Hou ! La Menteuse !

— Bonsoir Saah, je ne te dérange pas trop ?

— Si, mais je vais faire avec. Qu'est-ce que je peux faire pour toi un samedi soir ?

J'imagine cette connasse encore à son bureau un samedi soir. Seule, elle aussi. Ça me réjouirait presque.

— Épargne-moi tes sarcasmes par pitié, je t'appelle pour te féliciter. 

— Et bien vas-y je t'en prie, j'ai un verre dans l'autre main : profitons-en !

— Tes chiffres sont bons. Terriblement bons, même ! La presse britannique t'a fait une pub colossale en recoupant les photos de paparazzis en bas de l'hôtel. C'est dément, tu ne vas pas me croire, Dylan O'Brien était dans le même hôtel que nous !

—Effectivement : c'est fou, réponds-je, atone.

— Les journaux se sont empressés de tirer des conclusions un peu... alambiquées, dirons-nous mais on se retrouve avec un jeune acteur en plein battage médiatique parce qu'il se pourrait qu'il ait eu une aventure avec une romancière qui explose les ventes des librairies. Je le plaindrais presque ce jeune homme.

— T'inquiète pas pour lui, il doit avoir de quoi essuyer ses larmes au fond de sa poche.

— Pardon ? 

—Rien, une private joke avec moi-même. Quitte pas.

D'un signe de tête à mes hôtes je m'excuse avant d'attraper mon paquet de cigarettes et un briquet. J'ouvre la porte sur le jardinet et le Dragon manque de me bousculer en se faufilant dehors. 

— Donc, tu m'appelles pour me parler des chiffres ou de Dylan O'Brien ? T'as envie qu'on parle de quoi au final ? De la une du Sun* ?

— Des ventes. T'as explosé le compteur ! Certaines librairies sont à sec à Londres et le buzz se poursuit aux Etats-Unis. Les ventes papiers ont décollé comme rarement dès le premier jour. Bref, tu pars à New-York le mois prochain ! Félicitations ! Dit-elle excitée comme une ado en pleine ovulation.

— Ah. Cool. Vous devez être contents chez "Hugues".

— Tu pars en dédicace à New-York, Saah !! C'est juste extra ! Ana Todd a mis deux mois pour atteindre ces chiffres et c'était déjà énoooOOorme. Normalement je suis censée t'entendre trépigner à l'autre bout du fil.

Sous mes yeux le Dragon fait une petite danse de la joie grotesque.

— Je suis ravie Anastasia, te trompe pas. Juste que là je suis avec du monde et je suis sortie fumer dehors pour te parler. Il fait -2°C et j'ai pas de manteau, dis-je en rallumant une cigarette. Dis-moi je peux te rappeler plus tard ?

—Tout ce que tu veux ! Je vais regarder pour te réserver une chambre au Plaza même.

Je raccroche sans dire "au revoir" ou "merci" et je regarde la Bête. Ma conscience a les écailles qui luisent sous la lumière de la lune.

Xavier et Pierre interrompent leur conversation lorsque je reviens à l'intérieur la bouche encore chaude de fumée. Je raconte les chiffres, je tais le scandale #Dylaah. Pas envie d'en rajouter une couche.

— Tu vas à New-York ? C'est super ça ! 

—Et ce coup-ci on me propose le Plaza d'emblée, même pas besoin de faire un caprice !

—C'est bien ça le Plaza, répond Xavier. Le Carlton ou le Formule 1 passait très bien aussi. N'importe quoi du moment que tu ne vas pas au Hyatt ce sera parfait.

 Ah oui, tiens, c'est vrai qu'on a été invités, dis-donc ?

 Moi. Pas toi.

Je ne dis rien et retourne m'asseoir à table après avoir rangé mes clopes.

— Tu m'entends Saah ? Tu ne vas pas au Hyatt fin Février, nous sommes d'accords ?

— Elle ne m'a pas donné de dates précises, dis-je évasive.

— Tu gagnes du temps là, ce n'est pas ce que je t'ai posée comme question !

