Science-Fiction

— Entre Saah, viens t'installer ma chérie je t'attendais. Pile à l'heure dis-donc ! J'imagine que tu as passé la journée à te reposer : tu as les joues roses et rebondies

Je le regarde avec un battement de cil lancé du coin de l'œil et esquisse un petit sourire coincé. Un court instant j'envisage aussi le gloussement avec la tête qui rentre dans mes épaules, mais j'abandonne en cours de route. Hugh a le regard torve des alcoolos au petit matin sauf qu'il sent bon le self-control et le déodorant aux sels d'aluminium. Par intermittence j'entends le bruit métallique que font les chaînes autour du cou du Dragon, solidement attaché à l'extérieur du bureau. Mon éditeur ne craint pas grand chose, la Bête se gargarise encore des relents de son dîner de la veille.

— Je suis tellement heureuse de passer un peu de temps avec toi, Hugh. New-York est vraiment Fa-bu-leu-se. Si tu savais quel plaisir c'est d'être ici.

—Moi aussi. Tu sais, j'ai réfléchis depuis hier et je pense vraiment que nous sommes partis du mauvais pied tous les deux. J'avais une mauvaise journée dans les pattes, tu étais en plein jet-lag... On était crevé et on s'est mal parlé, voila tout. Je regrette. Nous n'avons pas eu le temps de parler et d'échanger si ce n'est qu'entre deux portes. J'aime prendre du temps pour mes auteurs, je tiens à ce qu'Anastasia en fasse autant à Paris. Je te présente des excuses. Parlons de toi, du "Léopard", de tes projets. Je veux tout savoir.

De l'autre côté du mur le silence se fait. Si je suis surprise et heureuse de la soudaine tendresse que me témoigne Hugh, le Dragon se tend et se méfie.

— Je te remercie. Tu as raison, nous n'avons pas bien commencé notre histoire. Moi aussi je suis contente de passer ce moment avec toi.

Une de ses jeunes goules entre dans le bureau après avoir frappé pour déposer un plateau de thé sur la petite table au fond de l'immense pièce.

Bruit de chaînes.

—  Allez ma chérie, tu as du passer la soirée d'hier et toute la journée d'aujourd'hui à écrire : raconte-moi tout.

Des images obscènes troublent mon esprit à l'évocation de ces dernières heures. 

— Je... En fait... Oui, voilà, je voulais te parler de mon prochain projet.

—Mais je suis justement là pour t'écouter : je suis ton éditeur. Tes projets sont aussi mes projets Saah.  Je t'en prie, lance-toi.

Je raconte.

La SF. La dystopie. Le projet qui me tient à cœur et que je n'arrive pas à sortir. Le climax, les intrigues secondaires, les rebondissements, le personnage principal, ses alliés, les opposants. Je ne m'arrête plus, mon projet vit, je vois des scènes se dérouler sous mes yeux. 

Hugh écoute ma logorrhée, se lève en hochant la tête comme s'il validait chacune de mes paroles. Il se dirige vers la théière et remplit deux tasses de thé vert au riz soufflé. Le parfum vient jusqu'à mes narines. Depuis combien de jours  n'ai-je pas bu d'alcool ?

Tu as baisé à jeun pendant plus de douze heures rappelle-toi...

Mon boss me tend une tasse en grès émaillé de vert et de bleu, il s'assoit dans le fauteuil à côté du mien et tapote mon genou avec un petit sourire paternaliste.

— Saah, je trouve que c'est un excellente idée.

—Vraiment ?

—Oui, je trouve que ton histoire fonctionne très bien.

—Si tu veux je pourrais te préparer les dix premiers chapitres d'ici demain et comme ça tu aurais peut-être le temps de les lire pour qu'on en discute avant mon retour à Paris et comme ç...

—Non. Merci, mais je ne le lirai pas. 

— ...

— Tu vois, je trouve que c'est une super idée mais moi, ce n'est pas ce que je veux vendre. Il faudra que tu retournes voir un autre éditeur car je n'ouvrirai pas une collection de science-fiction. Pas envie. La romance marche bien et pour moins cher. Je te laisse le soin de présenter ton projet à une autre maison. 

— Bon. Et bien  je crois que je n'ai plus rien à faire dans ton bureau alors.

—Au contraire, reste assise s'il te plait. Je t'en prie, sois à l'aise. Nous n'avons pas fini d'échanger au sujet de ton travail. Où en es-tu de la suite que j'attends ?

