My funny Valentine
Écrire.
Fumer.
Écrire. Manger un truc tout prêt. Écrire. Louer une camionnette et passer une journée à aller la remplir de mes reliques qui hantent l'appart de Nico.
Fumer.
Avoir envie de boire. Pas boire. Manger des chips.
Vider la camionnette dans l'appart'hotel. Rendre le véhicule.
Écrire.
Faire la gueule sans public qui s'en offusque.
Anastasia me manque. Aurore me manque. Xavier et Pierre me manquent.
Nico ne me manque désormais plus. Et tout m'emmerde.
Je donnerai un rein contre un moment sympa avec quelqu'un mais je ne serais même pas capable de lui offrir la réciproque et encore moins de l'apprécier.
Je rallume le PC et j'écris.
— Tu sais ce qui te ferait du bien ? La règle de trois.
— La règle de trois ?
— Trois pintes, trois heures de sport et trois orgasmes. Tu serais comme neuve après.
— Je ne bois pas seule. Je suis allergique à l'odeur des tapis de gym et si je jouis encore une fois dans cette cabine de douche je vais devoir l'épouser pour laver son honneur.
— Je serai votre témoin ?
Pendant que je divague avec mon Reptile Ailé favori sans avancer sur le chapitre 29 le téléphone vibre sur ma table de nuit. Je décroche à contre-cœur.
— Bonjour Mme TheGrey, Christophe Millot à l'appareil, vous allez bien ?
— Oui, je vous remercie.
— Écoutez j'ai bien avancé sur votre dossier, si vous êtes disponible je peux vous proposer des visites.
— Ce serait formidable, combien d'appartements avez-vous trouvé ?
— Onze.
— ...
— Oui, je sais, ça fait beaucoup mais compte tenu de votre planning, je me suis dit qu'on pourrait peut-être avancer un grand coup dans notre projet et faire toutes les visites le même jour avant votre départ. J'ai bloqué une journée. Si ça vous convient Mardi 14 on avance là dessus ?
— Euh... Oui, pourquoi pas. Je devrais pouvoir m'arranger sans problèmes. À quelle heure ?
— Commençons à partir de 9h30 si vous voulez. Ça va 9h30 ?
— Ce sera parfait pour moi.
Si je fais du surplace dans mon bouquin, j'avance un peu dans ma vie. J'ai le sentiment de me réveiller après des années d'hibernation. Seule je dois faire face à moi-même et à mes travers, désormais Nico ne peut plus me servir d'excuses.
La lumière crue et jaune de la chambre donne une teinte sinistre à tout ce que je regarde. Les soirées s'étendent comme les journées, au gré des cigarettes, des phrases mal écrites et des plats préparés pas très bien réchauffés. Je ne cours pas, je mange mal et peu, je fume trop. Il m'est donc difficile de redonner de l'ampleur au Léopard alors que je me sens loqueteuse. Même le Dragon semble parfois me prendre en pitié et ne dit plus rien du fond de ma tête.
J'émerge d'un sommeil de mauvaise qualité, en totale adéquation avec mon hygiène de vie du moment. En ce quatorze février je fouille dans les fringues froissées que j'ai rapportées de chez Nico et en retire un vieux T-Shirt de concert et une veste à peu près nette. L'uniforme jean et bottines sera de la partie cette fois encore. La main sur la poignée de porte je me ravise à la dernière minute, et si je prenais sur moi de m'entraîner pour New-York ? Je retourne dans la salle de bain et entreprends de me maquiller un peu, d'essayer de rendre une copie propre et d'abandonner le brouillon de femme le temps d'une journée.
Monsieur Millot m'attend en bas du premier immeuble un casque sous le bras. J'ai évidemment dix minutes de retard pour me venger de la dernière fois et le Dragon se réjouit avec moi de la pluie d'hiver qui tombe. Il est peut-être agent indépendant mais je le déteste autant que tous les autres, surtout qu'il pousse le vice à m'accueillir avec amabilité.
— Vous avez trouvé facilement ? Quelle pluie, hein ? On y va, en forme pour le "marathon-visite" du jour ?
Je lui adresse un sourire forcé sans prendre la peine de répondre. Mme Connasse et son Dragon sont dans les parages et ils n'ont pas prévu de passer inaperçus.
Il me montre un premier appart pourri. Il en a conscience et je lui demande vertement pourquoi il a voulu me le montrer ? Je sors une cigarette de mon paquet et il me demande de ne pas l'allumer. Je suis sans voix devant tant de courage.
— Ah oui ? Et pourquoi donc ?
— Nous avons encore dix appartements à visiter, je vais vous emmener sur mon scooter pour aller plus vite, vous ne pourrez pas fumer avec le casque. J'ajoute qu'il fait froid, que la journée va être longue et que je n'ai pas envie de poireauter sous la pluie pour une mauvaise habitude qui vous détruit l'haleine et les poumons. On y va ?
— C'est le meilleur agent immobilier du monde. On le garde celui-là ! T'as entendu comment il t'a parlé ?
Je ravale mon ego et ma mauvaise humeur et me mets en selle derrière lui. J'écris des balades en Midual à Los Angeles et je me retrouve en scooter sur le périph'. Ironie de l'auteur.
Le deuxième appart est situé dans une cour trop bruyante avec un bar-restaurant qui ferme tard le week-end, nous visitons quand même mais je ne relève pas. Le troisième est au sixième sans ascenseur, il doit avoir l'habitude parce qu'il monte les marches facilement. Je me dis qu'il doit avoir les fesses musclées et me distrais en pensant à M. PutainDeCulDenfer. Le quatrième fait quinze mètres carrés. Le cinquième sent l'urine. Le sixième est trop cher...