— Xavier, fous-lui la paix cinq minutes avec ta bonne conscience s'il te plait. Bravo Saah, ce sont de superbes nouvelles ! Si j'avais su j'aurais mis du Champagne au frais, c'est extraordinaire tout de même ! Allez, demain : Champagne !

Xavier se renfrogne et je fais chauffer de l'eau pour une tisane ce qui annonce un coucher imminent de ma petite personne. Autour des tasses fumantes on plaisante beaucoup au sujet de New-York, de mon éditeur ou de mon addiction au tabac qui a refait surface. On se moque gentiment les uns des autres et j'en regrille deux.

Je fais preuve d'un self-control hors norme. Je donne le change et je ris aux blagues. Pourtant à la vérité c'est un joyeux bordel qui règne dans mes cellules grise. Les SMS et autres mails de Nico débordent de mon téléphone, certainement parce qu'il s'est encore mit minable et donc je préfère éviter d'écouter cela avant de me coucher, je risquerais de céder et de retourner chez lui pour me faire pardonner de n'avoir rien à me reprocher. La liasse de billets de banque et la petite carte qui l'accompagne me font de l'œil au fond de mon sac. Je sais qu'il est absolument hors de question que je revoie le jeune acteur pervers mais en même temps c'est plus fort que moi : je ne peux m'empêcher d'imaginer à quel point une soirée avec mon personnage pourrait me divertir. Seule à New-York a aussi du bon, je pourrais en profiter pour faire du tourisme, un peu de yoga, manger sain, me concentrer sur l'écriture de la suite du "Léopard". Oui, voilà un bon plan. Tourisme, bien-être et écriture. Ça va être dix jours de rêve.

Je profite de ce que ma tasse est enfin vide pour me lever et annoncer mon départ imminent vers ma chambre. Pierre et Xavier envisagent la même retraite et nous débarrassons en vitesse les trois tasses et les tablettes de chocolat.

—Bonne nuit Saah.

—Je... Je vais aller fumer une dernière cigarette avant d'aller au lit. J'éteindrai les lumières ne t'inquiète pas Xavier.

— Pas de soucis. J'ai mes trois derniers paragraphes à relire avant de monter de toutes façons.

Une fois dehors, adossée contre le muret du jardin je dégaine mon téléphone et rappelle Anastasia aussitôt.

— Saah ?

— Oui, désolée de te déranger à nouveau.

—Mais non pas du tout, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

—Et bien voilà j'ai réfléchis... Je risque d'être assez prise en février. J'ai plusieurs événements importants au sein de ma famille et je vais avoir du mal à me libérer avant le dix-huit. Tu penses que ce sera jouable pour la réservation au Hyatt ?

— Euh... Pour les dates je vais voir ce que je peux faire mais on n'a jamais parlé du Hyatt, je te suggérais le Plazza Athénée moi en fait...

— Ah oui ? C'est étonnant parce que j'avais compris le Park Hyatt. j'ai toujours rêvé d'y aller et la situation est juste fabuleuse près du parc.

—Mais... le Plaza est encore plus proche de Central Park !?

—Huuumm ? Sûrement, dis-je en avalant la fumée, mais j'ai peur de ne pas être à l'aise là-bas. S'il te plait, trouve nous une réservation fin février au Hyatt. On y sera très bien toutes les deux j'en suis certaine, lui ordonné-je d'un ton hautain et sec.

— Écoute, je vais voir ce que je peux faire pour toi mais par contre on ne s'est pas bien comprises, j'ai oublié de te dire un truc...

— Je t'écoute mais pas très longtemps je dois retourner écrire là je suis pleine d'inspiration en ce moment pour le tome deux.

— Je ne m'occupe pas des auteurs à New-York. C'est Hugues qui va te prendre en charge là bas.

— C'est qui, Hugues ?

— Mais enfin Saah, pourquoi la maison s'appelle "Hugues & ses amis" à ton avis ?

