réponds par un hochement de tête et m'empresse de me récompenser en sirotant ma bière. Je suis à la fois fière et honteuse. Le sentiment est très nouveau et très inattendu.
— Comment te sens-tu, maintenant ?
— Tu veux dire par rapport à ce que je viens de faire ?
— Évidemment, c'est le but de l'exercice. Qu'est-ce que tu as ressenti pendant ce moment ?
— J'ai eu peur de ne pas y arriver. De ne pas en être capable. J'avais honte de le faire, mes gestes étaient hésitants et mes doigts gourds au moment où j'ai retiré ma culotte. Ma main était crispée sur le tissu pour être certaine de bien contenir tout dans le creux de ma paume et que personne ne le remarque. J'avais très peur de me faire repérer. Encore maintenant. En fait c'est ça, j'ai eu peur mais j'ai réussi à passer outre.
—Et bien voilà, c'est exactement ce que peut ressentir un agent secret en action : la peur. Peur de se faire repérer, de ne pas avoir le cran d'aller au bout de son objectif, les doigts ankylosés qui n'appuieront pas sur la gâchette dans le temps qui lui est imparti, l'angoisse de ne pas être soutenu par son commanditaire au retour de la mission... Maintenant que tu sais ce que ça fait tu peux te servir de ça, de ce ressenti pour jouer une espionne qui part voler des infos précieuses sur un ordinateur. Elle n'a que huit minutes avant de se faire pincer par la sécurité et elle ne sait pas si son contact sera bel et bien au rendez-vous pour récupérer les fichiers confidentiels...
— Et tu n'avais pas d'autres moyens de me faire comprendre ça qu'en me demandant de retirer mes sous-vêtements ?
- Si. Mais c'était beaucoup moins drôle.
Il m'énerve prodigieusement mais c'est difficile de lui donner tort. Ma vengeance sera au niveau de l'affront, je lui réserve un chaton de ma chatte.
— A ton tour maintenant, prêt pour ta leçon d'écriture ?
—Plus que jamais !
— Alors sors ton portable, tu vas envoyer le premier vrai e-mail de ta vie.
**********
Hello,
Un battle Dragon VS Léopard commencerait-il...
Comme je l'ai déjà dit lors de l'avertissement l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, consommez-en avec modération. En plus de cela, trop boire peut également vous amener à adopter un comportement très con et très regrettable comme décrit ci-dessus.
Pourtant, je tiens à dédié ce chapitre à @Pastresloin qui suit la chasse au "Léopard" depuis un moment avec fidélité et gentillesse. Des bises au passage!
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