Certains sont biens mais je suis fatiguée. Il est presque vingt heures lorsque nous sortons du dernier appartement. L'ambiance est plus détendue, certainement due au fait que nous avons passé une journée ensemble à rouler sous la pluie dans Paris, visité une tonne d'appartements, partagé un sandwich hors de prix aux Abbesses et que j'ai rigolé à quelques unes de ses vannes pas drôles. Je n'ai pas fumé de la journée pour ne pas l'incommoder.
— Alors Mme TheGrey ? Qu'est-ce qu'on fait ? Vous voulez qu'on s'arrête boire un café pour débriefer sur la journée ?
— Demande plutôt une bière ! Une bière de débriefing ça se fait, non ?
J'acquiesce avec joie, je suis trempée jusqu'aux os et un café chaud serait idéal, même à l'heure qu'il est.
Empressés par cette journée de visites nous avons oublié un détail important : à vingt heures le quatorze février tous les restaurants sont pleins de couples amoureux ou qui feignent encore de l'être. On se fait jeter d'un premier bar, puis d'un autre et enfin d'une pizzeria. Curieusement, de se retrouver à la porte des lieux qui n'acceptent que les gens heureux en amour ça rapproche.
— C'est un comble tout de même ! Premièrement on n'est pas en couple le soir de la St Valentin mais en plus on se fait jeter des restos. Marre de passer ma vie comme un con sous la pluie, râle-t-il en essuyant son front.
C'est idiot mais je suis heureuse de me retrouver avec un homme qui n'a pas de vie et qui n'a rien d'autre qu'une fin de journée de travail à se mettre sous la dent le soir de la fête des amoureux. C'est bête, mais ça me fait sourire. Monsieur Millot s'en rend compte.
— Venez avec moi, dit-il en attrapant mon bras sans me laisser le temps de rétorquer.
Nous remontons sur son fidèle destrier et il conduit sur quelques kilomètres avec un peu plus de vitesse et de nervosité que tout à l'heure. Monsieur Millot finit par s'arrêter devant un bel immeuble du Vème arrondissement et engage le scooter au fond de la cour une fois la porte électrique ouverte. Il est agacé et étrangement le Dragon ne moufte pas lorsqu'il m'ordonne de le suivre dans l'ascenseur.
— Je suis contrarié. Excusez-moi mais je suis contrarié. Putain, c'est pas possible cette fête de merde qui m'empêche de bosser correctement et de bouffer une pizza à la dernière minute. Je suis désolé, je veux dire, je ne veux pas vous faire peur, hein, mais ça m'agace prodigieusement.
— Et donc ? Vous avez une pizzeria privative en haut de cet immeuble, c'est ça ?
— Pas exactement mais pas loin. Venez, suivez-moi, annonce-t-il lorsque les portes s'ouvrent au cinquième étage.
Le petit escalier en colimaçon que nous empruntons ensuite nous amène dans un couloir qui distribue les accès aux chambres de bonnes. L'agent immobilier ouvre la première porte en face de l'escalier et s'écarte pour me laisser passer avant lui dans un geste plus professionnel que galant.
Alors que je découvre une jolie pièce claire en retirant mes chaussures, mon chauffeur de scooter daigne enfin s'expliquer.
— Nous sommes chez moi. Je suis nul en cuisine mais ma mère fait de délicieux coulis avec les tomates de son jardin. Je vous propose d'en ouvrir un bocal sur des pâtes en discutant immobilier. Ça vous ira ?
— Un café aurait suffi vous savez, rétorque sèchement le Dragon malgré moi. Millot ne relève pas.
Je trouve la petite surface étonnamment aménagée. Il y a un salon et aucune trace du moindre mini four qui ferait office de cuisine. Face à mon silence, le professionnel reprend :
— Quand j'ai commencé j'ai acheté ce studio. Et puis avec le temps celui d'à côté s'est retrouvé en vente, puis celui d'après. J'ai cassé des murs et puis j'ai racheté la dernière du couloir. C'est un format atypique mais j'aime bien l'idée d'avoir gagné du terrain petit à petit. C'est un peu mon petit empire à moi, lance-t-il en souriant pour la première fois depuis ce soir. Venez, je vais vous faire visiter : soyez la bienvenue dans mon royaume.
Lorsqu'il dit cela le Dragon réprime un haut-le cœur et le traite de "crétin prétentieux" mais je lui donne un coup de coude dans le mufle avant de faire un pas en avant dans l'antre de Christophe Millot.
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Hello les Valentins,
Un nouvel élément s'est glissé dans ces lignes : je vous propose de faire une ovation au — qui est souvent réclamé sur Wattpad et rarement utilisé ( #Coucou Pat747 et lucsaty ). J'essaie de reprendre et de corriger mes vieux textes pour leur apporter les détails qui manquent en ponctuation et autres, je trouvais donc juste de poursuivre avec ce fameux caractère trop peu utilisé sur le site.
Je dédie ce chapitre à Aemir_D qui est une très jolie plume et qui de plus a des idées originales je vous conseille vivement d'aller lire "Les Promesses Aveugles" qui fleure bon l'atmosphère suffocante d'Haïti, avec de bons personnages. Une histoire d'amour différente à découvrir en cette période hivernale.
Et j'en profite pour embrasser une de mes toute toute première lectrice sur le site qui écrit aussi bien qu'elle est aimable 😘😘😘.
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