— Je ne sais pas et très sincèrement, un samedi soir, j'en m'en fous. Tu feras le nécessaire pour le Hyatt s'il te plait ? J'ai peur de faire une crise d'angoisse au Plaza, surtout si on y va pendant ou avant la St Valentin. Je compte vraiment sur toi, tu es un trésor, tu fais un job de folie Anastasia tu sais ?

  Comme d'habitude je raccroche avant d'avoir sa réponse et je souris de toutes mes dents au Dragon qui me fait face depuis le fond du jardin.

Tu mens comme une déesse ! Je suis fier de constater à quel point tu es sournoise et odieuse. 

J'écrase mon mégot avant de retourner à l'intérieur de la petite maison. J'ai à peine refermé la porte que j'entends la voix glaciale de Xavier qui s'adresse à moi du fond de la salle.

—Quand je laisse la fenêtre entrouverte après une raclette ça me permet de faire circuler l'air et d'aérer un peu même si tu es dehors en train de fumer.

— ...

— Vois-tu, j'ai du mal à savoir ce qui me dérange le plus dans ton haleine, le tabac froid ou l'exhalation permanente de tes mensonges ? 

— Xavier, je...

— T'es chiante, tu sais ! Je veux dire que j'adore t'avoir à la maison quelques jours de temps à autres pour te remonter le moral, mais j'aimerais bien qu'un jour tu débarques ici juste parce que tu es heureuse, que tu viennes partager ton bonheur et pas seulement ta tristesse de merde dans mon salon. Tu t'imagines quoi comme avenir pour ta petite aventure ? Tu as conscience à quel point c'est malsain ce que tu fais ? Tu t'inventes quelque chose là, ce mec n'a rien à voir avec ton personnage, tu vas droit dans le mur ! Et puis envisager de s'envoyer en l'air avec sa création ça relève du délire œdipien là. Si tu souffres de cette histoire Saah, je te préviens tout de suite, tu te paieras un psy pour recoller les morceaux.

—Oh ça va à la fin ! Question recollage de morceaux t'es pas super bien placé pour me faire la leçon je te ferais dire. J'ai envie de savoir, je ne peux décemment pas laisser passer l'occasion, c'est trop tentant. 

— T'es grande, tu fais comme tu veux. On ne peut pas s'entendre sur tout, conclue Xavier en se retournant vers son écran.

— Je ne comprends pas ce que tu me reproches à la fin ! Je n'ai encore rien fait. Comment veux tu que je résiste ? C'est comme si t'écrivais un polar et qu'on te proposait de suivre une équipe de flic pendant un mois, ou encore qu'on te laisse jeter un œil à un rapport d'enquête ou bien...

- Mais je ne couche pas avec le commissaire à la fin, bordel ! Et les auteurs de Fantasy ? Ils font comment les auteurs de Fantasy ? Ils doivent ramener un œuf de Dragon à leur éditeur pour appuyer leur publication ? Tu confonds tout et tu m'énerves. Je vais au lit.

Intérieurement je demande au Dragon de ne pas relever les dernières paroles de Xavier. Il a raison c'est évident, mais au final je n'ai aucun regret d'avoir rappelée Anastasia. Ça m'irrite un peu de devoir m'habituer de nouveau à une autre personne de leur maison de fous mais si ça me paye dix jours à New-York dans un palace ça vaut bien le coup de faire un petit effort, non ?

**********
Et oui : maintenant il va falloir dealer avec le Big Boss de la maison d'édition tout en essayant de ne pas faire n'importe quoi dans la chambre 237 du Hyatt Park...

J'en profite pour dédier ce chapitre à FerdinandBarda, si personne ne connait vraiment l'origine de ses tatouages je peux vous assurer que sa musculation est entretenue uniquement grâce à l'écriture. Il ne tarit jamais d'#Inspiration et c'est à chaque fois original et superbement bien écrit. En plus de ça il faut admettre qu'il est #FondamentalementAdorable. Si vous n'avez pas encore lu ses textes, foncez :  le Monsieur n'a pas récolté deux Wattys pour rien, sur Wattpad #OnlAime. 😘





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