—Je t'ai déjà dit que je n'avais pas envie de l'écrire.

Je me renfrogne. Il m'a piégée comme un lapin de trois semaines, je suis sur la défensive et campe sur mes positions. Pas de SF ? Pas de suite.

— Tu vois la grosse difficulté de mon métier se trouve précisément là : dans votre ego d'artiste, à vous les auteurs. Vous arrivez avec la tête farçie de salades, de rêves de célébrités, de dédicaces, de passe-droit, d'adaptation ciné et j'en passe et des meilleures, le souci c'est qu'à un moment donné il faut que quelqu'un passe à la caisse. Certes, sans vos talents divers et variés nous n'aurions rien à produire mais les faits sont là : nous produisons. Je suis à la tête d'une entreprise qui doit fonctionner. Je dois payer les salariés qui vendent ton livre, ceux qui le corrigent, qui le mettent en valeur, les infographistes qui réalisent ta couverture, les traiteurs et les salles pour les événements, les hôtels et les avions pour tes déplacements... Donc à un moment donné, je dois être rentable. La suite du" Léopard" est attendue, elle se vendra et se vendra très bien. Parce que tu vas l'écrire, tu vas rajouter des scènes de sexe dans des endroits improbables, entre d'autres personnages, mais tu vas l'écrire et rapidement.

— Vraiment ?

— Oui, vraiment. Je veux une scène de triolisme avec la petite amie de Kilian. On va monter le niveau d'un cran pour être certains de placer ce tome 2.

Je renverse malgré moi un tiers de ma tasse de thé sur la moquette.

—Tu vas devoir embaucher un nègre, Hugh parce que je n'ai pas envie de l'écrire.

— Je l'aurais bien  fait mais vu ce que tu me coûtes en frais divers je n'en aurai pas les moyens.

— C'est dommage pour ta suite alors : tu devrais rappeler la petite jeune fille qui écrit des Fanfic sur Wattpad, elle avait l'air motivée.

— Ah, par contre non. Tu vas l'écrire. Parce que j'ai un petit cadeau pour toi et que tu ne pourras plus me refuser grand chose une fois que tu l'auras ouvert.

Sans me laisser le temps de répondre, mon patron décroche son téléphone et demande à une assistante de lui apporter "le plis pour Mme TheGrey". Une seconde plus tard, une fille maigre et bien habillée rentre dans le bureau et dépose une grande enveloppe craft sur la table basse.

*****

Chers lecteurs,

Et oui, c'est un tout petit chapitre mais je tiens à m'expliquer. Qu'allons-nous trouver dans la mystérieuse enveloppe de Hugh ? Ce passage me donnait pas mal de fil à retordre et puis finalement j'ai eu un coup de main inespéré et bien inattendu. Moi aussi j'ai eu droit à un cadeau...

@@Lechapelier a écrit une fanfiction de cette fanfiction de la fanfiction de l'an passé (vous me suivez ?). Je suis terriblement flattée et heureuse d'avoir la chance de lire ces quelques chapitres qui tombaient parfaitement pour préciser l'action. Je vous recommande donc chaudement d'aller faire un tour du coté de " Les failles du Léopard" si vous voulez avoir une petite idée de comment ce pli est arrivé entre les mains de Hugh et ce qu'il y a l'intérieur.

Je remercie donc chaleureusement l'auteur, pour son sublime et adorable présent. Je le remercie aussi pour être un lecteur attentif et fidèle et un auteur passionné à l'imaginaire débordant. C'est toujours un plaisir de pouvoir échanger avec toi sur l'écriture et la lecture et je t'embrasse bien fort😘😘😘.

http://my.w.tt/UiNb/Chzxp3wwfG

Au passage j'en profite aussi pour vous crier dans les yeux mon bonheur du moment : Le Reflet fait partie des textes nominés aux Wattys2017 cette année !! Je suis particulièrement heureuse de faire partie de la sélection, c'est une superbe nouvelles. Irons-nous jusqu'au bout de la course cette année ? Le suspens reste entier jusqu'à la fin du mois mais je suis encore en train de flotter sur mon nuage comme les 105 autres nominés. Merci à vous, merci pour votre suivi, vos supers commentaires et vos votes, sans votre participation cette histoire pleine de fanfictions diverses et variées ne serait vraiment pas aussi amusante à écrire. Un grand merci encore une fois à vous qui lisez ces quelques lignes.



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